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La CNUCED est un organe intergouvernemental permanent créé par l’Assemblée générale des Nations Unies en 1964. Son siège est situé à Genève, en Suisse, et ses bureaux à New York et à Addis-Abeba.
Elle aide les pays en développement à accéder plus équitablement et plus efficacement aux avantages d’une économie mondialisée, à s’équiper pour faire face aux inconvénients potentiels d’une plus grande intégration économique. Pour ce faire, elle fournit des analyses, facilite la recherche de consensus et offre une assistance technique. Ainsi fait-elle du commerce, de l’investissement, de la finance et de la technologie des vecteurs d’un développement inclusif et durable.
Site de publication : https://unctad.org
Alors que la 27ème conférence annuelle de l’ONU sur le climat sous la présidence de l’Egypte se déroule à Sharm El-Sheik du 6 au 18 novembre 2022, l’un des principaux enjeux consistent à repenser les capacités de financement et à renforcer l’adaptation pour les pays les moins avancés. Certains observateurs qualifient ce rendez-vous de Cop africaine car le financement, l’adaptation et les pertes et dommages sont les principales demandes émanant du continent africain. Ces défis sont posés dans un contexte où les pays les moins avancés subissent de plein fouet les conséquences du réchauffement de la planète, alors qu’ils ne produisent actuellement que 4 % des émissions de gaz à effet de serre. En outre, ils concentrent 65 % de la population mondiale sans accès à l’électricité. Dans le Rapport 2022 sur les pays les moins avancés, « la CNUCED examine les obstacles particuliers que rencontrent les PMA sur la voie de la transformation structurelle et d’un développement sobre en carbone ».
« La décarbonisation ne résoudra pas, à elle seule, les problèmes structurels qui grèvent les économies des PMA ». La transformation structurelle par le biais de la diversification et du passage à des structures de production plus avancées restent la voie la plus efficace pour réduire la pauvreté. En matière d’atténuation, la priorité devrait être donnée à la mise en œuvre de politiques industrielles vertes, capables d’accélérer l’abandon d’activités en déclin et à forte intensité de carbone au profit d’activités en plein essor et à faible intensité de carbone, tout en tenant compte des possibilités offertes par la transition énergétique à la fois au niveau national et au niveau international. Le renforcement de l’entrepreneuriat local pourrait accompagner des politiques industrielles vertes à travers la technologie et l’innovation.
Extracts from pages / Les extraits proviennent des pages : 3-5, 6, 7-12, 14-19, 20-24
Surmonter les obstacles structurels et les vulnérabilités existantes
La pandémie de COVID-19 et ses effets négatifs cumulés sur le commerce, l’investissement et le développement ont montré combien les résultats obtenus au fil de l’exécution du Programme 2030 étaient fragiles. De façon brusque, la pandémie a révélé des failles dans les modèles de développement, lesquelles ont considérablement amoindri la capacité des pays de dégager des ressources intérieures pour des investissements économiques, sociaux et environnementaux.
Du fait de la conjonction de facteurs préexistants et de la guerre en Ukraine, les PMA ont vu les conditions de vie se détériorer sensiblement et les inégalités se creuser parmi leurs populations, tandis que leurs soldes des opérations courantes étaient encore entamés par l’augmentation du service de la dette extérieure et la flambée des prix internationaux de l’énergie et des produits alimentaires.
La hausse des prix du pétrole brut et du gaz, due à la reprise de l’activité après la pandémie et à la guerre en Ukraine, a conduit plusieurs pays développés à remettre à plus tard leur abandon progressif des énergies fossiles et quelques pays en développement à voir dans leurs réserves de combustibles fossiles un filon à exploiter. Cependant, au niveau mondial, l’on assiste déjà à un blocage d’actifs, qui est source à la fois de risques et de possibilités pour les PMA et qui n’affecte pas tous les pays dotés en combustibles fossiles de la même façon. Pour l’heure, ces pays se soucient peu de savoir que les combustibles fossiles peuvent constituer du « carbone non brûlable » ou des « actifs bloqués ». Il se peut même qu’ils considèrent un programme foncièrement en faveur du climat comme contre-productif et contraire au développement, surtout si celui-ci est mis en balance avec le besoin urgent de réduire la pauvreté et de développer les infrastructures. Il y aurait donc tout intérêt à ce que la réflexion sur une « transition juste », par l’abandon des combustibles fossiles, s’inscrive dans la définition d’objectifs nationaux de transformation visant à rendre l’économie juste et durable.
