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La GSMA (association GSM) est une organisation mondiale qui rassemble l’écosystème mobile afin de découvrir, de développer et d’offrir des innovations fondamentales qui favorisent des conditions commerciales et des changements sociétaux positifs. Notre vision consiste à exploiter toute la puissance de la connectivité pour le bien des consommateurs, du secteur et de la collectivité. Représentant les opérateurs de téléphonie mobile et des entreprises de l’ensemble de l’écosystème du mobile et des secteurs connexes, la GSMA travaille pour ses membres dans le cadre de trois grands piliers : Connectivité pour le bien, Services et solutions pour le secteur et Sensibilisation. Son action consiste ainsi à faire évoluer les politiques publiques, à s’attaquer aux grands défis sociétaux d’aujourd’hui, à soutenir la technologie et l’interopérabilité qui font fonctionner la téléphonie mobile et à offrir la principale plateforme mondiale de rassemblement de l’écosystème mobile à l’occasion des événements MWC et M360.
Site de publication : https://www.gsma.com/
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En dix ans, le nombre de service de mobile money a été multiplié par deux passant de 169 services de mobile money dans 71 pays en 2012 à 316 services en activité dans 98 pays en 2022. Avec une croissance du taux d’adoption de 18%, , le nombre de comptes enregistrés a atteint 1,35 milliard dans le monde en 2022. Les montants échangés augmentent rapidement grâce à un secteur qui se diversifie notamment avec les paiements de factures, les paiements groupés, les paiements marchands ou les transferts de fonds internationaux. Le taux de pénétration élevé d’Internet en Afrique, la démographie jeune et « mobile first » font du continent une belle promesse pour le secteur du mobile money. Toutefois, cet élan pourrait « être remise en cause par des interventions politiques ou réglementaires, qu’il s’agisse de la taxation de certaines opérations, de la mise en œuvre imposée de solutions de paiement instantané ou d’obligations coûteuses de localisation des données ». Ce document permet de voir que le “mobile money” exacerbe les inégalités basées sur le genre car les femmes restent moins susceptibles que les hommes de posséder un compte de mobile money. La demande de services financiers mobiles devrait rester élevée mais des obstacles comme le manque de fiabilité du réseau mobile, les difficultés à lire ou à écrire, la préférence pour l’argent liquide, le manque de confiance dans le système, l’absence de justificatifs d’identité nécessaires et le manque de fiabilité du réseau électrique représentent les défis auxquelles des réponses sont à apporter pour améliorer l’inclusion financière.
Les obstacles à l’inclusion financière et les inégalités d’accès au mobile money ne relèvent pas seulement de la responsabilité des prestataires de mobile money, mais aussi d’une multitude d’autres acteurs. « Toutes les parties prenantes du processus d’inclusion financière ont un rôle à jouer ». La pénétration des smartphones est en train d’augmenter rapidement dans les PRFI, d’ici 2025, elle devrait atteindre 64 % en Afrique subsaharienne, cette situation est une opportunité à saisir. En effet, la numérisation des paiements favorise l’émergence de nouveaux modèles commerciaux qui permettent de toucher davantage de clients. En terme de gouvernance, la numérisation des paiements améliore la transparence et la responsabilisation. Grâce à l’amélioration des systèmes de suivi et de traçabilité des dépenses, le programme togolais de subventionnement de l’énergie solaire hors réseau ou le programme rwandais de financement basé sur les résultats (RBF) n’auraient pas existé sans cette technologie. Sachant que la région s’urbanise vite, il faudra prendre en compte le fait que les paiements numériques seront au cœur des services publics centralisés. L’adoption croissante des smartphones et d’internet en milieu urbain pourrait ouvrir la voie à de nouveaux modèles économiques pour les services urbains, en particulier les transports et la gestion des déchets. Pour ne pas passer à côté de cette opportunité, les pays de la région ne devraient pas rater le défi de se mettre à jour en termes d’infrastructures et de réglementations adaptées et souples.
