Auteur : Association pour le développement de l’éducation en Afrique (ADEA)
Date de publication : Avril 2020
Type de publication : Rapport
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Introduction
Depuis son apparition vers la fin de l’année 2019, la crise du coronavirus, ou dénommée techniquement la « maladie à coronavirus 2019 » (en abrégé COVID-19), a évolué en une pandémie, affectant fortement la vie de milliards de personnes à travers le monde, avec un énorme impact prévisionnel sur l’économie mondiale, en général, et sur l’Afrique, en particulier. L’éducation est l’un des secteurs hautement touchés, avec la fermeture des établissements d’enseignement dans de nombreux pays africains. Selon les toutes dernières données, 1,57 milliard d’apprenants dans le monde (soit 91,4 % de la population étudiante mondiale) ne peuvent pas aller à l’école ou à l’université, en raison des mesures prises pour endiguer la propagation du COVID-19.
1,57 milliard d’apprenants dans le monde (soit 91,4 % de la population étudiante mondiale) ne peuvent pas aller à l’école ou à l’université
En Afrique, cette situation freinera davantage l’éducation sur un continent où déjà plus de 200 millions d’enfants et d’adolescents n’étaient pas en situation d’apprentissage et ces fermetures nationales touchent 140 millions d’enfants dans la région de l’Afrique de l’Ouest et de l’Afrique Centrale. Les gouvernements et les principaux acteurs du secteur de l’éducation ont à ce jour, instauré des mesures urgentes pour garantir une perturbation minimale de l’apprentissage du fait de la fermeture des écoles. Ces mesures ont, dans une certaine mesure, permis de favoriser la continuité de l’éducation à partir de chez soi. Toutefois, ces efforts présentent des limites lorsqu’il s’agit de prendre pleinement en compte des questions telles que l’inclusivité et l’équité, du fait de la rareté des ressources, de la situation géographique, des infrastructures limitées et de la disponibilité insuffisante des contenus d’apprentissage en ligne.
Et ce, en dépit d’initiatives de partenaires telles que « l’éducation ne peut attendre – Education Cannot Wait », qui a alloué 15 millions de dollars EU à l’appui à la riposte humanitaire mondiale au COVID-19. Cet appui se traduit notamment par l’octroi de 1,5 million de dollars EU à chacun des pays que sont le Burkina Faso et la République démocratique du Congo et l’octroi par le Partenariat mondial pour l’éducation (PME) d’un fonds de soutien d’un montant de 250 millions de dollars EU à 67 pays en développement, dont 35 en Afrique, pour atténuer l’impact de la pandémie sur l’éducation, en particulier pour les apprenants les plus pauvres et les plus vulnérables.
La fermeture des établissements d’enseignement risque de porter atteinte à la qualité de l’éducation du fait de plusieurs facteurs. Il s’agit notamment des perturbations dans l’apprentissage, des difficultés à procéder à des évaluations et à des examens, de l’utilisation inefficace des programmes dans la mesure où les contenus n’auraient pas été couverts de manière exhaustive dans les délais prévus, et de la réduction de la durée de l’année scolaire dans de nombreux pays. De façon générale, les familles sont placées au cœur de l’éducation et de la formation et apportent normalement de précieuses contributions en termes de motivation de l’enfant, de son intégration sociale, de sa culture et de son apprentissage formel. Anticiper que l’enseignement à domicile produira des moments d’inspiration, de plaisir et de frustration, savoir s’il remplacera complètement l’interaction et l’apprentissage en face-à-face entre l’apprenant et l’enseignant est une question à laquelle il revient à la science et au temps de répondre.
Constatations tirées des rétroactions des pays
Dans le cadre de la riposte mondiale à la pandémie de COVID-19, les gouvernements ont pris des décrets et des décisions dans l’urgence à l’échelle nationale, au niveau de la présidence des pays, touchant tous les secteurs de l’économie. Au nombre de ces secteurs figurait, notamment, le secteur de l’éducation où les ministères de l’Éducation ont fermé tous les établissements d’enseignement publics et privés pour une période limitée allant de trois à quatre semaines, avec la possibilité de prolonger cette durée (la plupart des pays l’ont déjà prolongée d’un ou de deux mois supplémentaires).
À la suite de ces fermetures, les ministères de l’Éducation ont mis en place des stratégies nationales visant à assurer la continuité de l’enseignement et de l’apprentissage à domicile. Ces stratégies comprennent la création de comités stratégiques et techniques ainsi que de groupes de travail pertinents aux niveaux national et infranational, la collaboration avec d’autres branches du gouvernement et les principaux acteurs de l’éducation tels que le secteur privé, la société civile et les partenaires au développement, ainsi que la mise à disposition de plateformes, d’outils et d’applications de communication/virtuels en ligne. Vous trouverez ci-dessous un résumé des rétroactions reçues des 12 pays africains sur la manière dont ils assurent la continuité de l’éducation dans les circonstances actuelles.
Mise en place de stratégies nationales pour assurer la continuité de l’apprentissage à partir de chez soi
Ces stratégies sont basées sur le mandat général des gouvernements qui consiste à fournir une éducation continue de qualité à tous les apprenants. Elles visent à « déplacer l’école à domicile » avec un minimum de perturbation. Premièrement, les stratégies transversales comprennent la création de comités présidentiels multisectoriels de lutte contre le COVID-19 qui incluent le ministère de l’Éducation ; la tenue de réunions virtuelles/à distance sur la gouvernance et la coordination de l’éducation via des espaces numériques et des vidéoconférences ; la diversification des canaux de communication et d’éducation à distance, notamment en utilisant la radio, la télévision et les médias sociaux ; l’utilisation des portails électroniques officiels des ministères de l’Éducation, des universités et des établissements d’enseignement publics et privés ; et la communication électronique. Deuxièmement, le développement de ressources numériques et audiovisuelles et de kits didactiques pour les besoins de l’enseignement et de la formation à distance des apprenants.