Compte tenu de ce qui précède, le renforcement de la résilience grâce une transformation structurelle verte, c’est-à-dire grâce à la pérennisation de la croissance par la création d’emplois décents, la mobilisation de l’épargne intérieure, la diversification des activités économiques et des exportations, et la fin de la dépendance à l’égard des produits de base, est en passe d’être érigé au rang des priorités dans les programmes de développement nationaux. Les PMA doivent repenser la stratégie de développement qui a été la leur jusqu’à aujourd’hui, car, dans la plupart d’entre eux, elle n’a donné que des résultats insuffisants dans les trois dimensions (économique, sociale et environnementale) du développement durable. Les vulnérabilités des PMA et les lacunes du modèle de développement en vigueur, que la pandémie de COVID-19 a mises en évidence, imposent l’adoption d’une stratégie de développement qui garantisse la croissance et la transformation structurelle, tout en tenant compte des aspects sociaux et environnementaux.
La hausse des prix du pétrole brut et du gaz, due à la reprise de l’activité après la pandémie et à la guerre en Ukraine, a conduit plusieurs pays développés à remettre à plus tard leur abandon progressif des énergies fossiles et quelques pays en développement à voir dans leurs réserves de combustibles fossiles un filon à exploiter
Dans leur quête d’une nouvelle stratégie de développement, les PMA devraient s’abstenir de suivre les mêmes modèles de croissance et de développement que les pays développés ou les pays en développement plus avancés, car : i) ces pays à revenu plus élevé se caractérisent par l’ampleur de leur consommation matérielle, de leur production de déchets, de leurs émissions et de la pollution dont ils sont à l’origine – ils ont tous suivi un modèle de développement qui n’est pas écologiquement viable ; ii) en tant que signataires de l’Accord de Paris, les PMA seront tenus de joindre leurs efforts à ceux des autres pays en faveur de la durabilité environnementale, c’est-à-dire de rationaliser leur utilisation des ressources, de réduire leurs émissions de carbone, voire de délaisser leurs actifs naturels.
Si les changements climatiques sont un problème mondial, les PMA y sont particulièrement vulnérables pour les raisons suivantes :
- Leur situation géographique − par exemple, les petits États insulaires sont très exposés aux inondations et aux tempêtes, et les PMA d’Afrique, en particulier les PMA d’Afrique occidentale et centrale, sont très exposés aux sécheresses ;
- Les PMA ont une marge d’action budgétaire limitée pour s’adapter aux conséquences des phénomènes météorologiques extrêmes ;
- Les PMA exportent surtout des ressources naturelles primaires et sont moins intégrés dans les marchés régionaux, ce qui les rend plus vulnérables aux externalités négatives des nouvelles politiques environnementales de leurs principaux partenaires commerciaux. Le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) adoptée en 2022 par l’Union européenne fournit un exemple des répercussions que les politiques climatiques des pays développés peuvent avoir sur les PMA.
