Auteur : Fofou Tchio Armel
Organisation affiliée : Thinking Africa
Site de publication : Thinking Africa
Type de publication : Note d’analyse
Date de publication : Février 2022
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Contexte
Cette note d’opinion résulte d’une révision stratégique est en cours en Afrique de l’Ouest. En effet, en janvier dernier, l’ambassadeur français au Mali a été expulsé à Bamako en raison de l’incapacité de la France, au moyen de la force Barkhane, à préserver la paix dans la région sahélienne déstabilisée par les Djihadistes. S’ajoute à ceci, les coups de forces politiques récentes en Guinée, au Burkina Faso et au Mali qui mettent en cause la légitimité du statut de la France en Afrique. Ce n’est pas superfétatoire de constater à l’ère de la mondialisation, le polycentrisme et le multilatéralisme qui érodent le monolithisme occidental. Dans ce renouvellement politique de la carte du monde, l’attrait pour l’Afrique s’avère remarquable par la présence de la Chine, de la Russie, de l’Inde, etc. Changer d’alliance peut sembler bénéfique, mais au moment où l’Afrique s’illustre par sa résilience face à la pandémie de la COVID-19, on peut espérer que les leçons de cette crise sanitaire mondiale permettent aux Africains de trouver des forces endogènes nécessaires pour s’émanciper par soi et pour soi.
Problématique
Quel est le sens de l’engagement d’Achille Mbembe au Sommet Afrique-France de Montpellier et les enjeux de ce sommet ? Au regard des apories de la solidarité française face à l’Afrique, l’éclosion des peuples africains n’émanera-t-elle pas d’eux-mêmes ?
De l’historicité coloniale et postcoloniale de la relation Afrique-France
La colonisation n’a pas été toujours synonyme de civilisation et d’émancipation. En Afrique, l’expérience coloniale fondée sur le mythe de l’infériorité raciale a contribué non seulement à l’aliénation culturelle des peuples africains, mais aussi, à l’exploitation des ressources humaines et matérielles. La colonisation française n’a pas pu se défaire à ce régime de violence et d’oppression. Dans cette perspective pense Achille Mbembe,
« Le propre de la souveraineté coloniale est d’administrer des ordres et de les faire exécuter […] Les institutions dont elle se dote, les procédures qu’elle invente, les techniques qu’elle utilise et le savoir sur lequel elle repose ne sont pas déployés en vue d’atteindre un quelconque bien public. Leur première finalité est la soumission absolue. L’objectif que cette espèce de souveraineté se propose d’atteindre est que les gens lui obéissent. »
La colonisation n’a pas été toujours synonyme de civilisation et d’émancipation. En Afrique, l’expérience coloniale fondée sur le mythe de l’infériorité raciale a contribué non seulement à l’aliénation culturelle des peuples africains, mais aussi, à l’exploitation des ressources humaines et matérielles
On voit par-là, que la relation Afrique France, s’est construite à travers un schéma brouillé, une voie sinueuse et ruineuse de l’émancipation véritable des sociétés africaines. Dans un tel contexte, en quoi le Sommet Afrique-France de Montpellier s’est voulu correctif et novateur ?
Du sommet Afrique France et ses enjeux multiformes
Sous la férule d’Achille Mbembe, une poignée d’Africains issue de l’élite continentale et de ses ailleurs, mue par le désir d’Afrique que d’une communauté humaine apaisée, a été invité au Sommet Afrique-France d’octobre 2021 à Montpelier pour refaire le trait d’union à l’initiative d’Emmanuel Macron. À partir de problèmes plus ou moins communs, ce sommet avait pour point nodal de réviser les fondamentaux de la relation entre l’Afrique et la France à la lumière des « propositions fortes » selon l’expression d’Achille Mbembe. L’engagement du penseur africain est concordataire à la philosophie qui l’anime. Elle est structurée autour de l’« en-commun », une reprise du « Tout-monde » d’Edward Glissant. C’est l’ambition d’instaurer un monde harmonieux par l’élaboration des rapports horizontaux entre humains. Penser et écrire ce monde contemporain, depuis l’Afrique, consiste à réaliser un espace habitable et partageable par tous, par-delà, le genre, la classe, la région, bien plus, l’espèce. Faire du monde, un abri, une oasis pour les habitants de la Terre, telle est la devise.
L’élaboration d’une politique africaine pour contrôler de manière efficace les migrations a été envisagée. En outre, étant donné qu’une jeunesse surnuméraire peut être une grande faiblesse, l’accompagnement à l’auto-emploi a été évoqué. Ce qui ne va pas sans le projet de création des Start-up en Afrique. Du reste, la protection de l’environnement à laquelle la politique contemporaine attache de grands soins devient une autre voie commune et paradigmatique à emprunter avec pour balises, la lutte contre le dérèglement climatique et la protection de la biodiversité. Cette protection de la nature va de pair avec un intérêt pour l’humain. Revoir l’aide au développement consiste ainsi à le rompre avec ses attaches paternaliste et coloniale pour le replacer dans le domaine de l’humanitaire qui tiendra pour défi : l’aide d’urgence, le renforcement des capacités publiques et privées, les investissements en Afrique, etc.
