Auteur : Amnesty International
Type de publication: Rapport
Date de publication: 2018
Lien vers le document original
Les Wathinotes sont des extraits de publications choisies par WATHI et conformes aux documents originaux. Les rapports utilisés pour l’élaboration des Wathinotes sont sélectionnés par WATHI compte tenu de leur pertinence par rapport au contexte du pays. Toutes les Wathinotes renvoient aux publications originales et intégrales qui ne sont pas hébergées par le site de WATHI, et sont destinées à promouvoir la lecture de ces documents, fruit du travail de recherche d’universitaires et d’experts
Loi pour lutter contre les violences faites aux femmes
Le Burkina Faso a accepté huit recommandations préconisant l’adoption de lois pour éliminer les violences contre les femmes. En septembre 2015, une loi portant prévention, répression et réparation des violences à l’égard des femmes et des filles, et prise en charge des victimes, a été adoptée. Elle contient notamment des mesures qui prévoient la création de centres d’aide aux femmes victimes de violences, proposant un soutien juridique, psychologique et clinique. Cependant, un seul centre est opérationnel à l’heure actuelle.
Commission nationale des droits humains
Le Burkina Faso a accepté des recommandations l’invitant à instaurer une institution nationale de protection des droits humains, conformément aux Principes de Paris. En mars 2016, une nouvelle loi portant création d’une telle commission et garantissant son indépendance administrative et financière a été adoptée. Certains de ses membres ont été nommés en août.
Droit de grève
Un nouveau projet de loi sur le droit de grève a été approuvé par le gouvernement en 2017, mais n’a toujours pas été adopté par l’Assemblée nationale. S’il venait à être voté par cette dernière, il limitera le droit de grève pour les syndicats et le personnel de certains secteurs, notamment les magistrats, ainsi que les employés de la radio et de la télévision.
En outre, l’État aura le droit de recruter du personnel pour remplacer les employés en grève dans certains secteurs essentiels. En cas d’approbation, cette loi serait contraire à la Convention n° 87 de l’OIT sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical et à la Convention n° 98 de l’OIT sur le droit d’organisation et de négociation collective, auxquelles le Burkina Faso est un État partie.
Haute cour de justice
Une nouvelle loi régissant la Haute Cour de justice a été adoptée en juillet 2017. Elle autorise les appels et la participation des parties civiles tout au long de la procédure. Auparavant, les victimes ne pouvaient pas déposer des demandes d’indemnisation pour les crimes et délits jugés par la Haute Cour.
Tribunal militaire
Une nouvelle loi régissant la justice militaire, adoptée en juillet 2017, permet au procureur militaire d’engager des poursuites judiciaires. Il introduit également une procédure d’appel en deux étapes et autorise les avocats non burkinabè à participer aux procédures. Amnesty International est cependant préoccupée par le fait qu’aux termes de cette loi, des civils puissent être jugés devant la justice militaire et qu’elle fonctionne en toute indépendance du Conseil supérieur de la Magistrature. Le Comité des droits de l’homme des Nations unies a demandé la suppression de la compétence des tribunaux militaires pour juger des civils.
Peine de mort
Bien que le Burkina Faso soit abolitionniste en pratique, le pays a rejeté 17 recommandations qui lui demandaient d’abolir la peine de mort, notamment en ratifiant le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Il a accepté une recommandation en faveur de l’abolition de ce châtiment pour les mineurs. Elle a été intégrée dans la législation en 2014. Au 31 décembre 2016, 12 personnes étaient toujours sous le coup d’une condamnation à mort.
La situation des droits humains sur le terrain
Torture et autres mauvais traitements
L’interdiction de la torture est consacrée par l’article 2 de la Constitution du Burkina Faso et la législation nationale interdit explicitement les actes de torture commis par des agents de l’État dans l’exercice de leurs fonctions. Lors de la précédente évaluation, le Burkina Faso a affirmé que la torture et les autres formes de mauvais traitements n’existaient pas dans le pays. Pourtant, en octobre 2014 et juin 2017, Amnesty International a recueilli les témoignages de plus de 40 prisonniers lors de visites à la maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou (MACO), faisant état d’actes de torture et d’autres mauvais traitements, en général au moment de l’arrestation ou de la garde à vue.
En 2014, un détenu a décrit les tortures qu’il avait subies pendant 17 jours au commissariat central de Ouagadougou, la capitale. Les mains menottées aux chevilles, il était suspendu à une barre en bois placée sous ses genoux et placée entre deux tables. En 2017, une autre personne a expliqué à Amnesty International avoir été torturée quotidiennement pendant un mois. D’autres détenus ont affirmé avoir été frappés dans le but d’obtenir des « aveux ».
En septembre 2015, le Régiment de sécurité présidentielle (RSP) a attaqué des personnes qui manifestaient contre une tentative de coup d’État. Un témoin a filmé cinq personnes, dont un enfant, contraintes de s’allonger au sol avant d’être rouées de coups avec des ceintures à boucle en métal. Six soldats ont aussi fouetté un défenseur des droits humains et frappé un photographe jusqu’à ce qu’il perde connaissance.