Pour une transformation structurelle verte qui rende les pays les moins avancés plus résilients
La transformation structurelle verte suppose l’association de stratégies de croissance verte et de stratégies de transformation structurelle de l’économie. La transformation structurelle se définit comme le passage d’activités à faible productivité et à forte intensité de main-d’œuvre à des activités à productivité plus élevée et à plus grande valeur ajoutée. Elle s’accompagne souvent, surtout au début du processus de développement, d’une augmentation de la production et de la consommation intérieures et, par voie de conséquence, des émissions de gaz à effet de serre. Pour que la transformation structurelle devienne verte, il faudra avant tout que les ressources (matières, sources d’énergie, terres et eau) soient utilisées de manière plus efficiente sur le chemin du développement. Il semble particulièrement judicieux que les PMA et nombre des autres pays en développement prennent des décisions et élaborent des stratégies en étant guidés par les principes d’une transformation structurelle verte, car celle-ci non seulement est propre à répondre à des nécessités pour ces pays, notamment celles de développer leurs capacités productives et d’accélérer la transformation structurelle de leur économie d’une manière socialement souhaitable, mais aussi tient compte de théories et de pratiques qui ont été mises en évidence lors de l’élaboration de politiques climatiques et environnementales et sont pertinentes à la fois pour les PMA et les pays à revenu plus élevé, telles celles qui concernent la croissance verte, l’économie circulaire et bleue, l’utilisation rationnelle des ressources et la transition vers une économie sobre en carbone.
L’impact écologique des pays les moins avancés et les possibilités qui s’offrent à eux pour réduire leurs émissions de carbone
Les changements climatiques et les pays les moins avancés : principaux faits stylisés
Le réchauffement de la planète a été plus rapide dans les régions polaires, mais dans les PMA, les températures − historiquement élevées − ont déjà beaucoup augmenté. En 2021, les températures médianes mensuelles dans ces pays ont dépassé de 1,3 °C le niveau de la période de référence (1951-1980), et la hausse des températures a été de plus de 1,5 °C dans pas moins de 18 d’entre eux. En outre, le réchauffement de la planète a rendu plus fréquents et plus intenses les phénomènes météorologiques extrêmes tels que les canicules, les fortes précipitations, les inondations, les sécheresses et les cyclones tropicaux. Or, les PMA sont indubitablement plus exposés à ces phénomènes.
En 2020, la population des PMA était de 1,1 milliard d’habitants, dont 244 millions étaient sous-alimentés, 466 millions n’avaient pas accès à l’électricité, 665 millions n’avaient pas accès à de l’eau potable gérée en toute sécurité et 874 millions n’avaient pas accès à des combustibles propres ni à des technologies de cuisson propres. Ces chiffres montrent bien l’ampleur des efforts qui devront être fournis pour que les PMA soient suffisamment résilients aux changements climatiques
Ils représentent approximativement 16 % de la surface terrestre et 14 % de la population mondiale, mais au cours de la période 2017-2021, ils ont été la cible de 19 % des aléas d’ordre climatique, météorologique et hydrologique qui se sont produits dans le monde et ont représenté 29 % des populations sinistrées. Les PMA non seulement sont très exposés aux effets des changements climatiques, mais continuent de peiner à renforcer leur résilience face aux risques physiques et aux risques liés à la transition. Les risques physiques renvoient à l’exposition à des changements climatiques ou à des phénomènes météorologiques extrêmes qui ont des effets négatifs directs sur l’économie réelle, causent des dommages matériels et perturbent les échanges commerciaux. Les risques liés à la transition découlent d’un changement dans la réglementation, d’un progrès technologique ou d’une évolution de la demande qui peuvent beaucoup influer sur les prix des actifs. À cet égard, la résilience des PMA reste compromise par des déficits d’infrastructure chroniques, des problèmes socioéconomiques structurels et d’énormes besoins de développement.
En 2020, la population des PMA était de 1,1 milliard d’habitants, dont 244 millions étaient sous-alimentés, 466 millions n’avaient pas accès à l’électricité, 665 millions n’avaient pas accès à de l’eau potable gérée en toute sécurité et 874 millions n’avaient pas accès à des combustibles propres ni à des technologies de cuisson propres. Ces chiffres montrent bien l’ampleur des efforts qui devront être fournis pour que les PMA soient suffisamment résilients aux changements climatiques, s’engagent dans un processus d’adaptation durable et atteignent les objectifs de développement durable (ODD) nos 6 et 7. Le manque d’infrastructures pose des problèmes particuliers, du point de vue à la fois de l’inclusion et de la résilience climatique. Les communautés vulnérables qui vivent dans des zones difficiles d’accès, les peuples autochtones, les femmes, les jeunes et les autres groupes économiquement ou socialement marginalisés sont généralement ceux qui souffrent le plus du manque d’infrastructures et de multiples privations qui se recoupent et se cumulent. De ce fait, ils sont aussi souvent ceux qui sont le plus touchés par les changements climatiques, qui, par les chocs qu’ils produisent, accentuent des inégalités chroniques et renforcent des structures de pouvoir et des rapports de force déséquilibrés.
