Auteur (s) : Union Africaine (UA), Banque Africaine de Développement (BAD), Commission Économique pour l’Afrique (CEA)
Type de publication : Rapport de Forum
Date de publication : 2010
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Vue d’ensemble : pourquoi les changements climatiques sont importants pour l’Afrique
Au cours des 60 dernières années, le taux des émissions s’est envolé, entraîné par le développement rapide de l’économie mondiale, sans grande considération pour l’environnement. En conséquence, la planète s’est à ce jour réchauffée de 0,8ºC. Si une hausse globale de 2°C est considérée comme «probablement gérable», une hausse de 4ºC est jugée très risquée pour l’avenir de la planète.
Pour maintenir la hausse de la température moyenne dans des limites «gérables», il faut réduire les émissions mondiales rapidement et faire de sérieux progrès dans la décennie en cours.
C’est un défi énorme à l’échelle du monde dont le PIB va tripler (passant de 45 000 milliards de dollars des États-Unis à quelque 130 000 milliards de dollars) d’ici à 2050.
Les principales incidences sur les populations et les sociétés se manifesteront probablement par une vulnérabilité accrue, les risques induits par le climat aggravant toute une série de risques sous-jacents et, partant, augmentant les pressions exercées sur l’environnement, qui sont déjà évidentes.
Alors que l’Afrique a relativement peu contribué aux causes des changements climatiques anthropiques, elle est l’un des premiers continents à être touchés, et des plus durement.
Ce que nous savons au sujet des changements climatiques est alarmant et ce que nous ignorons est encore plus inquiétant. Mais l’une des caractéristiques essentielles de la gestion des effets climatiques est qu’il faut composer avec l’incertitude. Il existe des techniques standard de gestion des risques. Pour gérer efficacement ces risques, il faut comprendre et utiliser les résultats de la recherche et les variables des politiques, qui peuvent être exprimés sous forme de probabilité.
Ampleur de la menace que les changements climatiques font peser sur l’Afrique
Selon les relevés climatiques, la température a augmenté de 0,7°C environ sur la plus grande partie du continent au cours du XXe siècle et le niveau des précipitations a baissé sur une grande partie du Sahel mais a augmenté en Afrique de l’Est et du Centre. Si l’on en croit les scénarios des changements climatiques en Afrique, élaborés à partir des résultats de plusieurs modèles de calcul généraux utilisant les données collectées par le GIEC, la température sur l’ensemble du continent s’élèvera tous les dix ans de 0,2°C (hypothèse optimiste) à plus de 0,5°C (hypothèse pessimiste). D’après le scénario de réchauffement plus rapide, de vastes zones du continent recevront des précipitations qui dépasseront de loin la variabilité naturelle, pendant les périodes allant de décembre à février et de juin à août, ce qui aura des effets négatifs sur de nombreux secteurs de l’économie, agriculture, infrastructure et santé et des conséquences pour la croissance économique et la réduction de la pauvreté.
Des températures plus élevées et une évaporation plus importante, ajoutées à une réduction de la disponibilité en eau, entraîneront une diminution de la production agricole. Plus de 60 % des Africains vivent de l’agriculture et 50 % des exportations sont des produits agricoles. En outre, l’Afrique tire un tiers de ses revenus de l’agriculture qui, avec l’élevage, représente la moitié des revenus des ménages, voire plus. Les membres les plus démunis de la société sont ceux qui dépendent le plus de l’agriculture pour leur subsistance.
L’élévation du niveau de la mer pourrait entraîner la pénétration de l’eau de mer dans les réserves d’eau côtières. Les aquifères côtiers pourraient être altérés par une intrusion saline due à la montée des eaux souterraines salées.
