Auteur: Greenpeace Africa
Site de publication : Association pour la Promotion et la Responsabilisation des Acteurs de la Pêche Artisanale Maritime (Aprapam)
Type de publication : Etude
Date de publication: Mai 2015
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Introduction
Les eaux ouest-africaines font partie des rares zones de pêche encore fertiles dans le monde. Pour de nombreux pays côtiers, la pêche, en tant qu’activité génératrice de revenus, contribue de manière significative à l’économie nationale. Elle contribue également à la création d’emplois et, qui plus est, à la sécurité alimentaire pour les populations locales.
Cependant, l’Afrique de l’Ouest ne fait pas exception à la surpêche qui affecte tous les océans du monde. Les études les plus récentes montrent un déclin de nombreuses espèces, notamment les stocks de poissons démersaux et pélagiques. L’ampleur de la crise dans ce secteur stratégique nécessite de la part des pays côtiers de l’Afrique de l’Ouest de réformer et de mettre en œuvre des politiques de pêche équitables et plus orientées vers la conservation. Néanmoins, il reste à voir si les futures politiques de gestion des pêches apporteront les solutions nécessaires, et cela pour plusieurs raisons: mauvais choix stratégiques tant sur le plan politique qu’économique, manque de volonté politique, manque de ressources pour assurer un contrôle efficace des activités de pêche dans les zones économiques exclusives (ZEE) qui entraîne une pêche illégale très répandue. De plus, profitant des faiblesses des systèmes de gestion des pêches, des acteurs peu scrupuleux compromettent le futur de millions de personnes qui dépendent de ce secteur pour leur sécurité alimentaire et leurs moyens de subsistance.
China National Fisheries Corporation (CNFC)
Preuves flagrantes de la fraude au tonnage
Les navires de la CNFC opérant au Sénégal et dont le TB est sous-déclaré
La China National Fisheries Corporation (CNFC) est la seule société de pêche chinoise opérant au Sénégal. Le navire de CNFC, Soleil 11 (ex-Soachip 11), a été transféré et a changé de pavillon de la Chine vers le Sénégal en 1988 avec un tonnage brut (TB) déclaré inférieur au TB initial. Le Certificat International de Jauge pour Soachip 11 en date du 10 Janvier 1988 déclare un tonnage brut de 299 (selon la Convention Internationale sur le Jaugeage des Navires). Lorsque le navire a été transféré et repavilloné au Sénégal le 30 mai 1988, il a été enregistré le 31 mai 1988 sous le n ° DAK 821 et son tonnage brut déclaré était de 135.
Le nombre de navires appartenant à CNFC qui pêchent au Sénégal a varié au cours des années. De 2000 à 2014, il y avait en moyenne 12 navires, sauf en 2000 où il y en avait 24 et en 2004, où, pour une raison inconnue, il n’y en avait que deux. Nous n’avons pu trouver les données relatives au TB provenant de sources publiques uniquement que pour les 12 navires opérant au Sénégal en 2014 et nous les avons comparées aux données figurant sur la liste officielle des navires autorisés à pêcher dans les eaux sénégalaises. La comparaison établie au tableau 1 montre que:
– En 2014, les 12 navires présentés un TB sous-déclaré en moyenne de 44%;
– En 2014, le total du TB déclaré s’élevait à 2202 alors que le TB disponible auprès des sources publiques était de 3944;
– De 2000 à 2014, le TB sous-déclaré était en moyenne de 43% (voir annexe I b);
– La perte de redevances de licence de 2000 à 2014 est estimée à 371 404 800 francs CFA (soit 566 203 EURO).
La fraude des navires chinois et les incohérences de TB au Sénégal, en Guinée et en Guinée Bissau
- Un total de 109 navires chinois opérant au Sénégal, en Guinée et en Guinée-Bissau de 2012 à 2014 ont été identifiés;
- pour 86 navires, au minimum deux sources de données sur la déclaration sur le TB ont été trouvées qui ont permis d’établir une comparaison;
- sur ces 86 navires, on a pu noter que 65 avaient fourni des déclarations sur le TB différentes des données obtenues de plusieurs sources. Ces navires peuvent être classés en deux catégories.