Les extraits proviennent des pages : 14-18, 22-24, 27-32, 47-66, 67-69, 80, 87
L’adoption du mobile money poursuit sa courbe ascendante
En 2021, on comptait plus de 1,35 milliard de comptes de mobile money enregistrés dans le monde, soit dix fois plus qu’en 2012 (134 millions). Le nombre de nouveaux comptes continue d’augmenter d’une année sur l’autre, venant démentir les prévisions d’un ralentissement de la croissance. Les clients du mobile money en deviennent des utilisateurs plus actifs. Le pourcentage de comptes actifs sur une période de 90 jours est passé de 26 % à 38 % entre 2012 et 2021, et de 20 % à 26 % pour les comptes actifs sur une période de 30 jours.
Compte tenu de la forte croissance démographique enregistrée dans la plupart des PRFI, les marchés du mobile money sont loin d’être saturés, et la demande de services financiers mobiles devrait rester élevée au sein des populations financièrement exclues, qui sont souvent marginalisées. Malgré les progrès réalisés dans l’adoption du mobile money, des centaines de millions d’habitants des pays à revenu faible ou intermédiaire (PRFI) se heurtent à des obstacles à chaque étape du parcours client du mobile money, à commencer par la possession d’un téléphone portable (notamment chez les femmes). Même chez les titulaires d’un compte enregistré, près d’un milliard ne sont pas actifs sur une base de 30 jours, ce qui représente pour le secteur une opportunité importante d’améliorer l’inclusion financière et la participation économique.
Selon l’enquête annuelle de consommation réalisée en 2021 par la GSMA dans 10 PRFI, les adultes détenteurs d’un téléphone portable qui connaissent l’existence du mobile money mais n’ont pas de compte sont généralement confrontés aux obstacles suivants : manque de culture numérique, manque de fiabilité du réseau mobile, difficultés à lire ou à écrire, préférence pour l’argent liquide, manque de confiance dans le système, absence de justificatifs d’identité nécessaires et manque de fiabilité du réseau électrique. Le manque de connaissance des services de mobile money constitue également un obstacle important sur un certain nombre de marchés.
Malgré les progrès réalisés dans l’adoption du mobile money, des centaines de millions d’habitants des pays à revenu faible ou intermédiaire (PRFI) se heurtent à des obstacles à chaque étape du parcours client du mobile money, à commencer par la possession d’un téléphone portable
Ces obstacles divers et complexes à l’adoption du mobile money montrent que l’égalité d’accès à ces services ne relève pas seulement de la responsabilité des prestataires de mobile money, mais aussi d’une multitude d’autres acteurs. Qu’il s’agisse de dispenser une formation suffisante aux consommateurs ou d’améliorer l’accès à l’énergie, toutes les parties prenantes du processus d’inclusion financière ont un rôle à jouer.
En tant que moyen de paiement plus accessible et plus facile à utiliser, le mobile money a permis de surmonter certains des obstacles rencontrés dans le secteur financier traditionnel. Au Sénégal par exemple, 71 % des adultes déclarent avoir utilisé le mobile money au cours des 30 jours précédents, alors même que la moitié d’entre eux déclarent avoir du mal à lire et à écrire, voire être incapables de le faire.5 Cela montre qu’avec une conception et une formation adaptées, le mobile money peut aider les utilisateurs à surmonter des obstacles complexes à l’inclusion financière.
Aujourd’hui, le secteur est plus mondial que jamais. En 2012, le mobile money était en grande partie un phénomène est-africain, l’Afrique subsaharienne représentant 84 % de l’ensemble des comptes actifs sur 30 jours. En 2021, la carte du mobile money a été redessinée, l’Afrique subsaharienne représentant un peu plus de la moitié des comptes actifs, contre 20 % pour l’Asie du Sud, qui dépasse l’Asie de l’Est et le Pacifique (19 %).