Plateformes et outils/applications d’enseignement et d’apprentissage
La plupart des pays consultés disposent de plateformes et d’outils/applications d’enseignement et d’apprentissage en place et opérationnels. Au nombre de ces instruments, l’on peut citer les suivants :
- Chaînes de radio et de télévision publiques, privées et communautaires ; avec des horaires de cours clairement définis (en particulier pour les apprenants qui ne disposent pas d’ordinateur ou qui n’ont pas accès à Internet, afin de maintenir une certaine forme d’équité). Par exemple, en Côte d’Ivoire, le ministère de l’Éducation et de la Formation technique et professionnelle diffuse des cours sur son propre site web et sur les médias sociaux, ainsi qu’à la télévision et à la radio nationales, du lundi au vendredi, selon des plages horaires définies : à la télévision, sur RTI 1 de 15h00 à 15h30 et sur RTI 2 de 9h00 à 11h00 ; à la radio, sur « Radio Côte d’Ivoire » de 8h00 à 8h30 et sur « Fréquence 2 » de 15h00 à 16h00.
- Ministère de l’Éducation et sites et portails institutionnels connexes.
- Plateformes et applications interactives d’audio et de vidéoconférence telles que Zoom, Microsoft Teams, Eneza, edX, Moodle, Google Classroom, WhatsApp et Skype.
- Diverses applications d’apprentissage, dont mDarasa, Classera, Google Classroom, Viusasa, GoToMeeting, etc.
S’attaquer à la question de l’inclusion
Au-delà du recours à la radio et à la télévision pour la diffusion de cours à travers tous les pays, avec l’ajout de la langue des signes, il existe peu de preuves d’initiatives délibérées visant à traiter la question de l’inclusion.
Au nombre des interventions spécifiques, on peut citer le Burkina Faso, où des ONG et des associations communautaires mènent différentes interventions dans le domaine de l’éducation non formelle, afin d’atteindre tous les groupes ; le Maroc, où les cours sont rediffusés en fin de semaine (samedi et dimanche) et où un soutien financier est apporté aux ménages en difficulté ; et l’Afrique du Sud, qui a mis en place un système de contenu éducatif non facturé, afin de garantir que les communautés pauvres bénéficient également des solutions sans avoir à supporter les coûts de données pour accéder au contenu éducatif, en plus d’avoir conclu des accords avec des fournisseurs de réseaux pour fournir des solutions éducatives, notamment des appareils d’assistance, aux apprenants ayant des besoins éducatifs particuliers.
- La Côte d’Ivoire en est encore à la phase de planification du déploiement d’interprètes en langue des signes aux côtés des enseignants dont les leçons sont enregistrées et de production de modules audio pour les parents et les groupes vulnérables qui pourraient être diffusés par les radios nationales et/ou locales.
- Des pays tels que le Ghana et l’Égypte ont indiqué que leurs gouvernements veillent à ce que les apprenants et les groupes vulnérables soient inclus dans les efforts visant à apporter un contenu éducatif aux apprenants, sans donner de détails spécifiques.
- À Maurice, le gouvernement travaille sur un plan visant à fournir un ensemble de services Internet gratuits aux ménages vulnérables inscrits au registre social, ce qui, espère le ministère, permettra aux enfants des ménages les plus pauvres de continuer à apprendre.
Enseignements tirés
- De manière générale, la crise sanitaire actuelle a mis en évidence la capacité à mutualiser les compétences et les ressources des différents acteurs des secteurs public et privé, tant nationaux qu’internationaux. Plus précisément, elle a permis d’expérimenter de nouvelles approches d’apprentissage et de nouvelles voies de diffusion des connaissances (par exemple, la diffusion en ligne de modules de cours filmés, l’utilisation de téléphones mobiles et intelligents, de postes téléviseurs et de radio).
- L’optimisation de l’utilisation des chaînes de radio et de télévision nationales spécialisées contribue à réduire les inégalités et à renforcer l’inclusion dans l’offre d’apprentissage numérique. On attend des stations de ces deux médias qu’elles reconnaissent leur rôle clé dans le soutien des objectifs nationaux en matière d’éducation et qu’elles s’efforcent d’améliorer la qualité de leur programmation, dans le cadre de leur responsabilité sociale.
- L’engagement, la mobilisation générale et la participation civique responsable de tous les acteurs du secteur de l’éducation et de la formation ainsi que d’autres secteurs du développement socioéconomique sont des ingrédients nécessaires à la réussite de tout projet national d’enseignement à distance.
- Le développement préalable d’une grande expertise dans le domaine de l’enseignement à distance est nécessaire. Au Maroc et dans d’autres pays africains, par exemple, l’enseignement à distance ne date pas du début de la pandémie de COVID-19 ; plusieurs portails fonctionnels existent depuis longtemps et couvrent tous les niveaux d’enseignement.
- L’utilisation intensive des outils de la Quatrième révolution industrielle (4IR) et le recours à des mécanismes à distance pour accéder aux contenus éducatifs sont essentiels en temps de crise ; ces outils et mécanismes nécessitent des investissements considérables.
- La nécessité d’une collaboration étroite est également essentielle, car les gouvernements ne peuvent à eux seuls gérer l’extension de l’offre d’éducation par le biais de plateformes en ligne et d’autres outils.
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