Auteur (s) : Bureau International du Travail (BIT)
Organisation affiliée : Organisation internationale du travail (OIT)
Type de publication : Rapport d’étude
Date de publication : 2011
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Les changements climatiques et la détérioration de l’environnement (progression de la désertification et problèmes pluviométriques) entraînent une diminution des rendements agricoles. Cette situation a un impact majeur sur la mobilité humaine et entraîne un accroissement considérable des migrations et des déplacements.
Les flux de mobilité interne sont à dominance inter-rurale (44%). Selon un rapport de la Banque Mondiale, 2010, plus d’un million de sénégalais sont établis à l’étranger.
La montée en puissance des politiques de développement durable et en particulier, l’écologisation de l’économie, impose de s’intéresser davantage aux filières liées à l’environnement en termes de création d’emplois verts.
Dans les régions comme au niveau national, certaines filières offrent un potentiel de croissance que certains qualifient de « plus forte opportunité économique du 21éme siècle ». Les filières énergie notamment, les énergies renouvelables et l’utilisation rationnelle de la biomasse énergie (diffusion des foyers améliorés), la filière forêt et agriculture, la filière bâtiment et la filière déchets constituent de véritables viviers en matière de création d’emplois verts.
Contexte institutionnel
L’environnement et la gestion des ressources naturelles font partie des compétences transférées aux collectivités locales (loi 96-06 du 05/02/96 portant code des collectivités locales). Ce transfert de compétences a été réaffirmé par la loi n° 98-03 du 8 janvier 1998, vise à responsabiliser les populations et les collectivités locales dans la gestion rationnelle des ressources forestières de leurs terroirs, à reconnaître le droit de propriété des personnes privées sur leurs formations forestières.
Par ailleurs, le manque de synergie entre les acteurs dans le suivi et l’évaluation environnemental des investissements et le manque d’application des lois constituent des défis aussi déterminants.
Indicateurs socio-économiques
L’activité économique régionale de Kolda est essentiellement bâtie autour de l’agriculture, de l’élevage et de l’exploitation forestière. La production forestière concerne principalement les combustibles (charbon et bois de chauffe), le bois d’œuvre, le bois de service et les produits de cueillette.
Dans une moindre mesure, la pharmacopée constitue un niveau d’exploitation forestière assez répandue dans la région. En dépit de ces potentialités réelles, la région connaît un taux de migration élevé (de l’ordre de 15% soit plus de 80 000 et le taux de chômage est également très élevé (55%).
La région de Matam présente la particularité d’être une région rurale à forte potentialité agricole, pastorale et forestière renforcées par la présence de cours d’eau (fleuve Sénégal) et par une pluviométrie en forte croissance ces 5 dernières années. Au plan de la situation de la migration des populations actives, la région connaît un taux de migration très élevé, qui est estimé à 25% soit plus de 100 000 sénégalais originaires de la région qui résident à l’extérieur.
Quant au niveau de l’emploi, le taux de chômage est également très élevé, selon la direction régionale de la statistique, il est estimé à 45%4, avec un pic au niveau de la jeunesse de la région (20-35 ans).
La région de Saint Louis est une région essentiellement agricole à raison de la disponibilité d’eau (fleuve Sénégal), c’est pourquoi l’essentiel des emplois existants se trouvent dans l’agriculture. Néanmoins, le taux de chômage au niveau de la région est élevé, il est estimé à 66,4%. Le nombre de migrants originaires de la région de Saint Louis est estimé à 65 304 personnes.
Les ressources en terres sèches de la planète sont affectées à hauteur de 30% par le processus de désertification. Les populations d’Afrique et principalement d’Afrique de l’Ouest sont plus vulnérables et plus touchées par les phénomènes récurrents de désertification et des sécheresses. Ces phénomènes ont engendrés des conflits, des problèmes fonciers, la baisse des ressources en eau, la faiblesse des revenus et rentes, le chômage, l’insécurité alimentaire mais plus généralement des migrations et des déplacements de population.