Les autres régions du monde (Europe & Asie centrale, Moyen-Orient & Afrique du Nord, Amérique latine & Caraïbes) ne représentent à elles trois que 8,4 % de l’ensemble des comptes actifs, ce qui ne représente qu’une légère augmentation par rapport à 2012 (8,3 %). L’Amérique latine et les Caraïbes dominent désormais ce segment plus restreint.
Le cap des mille milliards de dollars
Le montant total des opérations réalisées au moyen du mobile money est estimé à 1 045 milliards de dollars en 2021, ce qui représente une augmentation de 31 % par rapport à 2020. Si le cap des mille milliards dollars était un objectif visée de longue date par le secteur, la GSMA avait initialement prévu qu’il ne serait pas atteint avant 2023. À la suite de plusieurs années de forte croissance, ces prévisions ont été révisées à plusieurs reprises, en raison notamment des progrès enregistrés par la numérisation pendant la pandémie de COVID-19.
L’augmentation du montant total des opérations d’une année sur l’autre est alimentée par l’arrivée de nouveaux clients et par des taux d’activité plus élevés, en raison notamment du développement des transactions réalisées dans le cadre de partenariats. Les remises d’espèces, les retraits d’espèces et les transferts P2P représentent toujours la majeure partie du montant total des opérations, mais le quotidien des habitants des PRFI est de plus en plus numérisé grâce au mobile money, qui leur permet de payer leurs factures, les frais de scolarité et divers commerçants en ligne et hors ligne.
Le montant total des opérations réalisées au moyen du mobile money est estimé à 1 045 milliards de dollars en 2021, ce qui représente une augmentation de 31 % par rapport à 2020
Autre événement marquant pour le secteur : pour la première fois en 2021, les transactions P2P ont dépassé 386 milliards de dollars, soit plus d’un milliard de dollars par jour. Constituant un moyen souvent plus accessible et plus abordable de transférer des fonds, le mobile money permet aux personnes non bancarisées d’envoyer et de recevoir de l’argent facilement et en toute sécurité et de participer à l’économie numérique. C’est dans la région Moyen-Orient & Afrique du Nord que les montants d’opérations enregistrent la plus forte croissance (49 %), suivie de l’Afrique subsaharienne (40 %) et de l’Amérique latine & Caraïbes (39 %).
Les cadres politiques et réglementaires favorisent l’inclusion financière de millions de personnes
Les progrès réalisés dans l’adoption et l’utilisation des services de mobile money, qui contribuent à combler le fossé de l’inclusion financière dans le monde, n’auraient pas pu l’être sans une réglementation favorable. Qu’il s’agisse de stimuler l’investissement, de faciliter le développement de nouveaux services ou de réduire les coûts pour les consommateurs, les régulateurs ont joué un rôle essentiel pour permettre à des millions d’habitants des PRFI d’accéder à des services qui améliorent leurs conditions de vie grâce aux paiements numériques.
C’est la raison pour laquelle le programme Mobile Money de la GSMA suit de près les réglementations nationales qui ont un impact sur les utilisateurs et les prestataires dans le cadre de son indice public d’évaluation de la réglementation du mobile money, le Mobile Money Regulatory Index (MMRI). Cet indice évalue dans quelle mesure la réglementation de chaque pays constitue un cadre propice à des services de mobile money durables et permet au secteur de définir ses priorités en matière de sensibilisation, d’investissement, etc.
Le programme formule régulièrement des considérations clés à l’attention des régulateurs financiers et des autres parties prenantes du secteur, dans le cadre plus récemment de la publication du Mobile Money Policy and Regulatory Handbook. Ce guide des politiques publiques relatives au mobile money rassemble en un seul endroit des considérations clés pour les régulateurs financiers et les autres parties prenantes du secteur qui s’appuient sur les connaissances particulières de la GSMA en matière de téléphonie mobile et de mobile money.
Une décennie de cadres réglementaires : qu’est-ce qui a changé ?