Tonnage brut sous-déclaré : 44 navires
- sur ces 65 navires, nous avons pu recueillir des preuves de sous-déclaration du TB pour 44 navires. Le TB qu’ils ont déclaré aux États côtiers de l’Afrique de l’Ouest est inférieur au TB déclaré auprès des sources maritimes publiques ou au TB vérifié par Greenpeace Afrique à partir du plan détaillé. Sur la base du TB réel, le tonnage total sous-déclaré est de 6 757,7 TB, environ l’équivalent de 22 navires de pêche industrielle d’une capacité de 300 TB chacun. Ces 44 navires appartiennent tous à la CNFC.
Incohérences des TB déclarés: 21 navires
En ce qui concerne les 21 autres navires, ils ont déclaré différents TB à différents États côtiers et à des moments différents. Dans ce cas, par manque de données, il n’a pas été possible de calculer le TB réel de ces navires et donc de prouver qu’il y a eu sous-déclaration. Seules les incohérences de déclarations ont été identifiées.
- 19 navires LianRun ont été déclarés avec différents TB en Guinée en 2013 comparé à 2014; et quand 6 de ces navires ont été transférés de la Guinée à la Guinée-Bissau en 2014, la société a changé à nouveau le TB des navires.
- 2 navires de la CNFC, Zhongshui 9416 et Zhongshui 9417, ont été déclarés avec des TB différents en Guinée en 2013 et en Guinée-Bissau en 2014. En outre, le tonnage déclaré était différent du TB enregistré dans les ressources maritimes publiques. Le plan des navires n’est pas disponible mais les incohérences dans la déclaration des TB entre les différentes sources pourraient indiquer des cas, très rares, de sur-déclaration.
La fraude sur le TB: une pratique répandue?
En dehors du Sénégal, de la Guinée et de la GuinéeBissau, les navires chinois opèrent également dans les eaux de nombreux autres pays africains comme le Maroc, la Mauritanie, la Sierra Leone, le Ghana, le Libéria, le Cameroun, le Gabon, l’Angola, le Mozambique et Madagascar. Malgré le peu de données disponibles et le manque de transparence, les cas éventuels de fraude de TB pourraient être révélés par des recherches supplémentaires. Par exemple, on a pu se rendre compte que Shandong Overseas Fisheries Development Co. Ltd (Shandong) avait sous-déclaré le TB d’un de ses navires au Ghana en 2013.
Bien que les preuves actuellement disponibles révèlent que cette pratique frauduleuse exercée par des sociétés chinoises se produit dans au moins trois pays ouest-africains, il ne fait aucun doute qu’il ne s’agit là que de la partie visible de l’iceberg. Cette pratique illégale des sociétés de pêche industrielle en Afrique pourrait être plus répandue et plus systématique et ne pas impliquer uniquement des sociétés chinoises.
Le Coût réel de la Fraude au Tonnage
La Sous-Déclaration sur le TB compromet la gestion durable de la pêche
- La fraude sur le TB compromet les mesures de conservation et de gestion et exacerbe la surpêche. La limitation de la capacité de pêche est un moyen de limiter la quantité de poissons pêchée dans une période de temps déterminée. Par exemple, l’accord de pêche entre la Guinée-Bissau et la CFNC, signé le 28 Juin 2010, imposait aux navires de la CFNC une limite de TB par an. Cependant, rien que pour le premier semestre de l’année 2014, la capacité de pêche réelle de la CFNC a dépassé la limite autorisée de 61%.
- Selon diverses sources, rien que pour l’année 2014, sur les 59 navires de la CFNC opérant dans ces trois pays, le TB de 44 navires a été sous-déclaré. Au total, 6757,7 TB ont été «dissimulés» à ces trois Etats côtiers, ce qui représente environ l’équivalent de 22 navires industriels de pêche supplémentaires d’une capacité de 300 TB chacun dans ces eaux de l’Afrique de l’Ouest.