Des apories du sommet Afrique-France de Montpellier
Citons, à cet égard, le soutien promis lors du décès de l’ancien président Idris Deby Itno au peuple tchadien : « La France ne permettra pas que le système politique qui a fonctionné au Tchad jusqu’ici, puisse vaciller. De quel changement, parle t on si la politique étrangère française en Afrique se fait charrier d’un certain relativisme assourdissant ? Lorsque cette politique étrangère consiste à traiter les situations politiques selon la tête des clients, elle devient fade et s’hypothèque elle-même. ».
Sous la férule d’Achille Mbembe, une poignée d’Africains issue de l’élite continentale et de ses ailleurs, mue par le désir d’Afrique que d’une communauté humaine apaisée, a été invité au Sommet Afrique-France d’octobre 2021 à Montpelier pour refaire le trait d’union à l’initiative d’Emmanuel Macron
Rusant contre elle-même, contre ses propres principes, il faudrait se fonder sur le soutien des démocraties nominales en raison de l’autoritarisme et de la vieillesse du commandement en Afrique noire francophone pour s’en convaincre qu’une fois de plus, les bénéficiaires légitimes du pouvoir sont mis hors du jeu politique. Aussi, ce serait bien faire preuve de naïveté que de croire à l’humanisme au sein du concert des nations, étant donné que chaque diplomatie explore partout et toujours des moyens de croissance de sa propre puissance : « Sur le terrain des relations internationales, les puissances ont, entre autres moyens d’influence, la persuasion et le marchandage. ».
Et cela ne peut être autrement, puisque la multiplicité des instabilités sur le continent, à savoir les assauts des Djihadistes dans la région du Sahel ; les attaques répétitifs et incessantes de Boko Haram au Nigeria, au Nord Cameroun, au Tchad ; la crise des refugiés en République centrafricaine et le foisonnement des milices militaires au Congo, viennent de la richesse du sol et du sous-sol africain, qui suscitent les appétits des pays occidentaux.
De ce qui vient d’être dit, il est candide et utopique de compter sur la compassion occidentale pour espérer tirer l’Afrique du bourbier dans lequel, elle semble patauger. Faute d’éviter de faire ressurgir l’hydre impérialiste, « sortir de la grande nuit » ne supposerait-il pas premièrement, se mettre debout soi-même ?
D’une voie africaine autocentrée, par-delà le dialogue
À l’ère de la période gouvernée par la pandémie de la COVID-19 où nous sommes, on aurait pensé que l’Afrique en général et l’Afrique noire en particulier aurait enregistré une hécatombe. Toutefois, cette prédiction dramatique et tragique qui, peu ou prou consubstantielle à l’histoire socio-politique africaine, a été avorté par la capacité de résilience du continent. L’Afrique est la part du monde qui s’en sort la mieux face à la gestion de cette crise. Il y aurait manifestement des raisons de penser que les solutions aux problèmes du continent peuvent être endogènes en tant que son pharmakon peut être trouvé au milieu de ses peuples. Donc, les voies d’émancipation des peuples africaines, élaborées depuis la période des indépendances par ses éminents penseurs peuvent être moins frappées de péremption.
Toutefois, cette prédiction dramatique et tragique qui, peu ou prou consubstantielle à l’histoire socio-politique africaine, a été avorté par la capacité de résilience du continent. L’Afrique est la part du monde qui s’en sort la mieux face à la gestion de cette crise
Pour le développement socio-économique, l’importance de la monnaie africaine serait déterminante. Cela donnerait plus de force et d’entrain pour l’Afrique de s’assurer ces propres charges ‒ là où on constate que le politique est parfois vacant. Elle pourra permettre également à l’amélioration de l’habitat, destiné à la facilitation du logement. Pour la santé et l’éducation nationale et panafricaine, une monnaie unique est l’instrument des prestations des services de qualité, de l’amélioration des conditions de vie, de la construction d’établissements viables et durables26. Là où l’État était affaibli par la balkanisation, la monnaie unique pourrait sembler un moyen de sortie de l’impasse.
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2 Commentaires. En écrire un nouveau
Au jour d’aujourd’hui nous (jeunes camerounais en général et africain en particulier) sommes très fiers de nos frères du Sahel et prions que un maximum de nos leader de l’Afrique centrale prennent conscience afin que nous puissions les accompagner dans l’émergence vers une Afrique libre qui pourrait côtoyer et s’ouvrir au monde en parlant de tu à tu
Avec Wathi, je commence à mieux appréhender les problèmes auxquels l’Afrique est confrontée, auxquels nous sommes confrontés.
J’aimerais les experts se penchent davantage sur l’histoire de l’Afrique précoloniale. Des phénomènes comme le djihadisme d’aujourd’hui, surtout en Afrique de l’Ouest, ont facilité la tache à la colonisation en déstructurant, voire en détruisant les Etats organisés qui existaient. Je pense notamment au djihad d’Elhadji Omar Tall (Mali, Guinée, Sénégal, Mauritanie) et à celui de l’Almamy Samory Touré (Mali, Guinée, Côte d’Ivoire…).