Auteur (s) : Laurence Caramel
Organisation affiliée : Le Monde Afrique
Type de publication : Article
Date de publication : 2019
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Au Mali, au Burkina et au Niger, la carte de l’insécurité et celle de la faim se sont superposées, la raréfaction des ressources pouvant conduire à des affrontements meurtriers.
L’insécurité alimentaire, si elle touche toujours 4,8 millions de personnes, a été divisée par deux depuis la dernière grande alerte lancée début 2017, lorsque d’importants risques de famine avaient été signalés autour du lac Tchad. Pourtant, les représentants des Etats d’Afrique de l’Ouest, les institutions régionales, les associations de producteurs et les organisations onusiennes chargées de lutter contre la faim et la malnutrition n’ont pas l’esprit tranquille. Le 23 mars, au moins 160 personnes ont été tuées à Ogossagou, dans le centre du Mali, lors d’une attaque imputée à des groupes d’autodéfense dogon contre des populations peules.
Le centre du Mali est devenu l’un des principaux foyers d’insécurité où se livre la guerre contre le djihadisme, un temps cantonné aux régions septentrionales frontalières de l’Algérie.
Au Mali, au Burkina et au Niger, la carte de l’insécurité et celle de la faim se sont superposées, la raréfaction des ressources pouvant conduire à des affrontements meurtriers
« Tout se mélange. La violence liée à l’extrémisme, celle des conflits entre communautés. Tout se déstructure. Les règles tacites qui rendaient la coexistence possible dans ces sociétés agropastorales et offraient un mode de résolution des conflits ne fonctionnent plus », constate Maty Ba Diao, coordinatrice du Projet régional d’appui au pastoralisme au Sahel.
Une crise aux racines profondes
La crise se nourrit du dérèglement climatique, d’une croissance démographique non maîtrisée et de l’amenuisement des ressources naturelles qui en résulte. « La radicalisation n’est qu’une conséquence de facteurs qui s’entremêlent et sont à l’origine des privations subies par les populations de ces zones où l’Etat est peu ou pas présent », analyse Gilles Chevalier, coordonnateur du groupe des Nations unies sur la résilience en Afrique de l’Ouest.
Le nombre de personnes en insécurité alimentaire a augmenté de 60 % entre 2015 et 2018. La pauvreté généralisée a rendu la population particulièrement vulnérable aux chocs, alors que ceux-ci ont tendance à se multiplier : depuis les années 1980, la sécheresse frappe de façon régulière la région du Liptako-Gourma.
« Le changement climatique entraîne une plus grande variabilité des précipitations ainsi que des déficits pluviométriques prolongés, provoquant un tarissement des eaux de surface, un épuisement des nappes phréatiques et une réduction du niveau des crues, dans un contexte où les systèmes d’irrigation sont peu développés. Conjuguée à la déforestation et à des pratiques d’agriculture et d’élevage non durables, la sécheresse accentue la dégradation des terres et la désertification. Ces phénomènes ont de lourdes conséquences sur les moyens de subsistance », avertissent les auteurs.
Tout se mélange. La violence liée à l’extrémisme, celle des conflits entre communautés. Tout se déstructure. Les règles tacites qui rendaient la coexistence possible dans ces sociétés agropastorales et offraient un mode de résolution des conflits ne fonctionnent plus
Une agriculture peu productive
Alors que la nature se fait moins hospitalière, il lui est demandé de nourrir des générations toujours plus nombreuses. De fait, dans les trois pays étudiés, les taux de fécondité demeurent très élevés. Ils ont même augmenté par endroits au cours des années récentes, atteignant par exemple 7,9 enfants en moyenne par femme à Tillabéri, soit 1,1 de plus qu’en 2006.
La proportion des femmes mariées ou en couple âgées de 15 à 19 ans utilisant un moyen de contraception est respectivement de 1,2 % et de 2,4 % », selon les derniers chiffres disponibles. La moitié de la population a moins de 15 ans. Avec pour corollaire l’exacerbation des tensions avec les éleveurs. La région du Liptako-Gourma abrite un tiers du cheptel bovin des trois pays et, comme la population, celui-ci ne cesse d’augmenter, au rythme de 5 % par an environ.
« La raréfaction de l’eau et des ressources fourragères, la diminution des aires de pâturage liée à l’expansion des terres agricoles et l’insécurité grandissante, accroissent la vulnérabilité des populations pastorales et contribuent à alimenter les tensions récurrentes entre agriculteurs et éleveurs », conclut l’étude.
Transhumance transfrontalière
Partout dans le Sahel, des pasteurs ont déjà pris la route vers les régions côtières en sachant que nombre de voies sont coupées. Il y a là plus qu’une urgence. La population de la région va doubler au cours des vingt-cinq prochaines années.
La région du Liptako-Gourma abrite un tiers du cheptel bovin des trois pays et, comme la population, celui-ci ne cesse d’augmenter, au rythme de 5 % par an environ
Des moyens financiers suffisants seront-ils mobilisés pour organiser « une transhumance transfrontalière sécurisée », comme y exhortent les membres du RPCA ?
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