Auteurs: Union Africaine, Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples
Type de publication: Avis juridique
Date de publication: 2007
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Lors de sa 1ère Session tenue le 29 juin 2006 à Genève, le Conseil pour les Droits de l’homme des Nations Unies (UNHCR) a adopté la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (la Déclaration). Cette Déclaration est le résultat d’un processus de négociation entamé en mars 1995, sous l’égide de l’ancienne Commission des droits de l’homme des Nations Unies, par lequel un groupe de travail intersession a élaboré un projet de texte sur cette question.
Saisie de la question, la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernements de l’Union africaine (UA), réunie à Addis-Abeba en janvier 2007, a pris la décision de demander un report de l’examen de l’adoption de ladite Déclaration par l’UNGA, en vue de l’ouverture de négociations sur l’amendement de la Déclaration, afin de prendre en considération les préoccupations fondamentales des pays africains, notamment les questions suivantes:
- La définition des « peuples autochtones » ;
- L’autodétermination ;
- Les droits de propriété des terres et l’exploitation des ressources ;
- La création d’institutions politiques et économiques distinctes ;
- L’intégrité nationale et territoriale.
Saisie de cette question lors de sa 41ème Session ordinaire (Accra, Ghana, 16 – 30 mai 2007), la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) l’a examinée et, sur recommandation de son groupe de travail sur les populations/communautés autochtones, a adopté une résolution qui souligne que le concept de population autochtone sur le continent africain a été soumis à une étude approfondie et un débat qui ont abouti au rapport adopté par la CADHP en novembre 2003, lors de sa 34ème Session ordinaire. Dans ce contexte, le présent avis juridique est donné conformément aux dispositions pertinentes de l’article 45(1)(a) de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples qui donne mandat a la Commission de:
«Rassembler de la documentation, faire des études et des recherches sur les problèmes africains dans le domaine des droits de l’homme et des peuples, …. et, le cas échéant, donner des avis ou faire des recommandations aux Gouvernements.»
En donnant cet avis juridique, la CADHP se base sur sa jurisprudence bien établie dans l’interprétation des dispositions de la Charte africaine qui fait partie de son mandat aux termes de l’Article 45 (3) de la Charte africaine:
«Interpréter toute disposition de la présente Charte à la demande d’un Etat partie, d’une Institution de l’OUA ou d’une Organisation africaine reconnue par l’OUA.»
L’ABSENCE DE DEFINITION DES PEUPLES AUTOCHTONES
L’absence de définition de la notion de peuples autochtones dans le projet de Déclaration des Nations Unies est perçue comme une source de problèmes juridiques pour la mise en œuvre de la Déclaration. L’Aide-mémoire du groupe africain de novembre 2006 relève, à cet égard, que cela «serait non seulement légalement incorrect, mais pourrait aussi créer des tensions au sein de groupes ethniques et une instabilité entre États souverains.»
A partir des études entreprises sur cette question et des décisions qu’elle a prises à cet égard, la CADHP estime qu’une définition n’est pas nécessaire ou utile, vu qu‘il n’existe aucune définition universellement reconnue qui puisse rendre les caractéristiques des populations autochtones. Il est plutôt beaucoup plus pertinent et constructif d’essayer de souligner les principales caractéristiques permettant d’identifier les populations et communautés autochtones en Afrique.
De plus en Afrique, le terme peuple autochtone ne signifie pas « premiers habitants » par référence à l’aboriginalité en opposition à des communautés non Africaines ou venues d’ailleurs. Pour ce qui la concerne, la CADHP considère que : tout Africain, peut légitimement se considérer comme autochtone sur le continent.
LA QUESTION DE L’AUTODETERMINATION ET DE L’INTEGRITE TERRITORIALE
Dans son Préambule, la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones affirme «l’importance fondamentale du droit de tous les peuples de disposer d’eux-mêmes » et considère « qu’aucune disposition de la Déclaration ne pourra être invoquée pour dénier à un peuple quel qu’il soit son droit à l’autodétermination exercé conformément au droit international.»