Alors que l’Afrique a relativement peu contribué aux causes des changements climatiques anthropiques, elle est l’un des premiers continents à être touchés, et des plus durement
Les changements climatiques influent sur la sécurité alimentaire de plusieurs façons. Ils réduiront la production et l’offre agricoles mais toucheront aussi la demande en aggravant les risques et la vulnérabilité socioéconomiques. En 2050, la disponibilité de calories aura sans doute baissé par rapport à son niveau de 2000, dans tous les pays en développement.
Les vagues de chaleur auront de graves conséquences pour les personnes qui travaillent à l’extérieur. Les variations des précipitations auront également des effets sur les vecteurs du paludisme et augmenteront le risque de maladies d’origine hydrique telles que le choléra.
Les effets des changements climatiques tels que les inondations, les sécheresses et la désertification provoquent d’importants déplacements de populations et contraignent les personnes à quitter leurs habitations et leurs terres pour aller chercher de meilleurs moyens de subsistance ou échapper aux catastrophes.
Le phénomène de la sécheresse semble s’être aggravé en Afrique sub-saharienne, en particulier dans le Sahel, la corne de l’Afrique et dans la région de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC), causant de lourdes pertes en vies humaines et au sein du cheptel et modifiant fortement les systèmes sociaux. On estime que quelque 60 millions de personnes quitteront à terme les zones devenues désertiques en Afrique subsaharienne pour se rendre en Afrique du Nord et en Europe d’ici 2020.
En somme, les incidences cumulées des changements climatiques pourraient se révéler catastrophiques pour l’Afrique à mesure qu’elles s’aggraveront tout au long du siècle, exacerbant continuellement les points de pression existants et en créant de nouveaux.
Comprendre toute la signification des changements climatiques
Les changements climatiques constituent le principal défi que devra relever l’humanité au XXIe siècle. Si rien ne change dans le développement mondial, la terre sera probablement inhabitable dans quelques générations. La planète se réchauffe déjà et pour empêcher que la situation ne s’aggrave, il faut que le monde change radicalement d’habitudes, et sans délai. D’où l’importance de la Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques.
Comme l’a souligné le NEPAD-UA : « les changements climatiques offrent aujourd’hui à la communauté internationale une occasion unique de remettre en question les modes de développement actuellement mis en pratique et d’en choisir d’autres pour l’avenir. Les secteurs clefs du développement de l’économie sont menacés. En outre, si les changements climatiques ne sont pas combattus, c’est toute la vie sur Terre qui en subira les graves conséquences. C’est pourquoi l’action doit commencer maintenant et impliquer tout le monde ».
D’après le Rapport sur le développement humain, «le monde ne manque ni de ressources financières, ni de capacités technologiques pour agir. Il manque seulement d’un sentiment d’urgence, de solidarité humaine et d’un intérêt commun dans le cadre d’une gouvernance mondiale.
Une économie à faible émission de carbone peut être considérée comme un des résultats de la mise en œuvre d’une économie verte. Investir dans les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique devrait non seulement créer de nouvelles sources de revenus et de nouveaux emplois, mais également réduire les émissions de carbone, entre autres gains environnementaux. Un développement à faible émission de carbone se caractérise par des émissions minimales de gaz à effet de serre, c’est-à-dire qu’il met en œuvre des énergies renouvelables plutôt que du charbon, du pétrole ou du gaz.
La planète se réchauffe déjà et pour empêcher que la situation ne s’aggrave, il faut que le monde change radicalement d’habitudes, et sans délai
Et l’Afrique dans tout cela ? Le continent est sur le point de décoller dans les domaines de l’économie et du développement. Toutefois, le modèle classique de libre-échange fondé sur l’exploitation illimitée des ressources «sans souci du lendemain» a des conséquences pour l’environnement. L’Afrique apportera-t-elle sa part de pollution à une planète déjà soumise à une sévère pression écologique ou peut-elle opter pour un autre modèle de croissance économique ? Peut-elle développer une économie verte et suivre une voie de développement à faible émission de carbone qui valorise les écosystèmes et les services qu’ils offrent ? Est-il possible, en promouvant l’économie verte, de répondre à la fois aux besoins d’une population qui augmente rapidement et qui aspire à un niveau de vie plus élevé ? Est-ce possible dans le monde actuel ? L’ONU14 pense que oui. Elle estime « qu’il est éventuellement possible de passer à un mode de vie et de production respectueux de l’environnement sans sacrifier la croissance dans les pays en développement, à condition qu’on adopte un point de vue global qui établisse un lien entre les changements climatiques et un nouveau mode de développement ».
