Auteur (s) : Ana Romero, Adama Belemvire, Saya Saulière
Organisation affiliée : Oxfam
Type de publication : Rapport de recherche
Date de publication : 2011
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La position géographique du Burkina Faso le rend particulièrement vulnérable aux changements climatiques. Pays sahélien enclavé au cœur de l’Afrique de l’Ouest, le Burkina souffre de climats extrêmes et variables : inondations et sécheresses peuvent se produire dans la même zone avec seulement quelques mois de différence. L’économie de ce pays, majoritairement rurale, repose en grande partie sur l’agriculture et l’élevage. Or, les changements climatiques, selon différentes prévisions, auront un impact sur la production agricole, la sécurité alimentaire, et donc sur les habitants du secteur rural, notamment les plus vulnérables, tels que les femmes.
L’économie du pays est basée sur l’agriculture, l’exploitation des ressources naturelles et l’élevage. Ensemble, ces secteurs représentent la source de travail de 92 % de la population et l’agriculture à elle seule représente près d’un tiers du PIB. La grande majorité de la population du Burkina Faso habite en zone rurale et pratique une agriculture de subsistance.
Selon des études prospectives, les secteurs les plus vulnérables au changement climatique seront : l’eau, l’agriculture et les forêts. Il est prévu que ces changements climatiques aient des conséquences graves sur la sécurité alimentaire comme sur l’économie nationale.
Les effets du changement climatique sur un territoire donné sont les mêmes pour ses habitants, mais les hommes et les femmes comptent sur différents capitaux et ressources pour faire face aux changements climatiques. De ce fait, la vulnérabilité des femmes est plus importante ainsi que l’impact sur leurs moyens d’existence. La dégradation des ressources naturelles provoquée par le changement climatique affecte plus drastiquement les moyens d’existence des femmes. Elles sont, en effet, plus dépendantes du capital naturel pour leurs moyens d’existence (les hommes ont la possibilité de chercher du travail rémunéré).
Le Burkina Faso a procédé à une évaluation approfondie de sa vulnérabilité aux changements et à la variabilité climatique en vue de l’élaboration d’un Programme d’Action National d’Adaptation (PANA), afin de faire face aux changements climatiques. Le PANA est une disposition qui permet au pays d’anticiper et d’atténuer les impacts néfastes du climat, dans le court terme, sur les secteurs de développement ainsi que sur les couches vulnérables les plus exposées. Son élaboration a suivi un processus participatif impliquant différents acteurs, l’objectif étant d’identifier les actions prioritaires fondées sur les besoins urgents et immédiats d’adaptation des populations vulnérables.
Les pratiques d’adaptation au changement climatique au Burkina Faso s’adressent en général aux hommes plus qu’aux femmes. Il s’agit très souvent de programmes et d’initiatives de reboisement, d’utilisation de techniques de conservation des eaux et des sols, d’emploi d’engrais organique, etc. Ces programmes sont destinés aux hommes puisque, dans l’organisation sociale, ils sont responsables des cultures céréalières.
Climat et agriculture
Le climat du Burkina Faso se caractérise par une pluviométrie annuelle décroissante du sud au nord et par une grande variabilité interannuelle. Il existe deux saisons : la saison des pluies, de mai/juin à septembre/octobre, et la saison sèche de novembre à mai. Les températures sont très élevées de février à juin, elles peuvent aller au-delà de 40˚C, et elles sont un peu plus faibles pendant les mois de novembre à février. Les précipitations annuelles varient selon les zones, allant de 300 mm à de 1 200 mm.
L’économie du pays est basée sur l’agriculture, l’exploitation des ressources naturelles et l’élevage. Elle est la source de travail de 90 % de la population et représente 32 % du PIB national. La majorité de la population habite dans les zones rurales ; ce sont des agriculteurs de subsistance qui exploitent de petites parcelles familiales et pratiquent l’élevage. Ce sont des lopins de terre de petite taille et les céréales sont destinées à l’autoconsommation. Le maïs, le sorgho et le mil représentent entre 85 et 90 % de l’alimentation de base au Burkina Faso, et dans les zones rurales les céréales constituent quasiment 100 % des produits consommés.