Estimée à plus d’un million de personnes établies à l’étranger, la diaspora sénégalaise au titre de l’année 2010 a envoyé un peu plus de 600 milliards de francs CFA soit plus de 900 millions d’euros, selon un rapport de la Banque Mondiale. Près de 50% de ces fonds sont destinés à la consommation courante, 25% à l’épargne de précaution, 20% à l’investissement immobilier et seulement moins de 5% à l’investissement productif. Ces transferts ont un impact significatif sur la réduction de la pauvreté et sur l’économie nationale car ils représentent plus de 12% du PIB et plus du double du montant de l’Aide publique au Développement (APD) perçu par l’Etat du Sénégal.
enfin, le verdissement de l’économie des régions de Kolda, Matam et Saint-Louis offre de bonnes perspectives de création d’emplois aux jeunes et aux adultes notamment du milieu rural. L’impact potentiel du verdissement de l’économie locale pourrait s’évaluer ainsi en termes de fixation des jeunes dans leurs terroirs et de réduction de la migration. La perspective de reconversion des métiers existants en vert, constitue une grande opportunité de valorisation de l’expertise des émigrés originaires des régions, acquise en europe et en Amérique pour amorcer une autre voie de développement et de lutte contre la marginalisation.
Caractéristiques de l’environnement des régions
- REGION DE KOLDA
Le secteur forestier occupe une place importante dans le développement économique et social de la région. Le sous-secteur forestier contribue à la satisfaction des besoins énergétiques et en produits ligneux divers, à l’alimentation, à la santé et à l’habitat. Il dispose d’une production de cueillette aussi importante que diversifiée et d’une faune sauvage riche en espèces. Par conséquent, il constitue une « banque verte ».
Au plan de la chasse, l’importance de l’activité cynégétique constitue un indicateur de la richesse de la faune sauvage de la région même si le potentiel faunique reste mal connu. Les superficies amodiées représentent plus de 450.000 hectares, soit près de 22% du territoire régional.
- REGION DE MATAM
A Matam, le fleuve Sénégal et son énorme potentiel hydrologique avec les 200 Km qui traversent la région, constitue la principale ressource en eau de surface. L’importance de cette ressource se perçoit dans tous les secteurs d’activités, de l’agriculture (cultures irriguées et de décrue) à la pêche en passant par le transport, etc. La région dispose d’importantes formations forestières.
L’impact potentiel du verdissement de l’économie locale pourrait s’évaluer ainsi en termes de fixation des jeunes dans leurs terroirs et de réduction de la migration
Le caractère endémique des feux de brousse ainsi que le type de climat sahélien qui prédomine dans la région ont beaucoup contribué à la fragilisation des écosystèmes. Ceci s’est traduit au fil des années par la perte de milliers d’hectares de terres et de forêts et par conséquent, la disparition d’innombrables espèces animales. Néanmoins, la région recèle encore quelques potentialités forestières notamment dans les départements de Kanel et de Ranérou Ferlo, où grâce à l’existence de deux réserves de faune et sept réserves sylvo-pastorales, l’habitat faunique est en train de se reconstituer offrant ainsi un ensemble de biotopes favorables au développement de la faune et l’avifaune.
- REGION DE SAINT-LOUIS
Le bassin versant du fleuve Sénégal est marqué par l’importante diversité des écosystèmes5 rencontrés.
L’eau est donc l’élément clef de la biodiversité du bassin : c’est elle qui conditionne la richesse des milieux. Les zones humides constituent de véritables oasis de vie et sont d’une importance capitale. Leur lien étroit avec le fleuve et le refuge qu’elles constituent pour la faune et la flore, expliquent cette importance.
La vallée du Fleuve Sénégal a souffert de la raréfaction de la ressource en eau. La sécheresse des années 70 et 80 ont fortement remanié les formations végétales et concouru à une perte de la biodiversité (réduction des surfaces humides et tendance à l’homogénéisation des milieux avec la forte progression de la steppe arbustive sèche au détriment des formations arborées de la plaine alluviale).
