Fotso Fonkam
Chaque année au Cameroun, pendant la période de proclamation des résultats des examens officiels, les rumeurs alarmantes sur la note de délibération est devenue une tradition. La note de délibération est celle à partir de laquelle un candidat est déclaré admis. Que ces rumeurs soient fondées ou pas, le constat général est que le niveau scolaire est en chute vertigineuse dans notre pays. Pourtant, on a l’impression que rien n’est fait pour essayer de relever le niveau qui est déjà très bas.
Des torts partagés
Le processus d’enseignement/apprentissage implique plusieurs acteurs. En cas d’échec, chacun de ces derniers a sa part de responsabilité, en fonction de son degré d’implication dans le processus. La responsabilité de l’échec revient bien entendu à l’élève, mais celui-ci n’est que le dernier maillon d’une longue chaîne qui commence dans les ministères en charge de l’éducation, continue dans les établissements scolaires et se termine dans les domiciles.
Si on peut comprendre que les pouvoirs publics et les organes en charge de l’organisation des examens (l’Office du baccalauréat du Cameroun ou OBC et la Direction des examens et concours ou DEXC) essaient de contenter les parents en validant une réussite aux examens avec des notes très en-dessous de la moyenne, il est en revanche incompréhensible que les parents ne montrent pas plus d’exigence que cela en ce qui concerne la qualité de l’enseignement qui est dispensé à leur progéniture.
Les parents, complices ?
Depuis plusieurs années déjà, dans les établissements scolaires existent des Associations de parents d’élèves et enseignants (APEE). Ces associations accompagnent les établissements dans leur mission éducative en gérant l’argent cotisé par leurs membres (et dont le montant varie en fonction des besoins et des objectifs visés).
Les actions de l’APEE vont de la réfection ou la construction de salles de classe, à l’achat de tables-bancs en passant par la prise en charge financière des enseignants en cours d’intégration (ECI). Autant dire que l’implication des parents dans l’éducation de leurs enfants est grande.
La responsabilité de l’échec revient bien entendu à l’élève, mais celui-ci n’est que le dernier maillon d’une longue chaîne qui commence dans les ministères en charge de l’éducation, continue dans les établissements scolaires et se termine dans les domiciles.
Pourtant, on s’étonne encore de voir des établissements scolaires où certains enfants prennent les cours assis à même le sol, faute de tables-bancs. On s’étonne encore de voir des établissements avec des classes de 120 élèves et plus. On s’étonne de voir des établissements sans enseignants, sans craie, sans bibliothèque, avec des tableaux illisibles, etc.
Même si ces problèmes peuvent être réglés par le ministère (dont le laxisme n’est plus à démontrer) ou par l’administration de l’école (dont les chefs n’ont généralement qu’une seule mission : se remplir les poches), les parents à travers l’APEE, doivent proposer des solutions à leur niveau (car au final, ce sont leurs enfants qui ressortent abrutis de ces écoles qui déforment plus qu’elles ne forment). En acceptant que leurs enfants reçoivent une éducation au rabais, les parents ne se rendent-ils pas complices de leur échec autant à l’école que dans la vie ?
Exiger la qualité
Un examen se prépare en début d’année. Si l’année scolaire se déroule mal pour une raison ou une autre (mauvais tableau, insuffisance de bancs ou de matériel didactique, rareté ou incompétence des enseignants, etc.), il est clair que les résultats des examens seront également mauvais.
Délibérer à 7 ou à 8/20 « profite » certainement aux ministères et aux organes en charge de l’organisation des examens officiels qui affichent des pourcentages de réussite pompeux, mais les parents, eux, ne doivent-ils pas exiger la qualité pour leurs enfants ?
Mais le plus choquant, c’est de voir des parents jubiler en apprenant que leurs enfants ont eu leur examen avec 07/20 de moyenne. Pourquoi aucune APEE ne s’est jamais levée pour dénoncer ces notes ? Les parents, au Cameroun sont-ils heureux d’avoir des enfants diplômés mais incapables de former une phrase qui contienne moins de 5 fautes ?
Délibérer à 7 ou à 8/20 « profite » certainement aux ministères et aux organes en charge de l’organisation des examens officiels qui affichent des pourcentages de réussite pompeux, mais les parents, eux, ne doivent-ils pas exiger la qualité pour leurs enfants ?
Photo: ledakarois.net
Enseignant camerounais et blogueur sur la plateforme Mondoblog initiée par l’Atelier des médias de RFI, Fotso Fonkam s’intéresse aux questions d’éducation, sujet sur lequel portent principalement ses billets publiés sur son blog et d’autres plateformes.
1 Commentaire. En écrire un nouveau
Je suis d’accord à 360° avec l’auteur de cet article au combien saisissant de la réalité qui prévaut dans le secteur de l’éducation en Afrique de manière générale et en Afrique de l’Ouest en particulier.
L’éducation est un système. Comme tout autre système, elle est donc constitué de rouages, c’est à dire d’un ensemble de ressources qui convergent et concourrent à l’atteinte de ses objectifs. Ainsi, l’on ne saurait imputer la responsabilité qu’à l’Etat ou aux enseignants pour ce qui est de la situation non-réluisante dans le secteur de l’éducation. Chaque acteur (l’Etat, la société dans son ensemble, les enseignants mais fondamentalement les familles) a un rôle très déterminant à jouer dans la préparation psychologique et l’épanouissement intellectuel de l’élève. Autrement dit, l’éducation c’est l’affaire de tous.
Amicalement.