La vulnérabilité au changement climatique du Burkina Faso
Le Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat (GIEC, IPCC sigles en anglais) définit la vulnérabilité comme la mesure selon laquelle un système est capable de confronter/lutter contre les effets néfastes des changements climatiques, y compris les changements continus et les phénomènes climatiques comme les sécheresses ou les inondations. La vulnérabilité dépend de trois facteurs fondamentaux : le caractère et la magnitude des changements climatiques qui affectent le système ; la sensibilité du système aux effets de ces changements ; la capacité d’adaptation.
Augmentation des températures
Les études prévoient une augmentation probable pour la majorité de l’Afrique de la température médiane pour toutes les saisons de 3/4˚C en 2080-2099 par rapport à 19801999. Ces chiffres sont 1,5 fois supérieurs aux augmentations prévues au niveau global. Au Burkina Faso, ce sera essentiellement la zone soudanienne qui sera affectée par des températures plus élevées.
Le maïs, le sorgho et le mil représentent entre 85 et 90 % de l’alimentation de base au Burkina Faso, et dans les zones rurales les céréales constituent quasiment 100 % des produits consommés
Au Burkina Faso, les sécheresses et les inondations sont devenues récurrentes. De grandes sécheresses ont été enregistrées dans les années 1970 (la campagne 19731974) et se sont poursuivies durant les décennies postérieures (1983-1984, 2000-2001) et plusieurs inondations ont eu lieu ces dernières années : en août-septembre 2007, le pays a souffert d’inondations de grande ampleur et de nouveau en 2009, un total de 22 200 hectares ont été inondés en septembre. Ces pluies ont causé d’importants dommages dans plusieurs régions du pays et spécialement dans la capitale Ouagadougou, où 150 000 personnes ont perdu leurs logements ou leurs animaux. En 2010, pendant les mois de juillet et août, le pays a souffert à nouveau d’inondations qui ont touché 105 480 personnes et qui ont détruit des infrastructures (ponts, routes, écoles, centres de santé) et les cultures agricoles.
Un pays vulnérable et très sensible aux changements climatiques
La vulnérabilité du Burkina Faso aux changements climatiques est due principalement à un faible niveau de développement, aux institutions encore faibles, aux ressources naturelles fortement dégradées et à une très grande dépendance de l’économie nationale sur ces ressources. Le niveau de pauvreté est élevé au Burkina Faso, environ 46 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté et 20 % du seuil de pauvreté extrême. Les facteurs suivants font que le pays est extrêmement sensible et vulnérable aux changements climatiques : le faible niveau éducatif et le manque d’informations d’une grande partie de la population, le manque d’infrastructures de transport adéquat, le manque d’accès aux technologies d’adaptation appropriées, le manque de prévisions météorologiques informant la population et spécialement les agriculteurs, l’insuffisance des services publics d’éducation et de santé. De plus, le rôle crucial des femmes dans le maintien des familles dans le milieu rural n’est pas rendu visible et peu pris en compte dans les programmes et politiques d’adaptation aux changements climatiques.
Les capitaux des femmes dans le milieu rural : accès et contrôle
Les activités des femmes sont plus dépendantes du capital naturel pour leurs moyens d’existence. Une année de sécheresse, les hommes ont l’alternative de chercher un travail rémunéré (travail saisonnier dans les villes, travaux d’aménagement des routes, exploitation aurifère), alors que les femmes ont besoin des ressources (eau, forêt, terre) pour assurer l’alimentation et obtenir des revenus pour subvenir aux besoins de leur famille. Malgré cette dépendance, elles ont un contrôle très limité sur ces ressources puisqu’elles n’ont pas accès à la terre. Les femmes ne participent presque jamais à l’élaboration des plans et programmes de conservation et de gestion de ces ressources. Généralement, les femmes n’ont pas le contrôle : les forêts et les sources d’eau sont sous le contrôle des hommes (les autorités villageoises ou institutionnelles où les femmes sont à peine représentées). Les femmes ne peuvent pas accéder à la propriété foncière, l’héritage se faisant de père en fils (hormis dans quelques rares exceptions), l’homme chef de famille est toujours le propriétaire.
Le niveau de pauvreté est élevé au Burkina Faso, environ 46 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté et 20 % du seuil de pauvreté extrême
Le capital humain des femmes (niveau d’éducation et de santé) est beaucoup plus bas que celui des hommes. Les familles ont toujours l’habitude de donner la priorité à l’éducation des garçons, les filles sont poussées à rester à la maison pour aider leur mère ou elles sont engagées dès leur plus jeune âge.