Ces épisodes climatiques critiques ont focalisé les populations et leurs activités (agriculture, sylvo-pastoralisme) autour des zones humides, augmentant ainsi la pression exercée sur ces milieux déjà affaiblis.
Concept d’emploi vert
Il convient de retenir que les emplois verts sont des emplois résultant des actions qui réduisent l’impact environnemental (déforestation, sécheresse, inondations récurrentes, érosion des sols…) pour finalement le maintenir à un niveau acceptable, dans le paradigme de la nouvelle économie verte, laquelle nous donne « une amélioration du bien-être humain et de l’équité sociale tout en réduisant de manière significative les risques environnementaux et la pénurie de ressources ».
Il s’agit de l’ensemble des emplois induits par toutes activités dans tous les secteurs avec une prise en compte de la dimension environnementale, notamment des changements climatiques à chaque étape des systèmes de production et de consommation. Les emplois verts constituent ainsi, un pilier de la croissance verte qui, aujourd’hui, sous-tend les logiques du développement durable.
Composantes de l’offre de biens et de services
L’analyse des sous filières selon une approche de chaîne de valeurs permet de mettre en exergue les emplois existants ou niches d’emplois. Ainsi la filière Forêt/agriculture, que l’on retrouve pour l’essentiel dans la région de Kolda offre des possibilités d’emplois aux niveaux suivants :
La culture des produits forestiers non ligneux procure des emplois aux planteurs. La cueillette ou le ramassage des produits forestiers non ligneux qui contribuent à la sécurité alimentaire des populations rurales et urbaines tout en fournissant des revenus et emplois aux ménages ruraux.
L’aménagement participatif des forêts et diffusion des services de cuisson moderne (foyers améliorés) en vue de remédier à la surexploitation des forêts et de lever les contraintes liées à l’accès aux services énergétiques modernes.
A titre d’exemple 1000 ha de forêt aménagée permettent de créer 30 emplois d’exploitants charbonniers et 45 emplois dans la production et vente de charbon.
La filière énergie, la sous filière biomasse dominée par la valorisation du typha, des brisures de riz et de la canne à sucre, est plus importante dans la région de Saint-Louis que dans les autres régions. Les potentiels d’emplois peuvent être appréhendés aux stades de :
La récolte/ fauchage des typhas, brisures de riz, la valorisation dans les unités de fabrication de bio charbon et la commercialisation du bio-charbon.
La sous filière des énergies renouvelables concerne toutes les trois régions notamment le milieu rural. Elle peut procurer d’importants emplois et surtout des emplois cadres et qualifiés aux stades de : la fabrication de matériels et équipements ; la distribution des équipements ; l’installation, la maintenance et de l’exploitation des équipements ; conseil et étude de choix énergétiques. Le solaire PV, le solaire thermique et le biogaz sont des sous filières énergétiques à fort potentiel d’emplois verts.
La filière bâtiments concerne toutes les régions. Néanmoins la région de Saint Louis, notamment la commune a lancé un important programme de démolition et réhabilitation de bâtiments. Cette filière constitue une niche d’emplois verts qui peut être appréhendée à travers la démolition, réparation, le ramassage des gravats et la construction ; la fabrication de matériaux, techniques ; l’assistance à la maîtrise d’ouvrages de type HQe; l’installation d’équipements et de mise en œuvre de matériaux spécifiques ; la Prestation de certification ; Architecture de type HQe.
La filière déchet : trois stades existent dans la chaîne des déchets : Le collecte ou ramassage, le transport vers une décharge finale, le tri et la valorisation des solides.
Analyse de la vulnérabilité
La population sénégalaise à dominante rurale (Plus de 60% de la population active est agriculteur) est fortement tributaire des ressources naturelles.
La pression sur ces ressources, corrélée avec les péjorations climatiques engendre une raréfaction et/ou une dégradation des ressources ce qui exacerbent le processus de paupérisation et rend davantage vulnérables les populations, en particulier en milieu rural, face aux impacts négatifs des changements climatiques.