Le recours à la torture est facilité par le non-respect des périodes de garde à vue, qui, selon la loi, ne peuvent pas durer plus de trois jours. Des détenus avec lesquels Amnesty International s’est entretenue en 2014 et 2017 ont expliqué avoir été maintenus en détention pendant sept à 36 jours dans des postes de gendarmerie ou de police avant d’être inculpés. L’article 9(3) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), auquel le Burkina Faso est partie, dispose que tout individu arrêté du chef d’une infraction pénale doit être traduit dans le plus court délai devant un juge.
Lors de son précédent EPU, le Burkina Faso a également accepté une recommandation qui préconisait d’enquêter sur les allégations de torture. Pourtant, quatre personnes interrogées par Amnesty International en 2017 ont affirmé qu’après avoir signalé de telles pratiques aux procureurs et au tribunal, personne n’avait été poursuivi pour torture et aucune enquête n’avait été menée sur ces allégations, en violation de l’article 13 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, à laquelle le Burkina Faso est un État partie.
Conditions de détention
De nombreuses prisons du Burkina Faso sont surpeuplées. En juin 2017, les autorités carcérales de la MACO ont indiqué à Amnesty International que 1 900 personnes étaient incarcérées dans cette prison, alors que sa capacité est de 600 détenus seulement. Des personnes condamnées et des prévenus partagent les mêmes cellules.
Les conditions carcérales à la MACO restent mauvaises, malgré la construction d’un espace d’activité physique en plein air. Des dirigeants de la prison ont aussi expliqué à Amnesty International qu’une section inoccupée de la prison était très endommagée à la suite d’un incendie et cela met en danger les détenus qui sont logés dans l’aile située/jouxtant la section endommagée (à proximité).
Usage excessif de la force
En 2014 et 2015, les forces de sécurité ont utilisé la violence de manière excessive, parfois meurtrière, à l’encontre de manifestants pacifiques et de détenus. Le bilan s’est élevé à au moins 27 morts et des centaines de blessés. À la fin du mois d’octobre 2014, les forces de sécurité ont tiré à balles réelles sur des manifestants, faisant au moins 10 morts et de nombreux blessés, ce qui a été confirmé par les autorités judiciaires.
Les manifestants protestaient contre un changement de la Constitution proposé par Blaise Compaoré, le président de l’époque. La tension s’est aussi propagée jusqu’à la MACO, à Ouagadougou, où les gardiens et la gendarmerie ont eu recours à une force excessive contre les prisonniers lors d’une émeute et d’une tentative d’évasion, faisant au moins trois morts.
Pendant une tentative de coup d’État en septembre 2015, le RSP a utilisé une force excessive afin d’empêcher des personnes de se rassembler pacifiquement pour manifester, tuant au moins14 personnes, parmi lesquelles six personnes ont reçu des balles dans le dos alors qu’elles tentaient d’échapper aux forces de sécurité.
Mariages précoces et forcés
Le Burkina Faso a accepté sept recommandations demandant de mettre fin aux mariages précoces et forcés. Pourtant, les taux de mariages précoces et forcés au Burkina Faso sont toujours parmi les plus élevés du monde. Ils ont toute une série de répercussions sur les droits humains, en particulier des grossesses précoces et des complications de grossesse, qui mettent en danger la santé et la vie des jeunes filles et des femmes et les empêchent d’accéder à l’éducation.
En 2014, 2015 et 2016, des dizaines de femmes et de jeunes filles ont déclaré à Amnesty International avoir subi un mariage forcé et précoce, y compris une adolescente de 13 ans qui aparcouru 160 km à pied en trois jours pour échapper à un mariage arrangé par son père avec un homme de 70 ans qui avait déjà cinq épouses.
En novembre 2015, le Burkina Faso a adopté une stratégie visant à éradiquer le mariage d’enfants d’ici à 2025. Le pays s’est notamment engagé à augmenter l’âge minimum légal du mariage, mais aucune mesure n’a été prise à cet égard pour l’instant. Alors que l’objectif de la stratégie est d’accélérer l’éradication des mariages d’enfants, le résultat attendu en matière de baisse du nombre de mariages d’enfants entre 2016 et 2025 n’est que de 20 %. Cet objectif n’est pas compatible avec les obligations du gouvernement au regard de l’article 12 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, de la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant (dont l’article 21 interdit spécifiquement les mariages d’enfants) et d’autres traités internationaux et régionaux de protection des droits humains, auxquels le Burkina Faso est partie.
Ces obligations en matière de droits humains obligent le Burkina Faso à agir immédiatement et de façon durable pour éliminer les « mariages d’enfants » et les atteintes flagrantes aux droits fondamentaux des filles qu’il entraîne. De plus, bien que la stratégie nationale vise à renforcer le cadre légal de prévention et d’interdiction des mariages précoces et forcés, elle ne décrit pas les réformes spécifiques qui devront être entreprises et ne prévoit pas de calendrier pour cela. Conformément à l’article 5 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, le Burkina Faso doit prendre des mesures pour modifier les modèles existants de comportement socioculturel fondés sur l’idée d’un rôle stéréotypé des hommes et des femmes.