Pour que les particularités structurelles des PMA soient dûment prises en considération, il faut que les formidables besoins de ces pays en matière de développement durable et la persistance corrosive des inégalités climatiques mondiales soient pleinement intégrés à la réflexion sur la transition vers une économie sobre en carbone. Entre 1750 et 2019, le total cumulé des émissions de gaz à effet de serre des 46 PMA a tout juste été de 78 gigatonnes d’équivalent CO2, soit 3 % des émissions mondiales. C’est légèrement plus que le Japon, mais moins que la Chine, l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Inde, la Fédération de Russie ou les États Unis, à titre individuel. Au cours de la même période, les pays développés ont émis 1 502 gigatonnes d’équivalent CO2 (58 % du total mondial) et les autres pays en développement, 1 023 gigatonnes (39 % du total mondial).
Capital naturel, extraction et utilisation des ressources naturelles
Au-delà des changements climatiques stricto sensu, la durabilité du développement des PMA dépend de la manière même dont les ressources naturelles sont extraites et utilisées. Depuis toujours, le capital naturel a joué un rôle disproportionné dans l’accumulation de richesses pour ces pays. Pourtant, au vu de la part des ressources naturelles qui a été convertie en revenus futurs et en investissements dans les capitaux physique et humain, la « productivité économique » des PMA reste plutôt décevante. Pour preuve, au cours de la période 2018-2020, 36 des 46 PMA ont été considérés comme tributaires des produits de base, car plus de 60 % de leurs exportations de marchandises concernaient des produits primaires. Cette dépendance persistante à l’égard des exportations de produits de base a fait que, pour bon nombre de PMA, l’intégration dans les marchés mondiaux a consisté à être relégués au rôle de fournisseurs de matières premières et de biens intermédiaires issus de ressources naturelles et à la valeur ajoutée limitée.
La transformation structurelle à l’ère de la transition énergétique
Les problèmes interdépendants d’une exposition accrue aux changements climatiques, de besoins énormes en matière de développement durable et d’une dépendance persistante à l’égard des produits de base déterminent la situation générale des PMA en matière de développement. En outre, ils rendent encore plus indispensable de concilier l’action climatique et la réalisation accélérée du droit au développement durable, car en cas de maintien du statu quo, l’absence de transformation structurelle et le désintérêt à l’égard des interactions entre l’environnement et le système socioéconomique finiront par augmenter les risques de mauvaise adaptation. Depuis longtemps, la CNUCED invite au renforcement des capacités productives et à une transformation structurelle verte ; cette recommandation est plus que jamais pertinente. Cependant, pour mener un tel programme de développement à long terme, il convient de tenir pleinement compte de l’évolution de l’économie mondiale, notamment en regard de la nécessité de faire face aux changements climatiques et de promouvoir des pratiques de production durables.
Dans le cas des PMA, la transition vers une économie sobre en carbone sera à la fois semée d’embûches et riche de possibilités. D’un côté, l’obligation de durabilité exercera une pression supplémentaire sur les secteurs en déclin, dont certains ont joué un rôle central dans leurs économies. Elle pourra faire naître le risque d’une plus grande instabilité des prix, voire d’un blocage d’actifs, en particulier dans les secteurs des combustibles fossiles. De plus, il sera difficile pour les PMA de donner rapidement la préférence à des secteurs « plus verts », en comparaison avec d’autres pays dont l’économie et les capacités techniques sont plus avancées. En conséquence, les PMA pourront être très exposés aux risques liés à la transition, sous la forme d’une diminution des emplois, du revenu et des recettes en devises dans les secteurs en déclin.
