Auteur : Djiby Sambou
Site de publication : La Conversation
Type de publication : Article
Date de publication : 3 septembre 2020
Située en aval du delta du fleuve Sénégal, la ville de Saint-Louis présente de fortes contraintes physiques qui la rendent particulièrement vulnérable. Même si elle a jusqu’ici été préservée des submersions marines par la Langue de Barbarie, Saint-Louis est fréquemment soumise aux aléas des inondations fluviales.
Au plan géographique, la ville comprend trois entités : le quartier de Sor ; l’île de Saint-Louis ; et la Langue de Barbarie qui présente des spécificités à la fois physiques et humaines.
Au plan physique, la Langue de Barbarie est issue de la rencontre entre le fleuve Sénégal et l’océan Atlantique. Avec une pente de 3 à 4 %, cette flèche littorale sableuse s’étire sur environ 40 kilomètres allant du sud de Saint-Louis jusqu’à l’embouchure du fleuve Sénégal. Notre étude a examiné les effets néfastes des inondations récurrentes dues au changement climatique, et examiné les ressorts de la résilience des populations touchées.
Les risques et vulnérabilités
Les zones côtières du Sénégal sont actuellement sujettes à d’importantes perturbations de leurs écosystèmes. Cette situation imputable au changement climatique et à l’activité humaine affecte aussi bien l’environnement physique que les activités socio-économiques et la mobilité des individus.
Au large de la ville de Saint-Louis, l’effet du changement climatique est observable dans la Langue de Barbarie surtout depuis l’ouverture de la brèche en 2003 et son corollaire d’inondations répétitives de la ville.
Cette brèche, de 4 mètres au départ, a atteint 5 200 mètres de large en février 2015, changeant les caractéristiques biophysiques de la zone.
Les terres du Gandiol, un terroir situé un peu au sud de Saint-Louis, qui étaient jadis propices au maraîchage, sont affectées par la salinisation à cause de l’intrusion du biseau salé. Les villages de Doun Baba Dièye et de Keur Bernard ont disparu.
Au large de la ville de Saint-Louis, l’effet du changement climatique est observable dans la Langue de Barbarie surtout depuis l’ouverture de la brèche en 2003 et son corollaire d’inondations répétitives de la ville
Les habitations et les infrastructures qui se trouvent près de la plage sont touchées par l’érosion alors que les activités comme la pêche (et les transformations des produits halieutiques) et le tourisme sont perturbées par la brèche, la montée de la houle et la diminution des espaces dédiés. Tous ces facteurs concourent à la création d’une situation de vulnérabilité élevée des populations côtières.
Sur le plan humain, la Langue de Barbarie, et notamment le quartier de Guet-Ndar, souffre de plusieurs problèmes aigus : exiguïté, manque d’infrastructures de base, services urbains déficients, appropriation privée de l’espace public.
Cette bande de terre, dont l’altitude ne dépasse guère 2 mètres, abrite de nombreux secteurs d’habitation exposés aux aléas climatiques : inondations, surcotes de tempête, remontées de la nappe phréatique, érosion côtière. Ce qui accroît encore la vulnérabilité des populations locales.
La résilience des populations de la Langue de Barbarie face au changement climatique
Pour mesurer la résilience de la population de la Langue de Barbarie, nous avons utilisé l’outil « GOAL and Résilience » que nous avons adapté à notre milieu d’étude. Cet instrument est destiné à mesurer la résilience des populations à partir de cinq domaines : la gouvernance ; l’évaluation des risques ; la connaissance et l’éducation ; la gestion des risques et réduction de la vulnérabilité ; et la préparation et réponse.
Les entretiens (individuels et en groupe) ont mis en évidence la diversité des acteurs privés (les mareyeurs, les hôteliers, guides touristiques) et institutionnels (services déconcentrés de l’État : pêche, tourisme, environnement, etc.) dont les enjeux et préoccupations économiques et environnementales sont divergents et empêchent une bonne prise en charge des questions de l’environnement. En outre, les politiques et programmes publics conçus pour atténuer l’exposition des populations aux risques côtiers sont bien pris en compte dans les documents officiels, mais leur mise en œuvre pose problème. Les répondants considèrent que leurs besoins ne sont pas pris en compte en cas de sinistre.
Enfin, en matière de préparation et de réponse, les résultats indiquent une résilience faible. En effet, à l’occasion de différents phénomènes climatiques (houle, avancée de la mer, hausse des températures) dans la Langue de Barbarie, les autorités ne proposent pas de réponses adéquates pour prendre en charge les populations en cas de sinistre.
Cette recherche, en s’intéressant aux perceptions des risques face au changement climatique et à l’érosion côtière, a permis de montrer que les populations de la Langue de Barbarie sont exposées et affectées par ces phénomènes surtout depuis l’ouverture de la brèche en 2003, et qu’ils ont conscience des risques. Ils ont identifié l’érosion côtière comme étant le changement environnemental observé le plus marquant. En outre, ils subissent déjà les aléas (effondrements des habitations et des infrastructures, inondations des quartiers du fait de la houle, disparitions de pêcheurs) dus à leur exposition et vulnérabilité. Des victimes de l’érosion côtière et de l’avancée de la mer sont relogées dans un site d’accueil temporaire (Khar yalla) dans la ville de Saint-Louis.
Par ailleurs, globalement, dans le discours des populations interrogées et dans l’analyse des stratégies individuelles, collectives et institutionnelles, nous retrouvons un niveau de résilience faible (un score de 2 sur une échelle de 1 à 5) mais en matière de gestion des risques et de réduction de la vulnérabilité, la résilience est minimale (score de 1). Ce qui suggère un accompagnement des populations pour mieux faire face au changement climatique, d’autant plus que les simulations et prédictions indiquent que pour une hausse de 0,5 mètre, 11 % du territoire de la Langue de Barbarie seraient inondés…
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Changement climatique a Saint- 0 Louis du Senegal : risques, vulnerabilite et resilience des populations face a la montee des eaux Fondation Croix-Rouge