Pathé Dieye
Alors que les langues se délient encore sur les résultats du sixième UE-UA 2022 où la question du climat a été un des sujets soulevés, le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) a publié le lundi 28 février un nouveau rapport qui rend compte des « impacts, de l’adaptation et de la vulnérabilité » liés au changement climatique. Sans euphémisme, les experts ont fait de ce rapport un atlas des terreurs qui guettent l’humanité.
Les pronostics dans la foulée projettent sur l’Afrique des scénarios alarmants sans surenchère de catastrophisme. L’humanité a fait de son milieu naturel de vie un volcan qui menace d’exploser, et pour le moment, les dirigeants du monde font les sapeurs-pompiers de sommets internationaux, leurs extincteurs chargés de déclarations d’intention.
Comme un cataclysme en gestation
Presque la moitié des habitants de la Terre sont menacés par les sécheresses dévastatrices, les chaleurs extrêmes et les inondations sans précédent. Ceci n’est en effet que la suite du film qui se joue depuis 2008 poussant 20 millions de personnes à quitter leur foyer chaque année.
Le changement climatique provoque déjà des perturbations généralisées dans toutes les régions du monde avec un réchauffement de seulement 1,1 degré C et au-delà de 1, 5° C, la moitié des espèces risquent de perdre 30% de leurs effectifs.
Les projections ne sont pas rassurantes et font de la Terre dans les décennies à venir une planète avec des aptitudes d’accueil du vivant réduites. Avec la mise en péril de la sécurité alimentaire, les experts du GIEC estiment que le changement climatique fera basculer 32 à 132 millions de personnes supplémentaires dans l’extrême pauvreté.
Même l’accès à cette ressource vitale qu’est l’eau est grandement menacé. Vu la diminution de la masse des glaciers et la disparition de certains, 350 millions de personnes supplémentaires seront confrontées à la pénurie d’eau d’ici à 2030.
Ces combinaisons dévastatrices ne prédisent que l’apocalypse, l’humanité est vivement alertée et elle doit agir en urgence, puisque ce n’est plus l’heure des déclarations d’intention et des placebos.
Et l’Afrique se taille tous les ingrédients de l’eschatologie
L’augmentation des températures, la montée des mers et l’érosion côtière ont augmenté de 45,6 % le nombre de personnes sous-alimentées depuis 2012, selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Les projections les plus pessimistes prévoient une réduction du rendement moyen de 13 % en Afrique occidentale et centrale, de 11 % en Afrique du Nord et de 8 % en Afrique orientale et australe. Ce constat est inquiétant lorsqu’on sait que l’agriculture est l’épine dorsale de l’économie du continent et représente le moyen de subsistance d’une bonne partie des populations.
Lorsqu’on s’intéresse à l’eau, on remarque qu’un Africain sur trois est confronté au manque d’eau et environ 400 millions de personnes en Afrique subsaharienne n’ont pas accès à l’eau potable.
Un autre facteur important est qu’il n’existe aucune étude qui fasse un lien direct entre changement climatique et conflictualité, mais il est bien démontré qu’un réchauffement de 0,5 °C équivaut à une augmentation de 10 à 20 % du risque de conflit mortel. Donc le changement climatique est un multiplicateur de conflits dans le sens où il expose et exploite les vulnérabilités existantes.
La pression sur les ressources disponibles autour du lac Tchad, ou au niveau de la corne de l’Afrique en est une parfaite illustration. Aujourd’hui, l’essentiel des missions de l’ONU en Afrique sont dans des pays jugés exposés au changement climatique, notamment le Sud-Soudan, le Mali, la République démocratique du Congo, la République centrafricaine, le Soudan et la Somalie.
L’Afrique ne représente que 4% des émissions de gaz à effet de serre et est la région la plus affectée par le réchauffement de la planète. Elle devra jouer un rôle décisif dans les stratégies visant une transition écologique mais les pays développés et les institutions internationales doivent assumer leurs responsabilités pour une transition plus juste.
Plus de rigueur et de responsabilité au niveau des politiques nationales
Dans plusieurs pays africains, le taux d’accès à l’électricité est de moins de 50%. Le continent doit relever ce défi énergétique sachant que les prévisions estiment que la population atteindra 2,5 milliards d’habitants. La transition écologique ne peut se faire seulement avec des fonds, pactes, deals qualifiés “verts”. Il faut nécessairement que les premiers responsables de ces émissions soient plus rigoureux au niveau des politiques nationales de réduction de la pollution.
En tête de ce peloton de grands pollueurs, on compte la Chine, les États-Unis et l’Inde. Pour un respect plus rigoureux des pactes internationaux sur le climat, il serait dissuasif de mettre en place une taxe-climat qui serait une somme versée par tous les grands pollueurs, cela pourrait constituer un fond pour financer plus de projets verts dans les pays en développement et renforcer l’accès à l’énergie propre. C’est un vrai cinéma aussi de se concentrer sur la limitation des émissions des pays les plus pauvres du monde alors que les émissions continuent d’augmenter dans les pays industrialisés.
Pour un respect plus rigoureux des pactes internationaux sur le climat, il serait dissuasif de mettre en place une taxe-climat qui serait une somme versée par tous les grands pollueurs, cela pourrait constituer un fond pour financer plus de projets verts dans les pays en développement et renforcer l’accès à l’énergie propre.
À l’échelle mondiale, les 10 % de pays les plus riches consomment 20 fois plus d’énergie que les 10 % les moins riches. Et 1,1 milliard d’Africains subsahariens se partagent la même capacité de production d’électricité que les 83 millions d’habitants de l’Allemagne. Au moins la moitié d’entre eux n’ont pas du tout accès à l’électricité. L’Afrique n’est pas à exempter des efforts colossaux à faire mais la logique voudrait qu’on ne lui fasse des injonctions sur les performances écologiques à avoir.
L’humanité a un choix à faire ; soit nourrir la gigantesque machine du capitalisme ou ralentir et remettre l’Homme au centre des modèles de production et de consommation pour garantir un meilleur avenir aux générations futures. Nous ne devons pas oublier que la Terre nous a été confiée, nous devons la rendre vivable.
Source photo : La Libre
Pathé Dieye est chargé de recherche et de projet à WATHI. Il s’intéresse aux questions de conflits, paix et sécurité dans le Sahel et à la prospective. Il est titulaire d’un Master 2 en Science politique. Il est blogueur et anime son site “Silence des rimes”. Il est aussi romancier. Son premier roman intitulé “J’ai écrit un roman, je ne sais pas de quoi ça parle…” est publié aux éditions L’harmattan en décembre 2020.