Auteurs: Par Yassin Ciyow, Youenn Gourlay
Type de publication : article
Date de publication : 2020
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Dans le décor de villas chics de Beverly Hills, Souleymane Paré ne paye pas de mine avec son maillot de l’équipe nationale du Japon sur le dos. Le quinquagénaire est pourtant l’un des heureux propriétaires ayant élu domicile dans ce quartier très cossu d’Abidjan, la capitale économique ivoirienne. Comme chaque vendredi, il profite du calme des larges rues pour faire son footing.
« C’est le meilleur endroit de la ville pour faire son sport, assure le directeur général de Prestimex, deuxième plus grande entreprise d’intérim du pays. Il y a de la place, aucun embouteillage, c’est un luxe. » Vivre ici n’est certainement pas à la portée de tout le monde. Au point de faire de ce quartier, à l’image de son lointain cousin californien, « un ghetto de riches, un monde cloisonné », reconnaît M. Paré.
Bien qu’adversaires, les hommes politiques du pays se retrouvent ici côte à côte. « A l’origine, c’est l’ancien maire de la commune de Cocody qui s’y était installé. Puis est venu le président Ouattara, près de la lagune. Et une personnalité en attirant une autre, tout le monde a fini par suivre », schématise un communicant du gouvernement, habitué des lieux.
Situé à proximité des meilleurs établissements scolaires ivoiriens, français et internationaux de la ville, le quartier californien d’Abidjan voit défiler, les jours d’école, un ballet de voitures avec chauffeur et petits assis à l’arrière, cachés derrière les vitres teintées
Y vivent aussi quelques sportifs et artistes, ainsi que les nouveaux riches ivoiriens du secteur privé : les opérateurs économiques de haut rang comme les industriels du cacao et ceux qui ont capté les dividendes d’une croissance ayant caracolé à plus de 7 % de 2012 à 2019, sous la présidence d’Alassane Ouattara, candidat à sa réélection le 31 octobre. En moins de dix ans, le chiffre d’affaires annuel de l’entreprise de Souleymane Paré a ainsi été multiplié par deux, atteignant les 7 milliards de francs CFA (10,7 millions d’euros).
Si la moitié de la population ivoirienne vit toujours sous le seuil de pauvreté, ils seraient aujourd’hui près de 3 300 dans le pays à posséder plus d’un demi-million en dollars, selon The Wealth Report, soit 40 % de plus qu’en 2014. Parmi eux, nombreux sont ceux qui ont choisi Beverly Hills comme terre d’accueil.
Y vivent aussi quelques sportifs et artistes, ainsi que les nouveaux riches ivoiriens du secteur privé : les opérateurs économiques de haut rang comme les industriels du cacao et ceux qui ont capté les dividendes d’une croissance ayant caracolé à plus de 7 % de 2012 à 2019, sous la présidence d’Alassane Ouattara, candidat à sa réélection le 31 octobre.
Beverly Hills ne ressemble à aucun autre quartier d’Abidjan. Il lui en manque d’ailleurs tous les attributs classiques. Ici, pas de maquis, de kiosques, de panneaux publicitaires et aucun vendeur ou vendeuse de rue, omniprésents ailleurs. Hormis quelques joggeurs et promeneurs de chiens, les seuls piétons que l’on croise sont les personnels de maison.
Pour le célèbre architecte ivoirien Issa Diabaté, cette différence s’explique par la grande crise économique traversée par le pays au milieu des années 1980. « A ce moment-là, l’Etat freine l’extension de la Riviera [la zone où se situe Beverly Hills] voulue par le président Houphouët, et c’est le secteur privé qui prend le relais, raconte-t-il. Du coup, on n’y retrouve pas le schéma habituel “mairie, écoles, hôpitaux, espaces communs” qui donne habituellement une âme et un sens à un quartier. »
Y vivent aussi quelques sportifs et artistes, ainsi que les nouveaux riches ivoiriens du secteur privé : les opérateurs économiques de haut rang comme les industriels du cacao et ceux qui ont capté les dividendes d’une croissance ayant caracolé à plus de 7 % de 2012 à 2019, sous la présidence d’Alassane Ouattara, candidat à sa réélection le 31 octobre
Comme le luxe s’associe au calme, les immenses demeures avec ascenseur, piscine et parc automobile sont souvent protégées par de hauts murs, des caméras de surveillance, des barbelés et un gardien dans sa guérite. « La plupart des habitants se sont bunkérisés, chacun est enfermé chez lui. A certaines heures, on est frappé par ce calme de cimetière », poursuit le géographe Gilbert Yassi, qui compte lancer une étude sur les « gated communities », les résidences fermées, « un vrai phénomène à Abidjan ». La rumeur du quartier dit que l’un des actuels ministres aurait même acheté les deux maisons contiguës à la sienne, à gauche et à droite, histoire d’être encore plus tranquille.
Situé à proximité des meilleurs établissements scolaires ivoiriens, français et internationaux de la ville, le quartier californien d’Abidjan voit défiler, les jours d’école, un ballet de voitures avec chauffeur et petits assis à l’arrière, cachés derrière les vitres teintées.
Chargé de surveiller les bolides de marques anglaise, allemande, italienne et japonaise que possède la famille qui l’emploie, Adama est payé 50 000 francs CFA mensuels (76 euros), alors que le smic est pourtant fixé à 60 000 francs CFA (91 euros). Dans ce quartier, dit-il, la règle, c’est « une personne, une voiture », y compris « pour les enfants, qu’il faut conduire partout ».
Situé à proximité des meilleurs établissements scolaires ivoiriens, français et internationaux de la ville, le quartier californien d’Abidjan voit défiler, les jours d’école, un ballet de voitures avec chauffeur et petits assis à l’arrière, cachés derrière les vitres teintées. « Je suis très inquiet pour ces enfants qui vivent dans des bulles, s’exaspère Séraphin Kouamé, habitant d’un quartier voisin. Ils ne voient pas grand-chose d’Abidjan, passent leur week-end à Assinie [station balnéaire huppée à une heure et demie d’Abidjan] et leurs vacances à l’étranger ». Il observe, dépité, la reproduction sociale à l’œuvre. Ici, de Beverly Hills à la tour d’ivoire, il n’y a qu’un pas.
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