En Afrique, le terme peuple ou communauté autochtone ne vise pas à protéger les droits d’une certaine catégorie de citoyens par rapport à d’autres. Cette notion ne crée pas non plus de hiérarchie entre communautés nationales, mais vise plutôt à garantir une jouissance égale des droits et libertés en faveur de groupes historiquement marginalisés.
Tout peuple a droit à l’existence. Tout peuple a un droit imprescriptible et inaliénable à l’autodétermination
A cet égard, le paragraphe premier de l’article 20 de la Charte africaine rédigé en des termes similaires dispose que: «tout peuple a droit à l’existence. Tout peuple a un droit imprescriptible et inaliénable à l’autodétermination. Il détermine librement son statut politique et assure son développement économique et social selon la voie qu’il a librement choisie.»
Il demeure cependant que la notion d’autodétermination a évolué avec l’accroissement des revendications des populations autochtones dont le droit à l’autodétermination est exercé dans les normes et selon les modalités compatibles avec l’intégrité territoriale des États-nations dont elles font partie.
Cependant, lorsqu’il est pris dans son sens politique, le droit des Peuples Autochtones à l’autodétermination se réfère principalement à la gestion de leurs « affaires intérieures et locales » et à leur participation citoyenne à la vie nationale sur un pied d’égalité avec leurs compatriotes sans que cela ne puisse impliquer un démembrement territorial qui interviendrait en violation de l’intégrité territoriale des États parties.
En conséquence, la Commission africaine est d’avis que le droit à l’autodétermination, dans ses applications relatives aux populations et communautés autochtones, aux niveaux régional et des Nations Unies, doit être compris comme englobant une série de prérogatives relatives à la pleine participation à la vie nationale, le droit à une autogestion locale, le droit à une reconnaissance en vue de la consultation pour l’élaboration des lois et programmes qui les concernent, à une valorisation de leurs structures et modes de vie traditionnels ainsi que la liberté de préserver et promouvoir leur culture. Il s’agit donc de l’ensemble des variantes dans l’exercice du droit à l’autodétermination qui sont tout à fait compatibles avec l’unité et l’intégrité territoriale des États parties.
La CADHP note que l’identification transnationale des communautés autochtones est une réalité africaine pour beaucoup de groupes socio-ethniques
La CADHP note que l’identification transnationale des communautés autochtones est une réalité africaine pour beaucoup de groupes socio-ethniques vivant sur notre continent qui cohabitent en parfaite harmonie avec le principe de l’intégrité territoriale et l’unité nationale. Il serait par ailleurs erroné de penser que certaines activités culturelles transfrontalières ancrées dans les modes de vie et de production ancestraux de ces communautés puissent peuvent mettre en péril l’unité et l’intégrité nationale des pays africains. A cet égard, l’identification transfrontalière des nations ou communautés autochtones n’a pas résulté en un défi à la question de la citoyenneté ou de la nationalité régie par les législations internes de chaque pays.
DROIT DES PEUPLES AUTOCHTONES AUX TERRES, TERRITOIRES ET RESSOURCES
La Déclaration des Nations Unies énonce dans son préambule que: «Le contrôle par les peuples autochtones des évènements qui les concernent, eux et leurs terres, territoires et ressources, leur permettra de renforcer leurs institutions, leurs cultures et leurs traditions et de promouvoir leur développement selon leurs aspirations et leurs besoins.»
Dans les commentaires relatifs aux dispositions contenues dans le projet d’aide-mémoire du Groupe africain de novembre 2006, il est déclaré que ladite disposition «est impraticable dans le contexte des pays concernés. En conformité avec les dispositions constitutionnelles de ces pays, le contrôle sur les terres et les ressources naturelles relève de la responsabilité de l’État.»
Sur ce point, le paragraphe 1er de l’article 21 de la Charte africaine stipule : «Les peuples ont la libre disposition de leurs richesses et leurs ressources naturelles. Ce droit s’exerce dans l’intérêt exclusif des populations. En aucun cas, un peuple ne peut en être privé.»
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