D’un autre côté, le nouveau paradigme techno-économique peut proposer des trajectoires de développement inédites et plus durables que celles que les pays développés ont suivies. Les secteurs en plein essor pourraient faire émerger de nouveaux « champions » et contribuer à l’accroissement de la productivité et au renforcement des liens productifs intersectoriels. Par exemple, de nombreux PMA tireraient avantage de la production décentralisée d’électricité à partir de sources d’énergie renouvelables ou de pratiques agricoles qui allient l’adaptation aux changements climatiques ou l’atténuation de leurs effets et le renforcement des liens intersectoriels (aquaponie, transformation des aliments, production d’électricité à partir de la biomasse et recyclage des nutriments).
Comment les pays les moins avancés peuvent être freinés dans leur transformation structurelle verte par les politiques commerciales de leurs partenaires ?
Si les PMA sont exposés aux risques liés à la transition, ce n’est pas uniquement en raison de leurs choix stratégiques et de l’action multilatérale, cela peut aussi découler des mesures non coordonnées de leurs partenaires commerciaux et financiers. C’est l’une des conséquences de l’interdépendance mondiale, qui s’est accentuée du fait du renforcement des chaînes de valeur mondiales et de l’intensification des flux financiers internationaux. Dans ce contexte, il est possible que les PMA voient la structure de leurs exportations modifiée par les nouvelles politiques environnementales de leurs principaux partenaires commerciaux. En se fondant sur la théorie classique du commerce, la CNUCED a analysé les effets que la nouvelle génération de politiques environnementales pourrait avoir sur la structure des échanges commerciaux des PMA. Ces nouvelles politiques tendent à étendre le contrôle des émissions de carbone, malgré le risque de « fuites de carbone » et les autres conséquences indésirables de la fragmentation des mesures relatives aux émissions entre les pays. On parle de « fuites de carbone » lorsqu’un pays délocalise ses émissions pour échapper à la rigueur des politiques applicables sur son territoire ; survient alors une hausse es émissions dans un second pays, en conséquence directe de l’augmentation des coûts de réduction des émissions dans le premier pays.
Exportations et flux de matières en provenance des pays les moins avancés
Une modélisation de la demande d’exportation permet de faire ressortir les facteurs qui influent sur les exportations des PMA. Elle est la première étape pour faire le lien entre la structure des échanges commerciaux des PMA et les conséquences probables d’un changement dans le régime commercial de leurs partenaires. La structure des échanges commerciaux dépend de différents facteurs, notamment de la proximité de marchés en expansion, des politiques des pays partenaires, de la sophistication des chaînes de valeur mondiales auxquelles le pays considéré participe et de l’importance de cette participation, et du niveau de revenu et des préférences des consommateurs sur le marché de destination.
Le coût du commerce (au regard de la distance) réduit presque autant la demande d’exportations en provenance des PMA que la taille du marché du partenaire commercial la fait augmenter. Par exemple, une augmentation de 1 % de la distance qui sépare les PMA de leurs partenaires commerciaux réduit les exportations des PMA de 2,2 %, tandis qu’une augmentation de 1 % de la taille du marché de ces mêmes partenaires fait progresser les exportations des PMA de 2,4 %. Ces deux variables sont celles qui influent le plus sur le commerce. Elles montrent que de petites économies comme celles des PMA peuvent voir leurs capacités d’exportation diminuer du fait de leur éloignement des grands marchés régionaux, et des coûts commerciaux plus élevés qui en découlent. À l’inverse, des pays plus proches de grands marchés pourront nouer avec eux de meilleures relations commerciales. La proximité de la masse économique de plus grands marchés augmente les chances d’établir des relations interentreprises et, partant, d’améliorer la logistique commerciale, tandis que les systèmes de transit et les couloirs de transport peuvent faciliter les échanges et accroître la compétitivité à l’exportation.