Les débuts
Réglementation « light »
Les premières années de la réglementation du mobile money ont été dominées par l’incertitude. Si certains pays l’ont d’abord considéré comme un service de télécommunications soumis à la réglementation des télécommunications, la grande majorité d’entre eux ont considéré, de manière plus appropriée, que le mobile money était un service financier soumis dès le départ à la réglementation du secteur financier. Dans de nombreux pays, les cadres réglementaires étaient inadaptés à des services financiers aussi révolutionnaires.
Certains régulateurs ont adopté une approche « test and learn » (anticipant d’une certaine manière les sandboxes réglementaires d’aujourd’hui) et ont pris le temps de bien comprendre tous les risques associés au mobile money avant d’élaborer une réglementation appropriée. Le Kenya a ainsi promulgué pour la première fois une réglementation en 2014, sept ans après le lancement du premier produit de mobile money, M-PESA.
À mesure que les pratiques réglementaires se sont confirmées, certaines caractéristiques communes ont été codifiées dans de nombreux cadres réglementaires :
- Autorisation : qui peut fournir des services de mobile money (banques/acteurs non bancaires)
- Lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LBC/FT) : a coïncidé avec la mise en place d’une législation dans ce domaine et s’est concentrée sur le respect des bonnes pratiques de LBC/FT par les acteurs non bancaires. Les décideurs politiques ont voulu réduire les risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme tout en saisissant l’opportunité de faire progresser l’inclusion financière.
- KYC (Know your costumer) : les disparités entre les règles de KYC relativement souples des ORM (Opérateurs de réseaux mobiles) et les obligations plus strictes des prestataires de services financiers ont conduit à la mise en place d’une approche basée sur le niveau de risque et d’une inclusion financière reposant sur le mobile money.
- Agents : recours à des agents pour assurer les services de remise/retrait d’espèces avec engagement de la responsabilité des prestataires en cas d’action/inaction des agents.
- Externalisation des fonctions non essentielles : les différences entre fonctions essentielles et non essentielles ont été définies, les régulateurs autorisant l’externalisation des secondes auprès de sous-traitants.
- Plafonnement des transactions : des plafonds de solde et d’opérations ont été mis en place pour permettre au mobile money de rester un service axé sur des opérations de faible montant à faible risque.
- Protection des fonds des clients : le cantonnement des fonds des clients permet de garantir leur protection en cas de faillite des prestataires de mobile money.
Trouver le point d’équilibre entre inclusion financière et intégrité financière
Alors qu’un nombre croissant d’ORM lançaient des services de mobile money dans le monde, ces services sont devenus un moyen efficace de réaliser les objectifs nationaux d’inclusion financière. Soutenu par des cadres réglementaires favorables, le mobile money a également stimulé l’innovation dans un secteur en plein développement. À mesure que la population adoptait les services de mobile money, les régulateurs se sont efforcés de réduire les risques que cette nouvelle technologie pouvait faire peser sur l’intégrité du système financier tout en s’efforçant d’encourager l’inclusion financière.
Les cadres existants d’intégrité financière accompagnés d’obligations strictes n’étaient pas adaptés à des services à faible risque comme le mobile money. Ils étaient en partie la raison pour laquelle les services financiers traditionnels avaient des taux d’adoption extrêmement faibles et laissaient pour compte une grande partie de la population des PRFI. L’exclusion financière découlant d’une application stricte des obligations de KYC a été reconnue comme un risque important de BC/FT (Blanchiment de capitaux/ Financement du terrorisme) par les organismes internationaux de normalisation, ce qui a conduit en 2012 à la révision des normes internationales du Groupe d’action financière (GAFI) sur la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et de la prolifération.
Ces recommandations ont servi de base à l’adoption progressive d’approches fondées sur le risque en matière de KYC et de LBC/FT (Lutte contre le Blanchiment de Capitaux/Financement du Terrorisme) au niveau national, et au développement correspondant de l’adoption par les clients des services de mobile money grâce à des solutions innovantes, telles que le KYC à plusieurs niveaux ou le KYC lectronique (eKYC), qui ont le soutien de la GSMA.