Faire face aux menaces que les changements climatiques font peser sur l’Afrique : possibilités et difficultés au regard d’une économie verte
Les menaces qu’un climat plus hostile fait peser sur l’Afrique sont d’une ampleur, d’une diversité et d’une nature exceptionnelles et n’épargnent aucun secteur de l’économie ni aucune couche de la société. Pour passer à une économie verte résiliente aux changements climatiques, les pays africains devront donc prendre des mesures et dispositions multiples, variées, souvent coûteuses et difficiles à appliquer équitablement. Mais cette transformation pourrait être largement bénéfique à la majorité de la population d’aujourd’hui et aux générations futures.
Les dispositions prises pour mettre en place des mesures d’atténuation à l’échelle mondiale, en particulier le Mécanisme pour un développement propre (MDP), ouvrent, semble-t-il, de belles perspectives pour l’avenir de l’Afrique. Elles sont conçues pour contribuer à réduire les émissions globales en faisant en sorte que les pollueurs des pays industrialisés paient les pays en développement pour séquestrer le carbone (par exemple par le reboisement), ce qui « compenserait » les nouvelles émissions de gaz à effet de serre dans le monde industrialisé.
À ce jour, l’Afrique n’a pas eu la part de projets qui devrait lui revenir au titre du MDP, et de nouveaux arrangements s’imposent pour adapter le MDP aux conditions qui prévalent sur le continent. L’équipe africaine qui participe aux négociations menées au titre de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) doit obtenir les modifications nécessaires et favoriser des interventions novatrices. La valeur des « unités » devrait augmenter sensiblement à mesure que le monde industrialisé s’emploiera à honorer l’engagement pris à Copenhague de limiter la hausse de la température à 2°C.
L’économie verte fournit un moyen rationnel d’intégrer les processus d’adaptation et d’atténuation dans les politiques et programmes de développement global. Elle contribuerait à soutenir la création de richesses à long terme et à améliorer la qualité de la vie en Afrique, tout en allant dans le sens des cadres de développement existants.
Incidences au regard de l’engagement international
Voix mondiale : L’Afrique doit s’exprimer d’une voix claire dans les négociations internationales, afin d’obtenir un accord mondial solide et juste visant à limiter le réchauffement de la planète, à réparer les dommages causés et à mettre en place une économie verte. Elle a un rôle important à jouer dans ces négociations en tant que tiers intermédiaire.
Partenariats mondiaux : Le Forum pour le partenariat avec l’Afrique21 est un bon exemple de partenariat mondial bénéfique pour l’Afrique qui favorise l’accès à des connaissances et à la réflexion stratégique. Il serait intéressant d’examiner d’autres partenariats mondiaux et régionaux pour voir si on peut les renforcer et leur attribuer de nouveaux rôles, et d’identifier les nouveaux besoins d’autres initiatives similaires.
Afrique – niveau régional : l’Union africaine incarne l’ambition qu’ont les États africains de former sur la scène internationale le bloc soudé et actif dont ils ont tant besoin, mais elle manque de capacités, en particulier dans le domaine financier. Elle a besoin d’un noyau plus fort pour soutenir les nombreuses négociations mondiales et régionales portant sur les changements climatiques.