Quant à la santé, les femmes prennent soin des malades et sont tenues d’acheter les médicaments. Elles donnent priorité aux besoins de leurs enfants et mari. Parfois, elles sont les dernières à aller à l’hôpital quand elles sont malades ou pour accoucher, ce qui est une des causes du taux important de mortalité chez les femmes enceintes (plus de 2 000 femmes meurent chaque année au Burkina Faso suite à des complications liées à la grossesse ou à l’accouchement).
En relation au capital financier, il faut signaler que les femmes n’ont pas de grande capacité d’épargne puisque les revenus sont utilisés dans leur intégralité pour l’alimentation, la santé et l’éducation de leurs enfants. L’accès aux crédits formels est en général difficile, plus encore pour les femmes qui n’ont pas de biens comme la terre ou le bétail pouvant servir de garantie pour l’obtention d’un prêt.
RECOMMANDATIONS
Au niveau institutionnel
- Impliquer les communautés rurales et spécialement les femmes dans la planification et la mise en œuvre d’initiatives d’adaptation aux changements climatiques dans les plans et politiques de développement et d’adaptation.
- Développer des campagnes de diffusion et d’information sur les changements climatiques et ses effets destinées à la population du milieu rural.
- Promouvoir la sensibilisation et formation des acteurs du développement rural (au niveau national, régional et local) sur l’impact différencié du changement climatique sur les femmes.
- Impliquer les communautés rurales et spécialement les femmes dans la gestion durable des ressources comme l’eau et les forêts.
- Promouvoir des systèmes d’exploitation adaptés, l’utilisation de techniques de conservation des eaux et des sols, le reboisement et la gestion durable des ressources, notamment pour les femmes agricultrices.
- Améliorer l’accès des femmes à la propriété foncière ; développer des programmes de sensibilisation dans les communautés et pour les acteurs du développement aux niveaux local, régional et national. Promouvoir la modification des lois pour donner aux femmes le droit à la propriété.
- Promouvoir l’accès des femmes aux services de vulgarisation agricole et à la formation sur les techniques d’adaptation de l’agriculture. Améliorer l’accès des femmes aux intrants nécessaires pour un meilleur rendement agricole et aux crédits.
- Promouvoir l’accès à l’information des agriculteurs/agricultrices sur le climat, aux prévisions météorologiques pour qu’ils puissent décider du moment propice pour semer.
L’accès aux crédits formels est en général difficile, plus encore pour les femmes qui n’ont pas de biens comme la terre ou le bétail pouvant servir de garantie pour l’obtention d’un prêt
- Promouvoir les cadres et outils appropriés d’analyse des interactions entre les changements climatiques et le développement afin de prendre en compte conséquemment les changements climatiques dans les planifications aux niveaux national, régional et local.
- Soutenir une évaluation à long terme du PANA et la reformulation d’un PANA programmatique, plus équitable et sensible au genre.
Pour les organisations
- Travailler à l’identification et l’élimination de facteurs qui limitent la capacité d’adaptation des femmes. Former celles-ci pour qu’elles puissent développer des capacités d’adaptation et impulser des changements stratégiques à moyen/long terme pour inciter une situation de plus grande équité de genre.
- Promouvoir la participation des femmes dans la planification et la mise en place des mesures d’adaptation pour que leurs besoins et priorités soient pris en compte.
- En matière d’adaptation, travailler les mesures d’adaptation pour répondre aux aspects connus (pluies fortes et irrégulières et les événements extrêmes) et les informations sur les scénarios climatiques (pluviométrie) afin de permettre la préparation.
- Promouvoir l’accès des femmes aux techniques d’adaptation : techniques de conservation des eaux et des sols, utilisation des semences améliorées, diversification des cultures, compost et maraîchage.
- Renforcer les groupements féminins dans les communautés rurales et appuyer leur participation dans la planification et la mise en place de mesures d’adaptation pour que leurs besoins et priorités soient pris en compte. Promouvoir la participation active dans la prise de décisions communautaires.
Promouvoir la participation des femmes dans la planification et la mise en place des mesures d’adaptation pour que leurs besoins et priorités soient pris en compte
- Développer des systèmes de crédits et de stockage pour supporter les familles pendant la période de soudure et éviter qu’elles vendent leurs capitaux pour acheter des aliments quand les prix sont plus élevés sur les marchés.
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