Sous-déclarer le TB constitue une infraction
- La sous-déclaration du TB est illégale en vertu de la législation en vigueur en Chine, au Sénégal, en Guinée et en Guinée-Bissau. Par conséquent, ces navires de pêche déclarés sous un faux TB opèrent illégalement.
- Les trois pays ouest-africains concernés par cette étude exigent que les spécifications techniques des navires de pêche industrielle, y compris leur TB soient déclarées aux autorités compétentes. Les trois pays considèrent les données incorrectes sur le TB comme une infraction. Cette fraude est considérée comme une infraction grave au Sénégal et en Guinée-Bissau.
La fraude sur le TB compromet les mesures de conservation et de gestion et exacerbe la surpêche. La limitation de la capacité de pêche est un moyen de limiter la quantité de poissons pêchée dans une période de temps déterminée. Par exemple, l’accord de pêche entre la Guinée-Bissau et la CFNC, signé le 28 Juin 2010, imposait aux navires de la CFNC une limite de TB par an. Cependant, rien que pour le premier semestre de l’année 2014, la capacité de pêche réelle de la CFNC a dépassé la limite autorisée de 61%
- La réglementation Chinoise, stipule que le tonnage ne peut pas être modifié sans l’autorisation de l’agence d’origine chargée de la visite technique du navire de pêche. Toute déclaration erronée constitue une infraction punissable par la loi.
La sous-déclaration sur le TB est un vol au détriment des nations africaines
- La pêche représente une source importante de revenus pour les gouvernements de l’Afrique de l’Ouest. Ces revenus sont tirés des redevances de licence de pêche, des accords de pêche, des amendes pour les infractions, des impôts directs sur les sociétés de pêche, etc. La perte inhérente aux effets cumulés de la fraude sur le TB est un facteur important qui contribue à un manque à gagner en termes de revenus potentiels pour ces gouvernements.
- Dans les trois pays concernés par cette étude, les redevances de licences de pêche qui doivent être renouvelées chaque année, sont calculées en fonction du TB des navires de pêche. Nous avons constaté qu’en sous-déclarant le TB de ses navires, la CFNC a systématiquement et constamment opéré illégalement et frauduleusement dans ces trois pays, privant ces pays africains des revenus qui leur sont dus.
Recommandations
- aux gouvernements du Sénégal, de la Guinée et de la Guinée-Bissau de mener d’urgence une enquête approfondie sur la présumée fraude sur la déclaration du TB par les sociétés de pêche chinoises ainsi que la fraude éventuelle sur le TB par d’autres sociétés de pêche industrielle pour les navires opérant dans leur ZEE, que ce soit des navires battant pavillon étranger et/ ou qui opèrent dans le cadre de sociétés mixtes;
A tous les États côtiers de rendre publiques les listes de navires autorisés à pêcher dans leurs eaux, y compris, entre autres, l’identité du navire, les propriétaires bénéficiaires et les caractéristiques techniques
- au gouvernement de la Chine de mener immédiatement une enquête approfondie sur la présumée fraude au TB par ses sociétés de pêche opérant particulièrement au Sénégal, en Guinée et en Guinée-Bissau, et sur d’éventuelles fraudes par toutes les autres sociétés et tous les autres navires chinois autorisés à pêcher dans les ZEE d’autres pays africains;
- à tous les Etats côtiers de l’Afrique de l’Ouest de mener immédiatement une enquête sur la fraude éventuelle au TB par les opérateurs de pêche industrielle avec des navires battant pavillon étranger et/ou qui opèrent sous sociétés mixtes et autorisés à pêcher dans leur ZEE;
- à tous les États de vérifier le TB des navires battant leur pavillon et qui pêchent dans les ZEE des Etats côtiers de l’Afrique;
- à tous les États côtiers de rendre publiques les listes de navires autorisés à pêcher dans leurs eaux, y compris, entre autres, l’identité du navire, les propriétaires bénéficiaires et les caractéristiques techniques.
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