La sous filière des énergies renouvelables concerne toutes les trois régions notamment le milieu rural. Elle peut procurer d’importants emplois et surtout des emplois cadres et qualifiés aux stades de : la fabrication de matériels et équipements ; la distribution des équipements ; l’installation, la maintenance et de l’exploitation des équipements ; conseil et étude de choix énergétiques
Ainsi les filières dépendant des ressources en eau (Agriculture, foresterie, biomasse) sont sensibles aux mutations du climat. Sur ce plan, malgré leurs fortes potentialités, les secteurs de l’agriculture et de la foresterie sénégalaise restent dépendants de la pluviométrie et des études récentes ont montré que la pluviométrie a globalement baissé de 35 % en quantité avec une diminution de la durée de la période pluvieuse et une baisse de la fréquence des jours.
La stratégie de développement d’emplois verts
L’évolution de filières économiques intégrant la dimension environnementale, voire durable, confronte les travailleurs et les employeurs à de nouveaux besoins et de nouvelles exigences : nouvelles normes (performance énergétique, minimisation des nuisances environnementales…), nouvelles techniques, nouvelles fonctions, nouveaux profils de travailleurs, etc.
La question est donc de savoir quelles seront ces nouvelles compétences et qualifications à acquérir dans ces « déclinaisons vertes » de métiers existants, voire dans de nouveaux métiers ?
Les champs de la formation, de l’enseignement et de l’insertion dans l’emploi ont donc un rôle important à jouer pour rencontrer une partie de ces nouveaux besoins et qualifier les actuels ou futurs travailleurs en développant de nouvelles filières de formation ou, probablement le plus souvent, en adaptant celles qui existent.
Le défi principal commun à ces secteurs sera de combiner deux types de « transitions » qui peuvent mutuellement se soutenir. Il s’agira en effet de déployer des processus adaptés et positifs de « transitions de l’éducation – formation à l’emploi » dans le cadre de l’indispensable « transition écologique » de l’économie et plus largement de l’ensemble de la société. Et ce, au travers des formations initiales, préformations, formations qualifiantes, stages, dispositifs d’alternance, adaptations et reconversions dans l’emploi, etc., via l’ensemble des opérateurs, et à destination tant des élèves que des demandeurs d’emploi et des travailleurs.
RECOMMANDATIONS
- Formation
Adapter la formation aux conditions spécifiques du marché et aux filières (redimensionner la formation aux besoins du marché de travail) ;
Doter les collectivités locales de capacités techniques de planification et de suivi-évaluation d’activité de développement des emplois verts ;
Valider la formation acquis de migrants de retour. Les migrants de retour, ayant les connaissances techniques, peuvent aider à la formation des sénégalais ;
- Recherche
Faire une étude sur les créneaux porteurs des emplois verts avec l’approche filière sur les chaînes de valeur pour estimer les emplois potentiels.
Il s’agira en effet de déployer des processus adaptés et positifs de « transitions de l’éducation – formation à l’emploi » dans le cadre de l’indispensable « transition écologique » de l’économie et plus largement de l’ensemble de la société
- Financement
La mise en place d’un fond d’impulsion à l’économie verte, promouvoir la prise en charge de la dimension environnementale dans la planification du développement local à travers ;
Réorientation des politiques étatiques de financement vers le nouveau paradigme de l’économique verte ;
Réorienter les investissements des migrants vers les créneaux productifs ;
- Stratégies politiques
Doter les collectivités locales de capacités techniques de planification et de Suivi-évaluation d’activités de développement des emplois verts ;
Définition des politiques, des priorités, des budgets et d’une programmation au niveau local qui prenne charge les variables migration et environnement ;
Des partenariats public-privé doivent être mis en œuvre ;
Trouver les meilleurs moyens d’inclure les savoirs locaux dans la définition des politiques environnementales, climatiques et du développement.
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