Afrique – niveau sous-régional : Les communautés économiques régionales (CER), chargées d’orienter et de soutenir les mesures, les politiques et les programmes communs et de renforcer la gouvernance, sont les pierres angulaires de l’avenir. Elles doivent être prêtes à assumer de plus grandes responsabilités en promouvant l’adoption de réponses régionales harmonisées face aux changements climatiques, en appuyant le Mécanisme africain d’évaluation par les pairs (MAEP) et en surveillant et en évaluant l’efficacité des investissements, des politiques et des pratiques.
Afrique – niveau international : L’amélioration de la circulation, du commerce, des transports et des communications transfrontières sera importante pour faciliter l’adaptation et le développement. Si les eaux de surface des bassins versants transfrontières diminuent en conséquence des changements climatiques, il faudra convenir de modalités de gestion équitables pour prévenir tout conflit. Cette démarche peut également s’appliquer à la gestion d’autres ressources communes, comme les zones protégées et les ressources côtières et marines.
Recommandations concernant les mesures à prendre
L’Afrique devrait accélérer les mesures de préparation et d’intervention face aux nombreuses menaces que font peser les changements climatiques, et commencer à réfléchir aux possibilités de développement durable organisé autour d’une économie verte.
En particulier, l’Afrique devrait :
– Mieux informer les membres de l’équipe de négociation africaine de la CCNUCC et renforcer leurs capacités afin d’assurer au continent le meilleur avenir possible dans un monde plus équitable. Les considérations relatives à l’économie verte doivent être mises au premier plan. Il faudrait pour cela fournir aux négociateurs de solides arguments scientifiques, sociaux et économiques formulés par une équipe constituée à cet effet au Centre africain de politique climatique.
– Élaborer une stratégie et un plan-cadre pour le continent afin de recenser les nombreuses questions connexes et d’orienter la mise au point de politiques et de programmes cohérents dans tous les domaines pertinents, de façon à combiner atténuation, adaptation et développement dans une économie verte. À cet effet, il faudrait constituer une équipe spéciale chargée des changements climatiques et de l’économie verte en Afrique dans le cadre du Forum pour le partenariat avec l’Afrique et favoriser de nouveaux partenariats sur l’ensemble du continent et dans le monde pour satisfaire les multiples besoins découlant de ce processus.
– Renforcer l’esprit de décision et la gouvernance par l’intermédiaire d’un secrétariat commun (comprenant les communautés économiques régionales) et se préparer à des interventions à plus grande échelle en rapport avec la tâche monumentale, une fois que le financement des mesures d’adaptation sera disponible. À l’échelon régional, il importera d’améliorer les politiques et les institutions pour tenir compte des risques climatiques et de recenser les questions transfrontières et les économies d’échelle en ce qui concerne la gestion des ressources naturelles et de l’énergie. Il faudra établir de nouveaux partenariats grâce à la solidarité autour des préoccupations essentielles de différents pays et régions, qui varient énormément.
– Promouvoir les mesures d’adaptation qui ont des effets immédiats en utilisant les importantes ressources déjà disponibles afin d’axer les efforts sur les plus vulnérables. Les stratégies d’adaptation doivent, au minimum, viser à lutter contre les conséquences des changements climatiques et à accroître la résilience des communautés vulnérables à la variabilité climatique à court terme et aux nouveaux risques climatiques, tout en favorisant un développement intégré et équilibré à long terme. Il existe de nombreuses propositions de programmes d’adaptation élaborés par différents acteurs, dont des mesures d’adaptation utiles en tout état de cause, qui attendent d’être mises en œuvre – les OMD, les stratégies de réduction des risques de catastrophes et les programmes d’action nationaux d’adaptation peuvent également servir de base à des interventions rapides.
– Inverser le phénomène de la fuite des cerveaux en créant des institutions essentielles pour favoriser le développement vert dans des conditions climatiques plus hostiles et en prévoyant des modalités organisationnelles susceptibles d’intéresser les spécialistes africains qui travaillent actuellement à l’étranger.
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