Effets des politiques des partenaires commerciaux
La caractérisation des échanges commerciaux des PMA montre combien ces pays dépendent des exportations de produits primaires et combien leur marginalisation du commerce mondial est due aux coûts commerciaux et aux échecs d’intégration. Les PMA peuvent représenter une plus large part du commerce mondial en resserrant les liens avec les pays qui leur sont géographiquement plus proches, ce qui implique de renforcer la coopération avec les pays voisins, d’intensifier le commerce intrarégional et, pour ce faire, d’améliorer la qualité et la diversité des produits et des infrastructures.
La voie à suivre
Pour la plupart des PMA, les effets des changements climatiques sont devenus une menace, à la fois pour l’existence de leurs communautés et pour leurs perspectives de développement économique à long terme. Ces deux dernières décennies, certains PMA ont fait de plus en plus face à des pénuries d’eau et des périodes de sécheresse, d’autres à des inondations. Ces externalités négatives des changements climatiques, conjuguées au manque de capacités institutionnelles, ont pesé sur la réalisation des ODD et des objectifs du Programme d’action de Doha en matière de santé, de sécurité alimentaire et de réduction de la pauvreté.
Les PMA continuent de faire bien plus dépendre leur prospérité du capital naturel que ne le font d’autres groupes de pays. Pourtant, dans le contexte de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, ils se sont employés à relever le niveau d’ambition des engagements internationaux afin que l’élévation de la température de la planète soit limitée à 1,5 °C d’ici à 2030, selon l’objectif défini par le GIEC. Loin de vouloir profiter de manière opportuniste des mesures d’atténuation prises par les autres pays, les PMA ont au contraire estimé que les avantages environnementaux procurés par un accord international contraignant visant à limiter les émissions de carbone l’emportaient sur les coûts pour leurs économies. Étant donné qu’ils ne sont pas à l’origine du problème mondial que pose le niveau élevé des émissions de gaz à effet de serre et qu’ils subissent les effets des changements climatiques de manière disproportionnée, les PMA méritent de bénéficier d’un traitement spécial et différencié et d’un appui suffisant pour que leurs efforts de décarbonisation aboutissent.
Les décisions adoptées à la dix-septième session de la Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, qui s’est tenue à Durban en 2011, a quelque peu jeté le flou sur le partage des responsabilités en matière d’action climatique entre les pays développés et les pays non développés parties. Les conclusions du Rapport 2022 sur les pays les moins avancés confirment la légitimité des principes des responsabilités différenciées et des capacités respectives, qui figurent dans la Convention. À l’heure où le multilatéralisme est de plus en plus fragilisé par des intérêts géopolitiques et des questions de sécurité nationale, il est encore plus important que la Convention soit considérée comme juste par tous les États qui y sont parties. Les PMA se sont fixés des objectifs de réduction des émissions ambitieux dans leurs contributions déterminées au niveau national. Néanmoins, pour que la température de la planète n’augmente pas de plus de 1,5 °C par rapport aux niveaux préindustriels, il incombe aux pays à l’origine de la plus grande part des émissions nocives, et donc les mieux à même d’influer sur les changements climatiques, d’être les premiers à agir pour le climat.