Politiques actuelles et préoccupations réglementaires
Taxation
À mesure que le mobile money se popularise et que cette activité devient plus rentable pour les prestataires, les autorités fiscales introduisent de nouveaux régimes fiscaux. C’est ainsi que la Côte d’Ivoire, la Tanzanie et l’Ouganda ont introduit une taxe sur certaines transactions qui rend les services de mobile money moins abordables pour les consommateurs. Le Ghana et le Cameroun envisagent de mettre en place des taxes similaires.
Les taxes sectorielles de cette nature renchérissent les frais d’opération et alimentent l’économie informelle (basée sur les espèces) en incitant les consommateurs à éviter le mobile money. Elles ont un impact disproportionné sur les pauvres et alourdissent également la charge fiscale des prestataires de mobile money, ce qui décourage d’investissement dans le secteur.
Des obligations coûteuses de localisation des données
L’utilisation de services hébergés dans le cloud présente plusieurs avantages pour les prestataires de mobile money, dont notamment une réduction des coûts pour les utilisateurs finaux. Il est toutefois relativement fréquent que les autorités de réglementation insistent sur un hébergement local pour des raisons de surveillance, de protection des données et de sécurité nationale. Ces obligations ont pour conséquence des coûts d’investissement plus élevés pour le matériel d’hébergement, les logiciels et l’infrastructure connexe, sans compter les coûts récurrents d’entretien.
Crédit, épargne et assurance
Avec seulement 26 % de clients enregistrés actuellement actifs sur une base mensuelle,41 la diversification des portefeuilles de mobile money et des cas d’utilisation adaptés aux besoins des clients sera essentielle pour faire progresser l’inclusion financière des catégories de population peu ou pas bancarisées au sein des PRFI et renforcer la proposition de valeur des nouveaux cas d’utilisation. Parmi les services que les prestataires de mobile money peuvent offrir à leurs abonnés (en plus des paiements), le crédit, l’épargne et l’assurance figurent parmi ceux qui sont les plus prometteurs.
Selon l’enquête 2021 sur l’adoption des services de mobile money dans le monde, 44 % des prestataires de mobile money proposent des produits de crédit, d’épargne ou d’assurance utilisant le mobile money. Ces prestataires ont tendance à afficher un excédent brut d’exploitation (EBITDA) et des taux d’activité de la clientèle plus élevés que ceux des autres prestataires.
Pour les travailleurs informels, les TPE/PME et les communautés à faibles revenus des PRFI, le crédit, l’épargne et l’assurance peuvent représenter une planche de salut dans les situations de crise. La possibilité d’accéder au crédit par le biais d’un compte de mobile money peut par exemple aider les TPE/PME à se développer en leur apportant un fonds de roulement indispensable, en les aidant à investir dans les actifs nécessaires et à se constituer un historique de crédit pour leurs futurs financements.
Épargne, retraite et placements utilisant le mobile money
L’épargne joue un rôle crucial dans l’inclusion financière des populations des PRFI, en permettant aux titulaires de comptes d’accumuler des actifs (et des intérêts) et d’améliorer leur niveau de vie. L’épargne constitue également un actif qui peut être utilisé pour répondre à des besoins professionnels, familiaux ou éducatifs, notamment pour les personnes confrontées à des revenus irréguliers ou à des chocs financiers dans les situations d’urgence. Plus de la moitié des prestataires de mobile money qui ont répondu à l’enquête 2021 sur l’adoption des services de mobile money dans le monde proposent, ou prévoient de proposer, des produits d’épargne, de retraite ou de placement. 16 % d’entre eux proposent également des produits d’épargne spécialement destinés aux petits exploitants agricoles.