Les obstacles à une transition énergétique juste pour les pays les moins avancés
Les PMA font face à un entremêlement complexe de problèmes qui mettent sérieusement en péril leur développement, mais n’ont que peu d’options de décarbonisation. Les menaces auxquelles ils sont confrontés sont bien différentes de celles que devraient connaître des pays plus développés, dont les capacités, diverses et depuis longtemps accumulées, ouvrent un plus large choix d’options de décarbonisation. Pour les PMA, la lutte contre les changements climatiques a un coût particulièrement élevé, ce qui s’explique par les facteurs dynamiques suivants :
- Le modèle de spécialisation économique des PMA reste essentiellement fondé sur la fourniture nette de ressources primaires. Les exportations des PMA intègrent de grandes quantités d’émissions de gaz à effet de serre et servent souvent d’intrants dans des chaînes de valeur mondiales à forte intensité de carbone (minéraux, métaux et combustibles, par exemple). Le mouvement mondial pour la réduction des émissions de carbone sera préjudiciable aux secteurs exportateurs des PMA, qui devront donc arbitrer entre l’action climatique et leurs objectifs de politique commerciale consistant en la promotion des exportations − ou devront, à tout le moins, modifier radicalement la composition de leurs exportations − et auront d’autant plus intérêt à investir en priorité dans la création et le renforcement de capacités, en particulier dans les activités à faible intensité de carbone (secteurs en plein essor) ;
- Jusqu’à présent, les mesures internationales d’appui, qu’il s’agisse de financement, de transfert et de développement de technologies, de renforcement des capacités et d’assistance technique, ont bien moins concerné l’adaptation que l’atténuation ;
- Il n’existe encore aucun accord international sur le financement des pertes et dommages causés par des phénomènes à déclenchement rapide dus aux changements climatiques. Les PMA représentent près de 22 % des pays ayant le plus souvent eu recours à des appels de fonds (plus de 10 fois chacun) en réaction à des phénomènes météorologiques extrêmes. Le coût économique mondial de ces phénomènes a été estimé à 329 milliards de dollars pour la seule année 2021. C’est le troisième montant le plus élevé jamais enregistré au titre d’une année et presque le double du montant total de l’aide versée par les pays développés aux pays en développement la même année ;
- Ces trente prochaines années, quelques PMA aideront à satisfaire les besoins mondiaux en minéraux essentiels à la décarbonisation. Selon certaines estimations, la demande annuelle de technologies propres représentera plus de 400 milliards de dollars d’ici à 2050. Pour les PMA, cela peut être la chance d’exploiter de nouvelles possibilités commerciales et de se doter de nouvelles capacités, mais aussi le risque de rester piégés dans le cercle vicieux de la dépendance à l’égard des produits de base ;
- Les PMA qui sont particulièrement tributaires des produits de base à forte intensité de carbone pourraient voir leurs capacités budgétaires notablement limitées s’il était brutalement mis fin à l’extraction de ces produits. De plus, rien ne garantit que les investissements étrangers directs qui étaient concentrés dans des secteurs à forte intensité de carbone seront réorientés vers d’autres secteurs de l’économie de ces pays, car les capitaux et autres ressources ne transitent pas si facilement vers de nouveaux secteurs ;
Repenser l’appui international et le financement de l’action climatique
La décarbonisation exige une « réinitialisation des systèmes » à l’œuvre dans l’appui international aux PMA. La communauté internationale doit garder à l’esprit que la transition énergétique ne se fera évidemment pas au même rythme dans tous les pays. Elle doit donc fournir aux PMA un appui à long terme, ciblé et suffisamment souple pour répondre aux divers graves problèmes que ces pays rencontrent sur la voie du développement. Les partenaires de développement devront probablement s’engager et agir sur plusieurs fronts pour faire bénéficier les PMA d’un traitement spécial et différencié, y compris en matière de financement du développement ; ils devront probablement aussi appliquer des politiques commerciales adéquates et faire plus pour le transfert de technologie et le renforcement des capacités.
Pour assurer aux PMA un financement à long terme, ciblé et suffisamment souple, les partenaires de développement devront respecter les engagements de financement de l’action climatique qui ont déjà été pris et élever le niveau d’ambition en la matière à la vingt-septième session de la Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques. Dans le même temps, il faudra augmenter la proportion des formes flexibles et concessionnelles de financement de l’action climatique et corriger le déséquilibre actuel dans la répartition des fonds disponibles au titre de la Convention entre l’adaptation et l’atténuation. Dans l’idéal, ces fonds devraient s’ajouter à ceux que les pays donateurs auraient dû fournir en application de l’engagement qu’ils avaient pris de consacrer entre 0,15 % et 0,20 % de leur revenu national brut à l’aide aux PMA, lequel leur est rappelé dans la cible 17.2 des ODD et le Programme d’action de Doha.
Source image : https://unctad.org