Les prestataires qui offrent des produits d’épargne, de retraite ou de placement, ont enregistré entre septembre 2020 et juin 2021 une augmentation de 22 % du nombre de clients uniques qui ont transféré de l’argent sur un compte d’épargne. Dans plusieurs pays africains où il existe des produits d’épargne mobile, certains chiffres font ressortir une augmentation progressive du solde des comptes d’épargne et de l’utilisation de plusieurs produits d’épargne.
Sachant que l’usage des comptes d’épargne mobile est lié au sentiment que cette épargne constitue un outil utile, il est indispensable d’avoir la capacité d’accéder effectivement à ces produits et de savoir les utiliser. Les prestataires de mobile money peuvent y contribuer par des formations et des initiatives de développement des compétences financières et numériques.
Lutter contre les inégalités entre hommes et femmes dans le mobile money
Ces disparités représentent une occasion manquée, car le mobile money offre la possibilité d’améliorer l’inclusion financière des femmes, d’accroître leur indépendance économique et de renforcer leur rôle en tant que responsables des décisions financières. L’accessibilité pratique et financière des comptes de mobile money est susceptible de bénéficier de façon disproportionnée aux femmes qui, en raison de normes culturelles, de responsabilités familiales ou de revenus inférieurs, peuvent être confrontées à des obstacles plus importants que ceux rencontrés par les hommes pour utiliser les services financiers formels traditionnels.
Depuis le début de la pandémie de COVID-19, le mobile money a aidé de multiples manières les femmes des PRFI et leurs familles, qu’il s’agisse d’envoyer des fonds à des proches dans le besoin, de payer des factures et des services essentiels, d’utiliser des plateformes virtuelles de soutien aux TPE, de se procurer des produits essentiels, ou encore de recevoir des aides d’urgence dans le cadre des programmes de transferts monétaires sociaux et humanitaires mis en place par les gouvernements en réponse à la pandémie.
Faire en sorte que les femmes puissent accéder au mobile money et l’utiliser au même titre que les hommes se traduira par des répercussions positives pour les femmes et leur foyer, pour le secteur de la téléphonie mobile et pour l’économie dans son ensemble, tout en contribuant à la réalisation des objectifs de développement durable, en particulier l’objectif 5 (« Parvenir à l’égalité des sexes et autonomiser toutes les femmes et les filles »).
Possession d’un mobile
Le fait d’avoir accès à un téléphone portable est une condition préalable importante de l’utilisation du mobile money. Il existe toutefois un décalage persistant entre hommes et femmes dans ce domaine. Dans les PRFI, les femmes sont 7 % moins susceptibles que les hommes de posséder un téléphone portable. Dans certaines régions du monde, notamment en Asie du Sud et en Afrique subsaharienne, cet écart est encore plus important. Au Bangladesh par exemple, un marché de mobile money plus développé, 84 % des hommes possèdent un téléphone portable contre seulement 65 % des femmes.
Au niveau de l’ensemble des PRFI, les écarts entre hommes et femmes en matière de possession d’un téléphone portable ont également tendance à être plus prononcés dans les zones rurales et au sein de certaines populations, notamment celles qui sont moins alphabétisées, ont des revenus plus faibles ou sont plus âgées. Les principaux obstacles à la possession d’un téléphone portable66 sont le prix des appareils, le niveau d’alphabétisation et les compétences numériques.
Parmi d’autres obstacles importants, on peut citer les préoccupations liées à la sécurité et à la sûreté, l’absence de contenus et de services pertinents et les difficultés d’accès. Les normes sociales et les inégalités structurelles entre hommes et femmes, notamment les disparités en matière d’éducation et de revenus, font que les femmes ressentent généralement plus fortement ces obstacles que les hommes.
Détention d’un compte de mobile money
Le fait de posséder un téléphone et de connaître l’existence du mobile money ne se traduit pas nécessairement par la détention d’un compte de mobile money, notamment chez les femmes. Au Pakistan par exemple, 76 % des hommes et 51 % des femmes possèdent un téléphone portable, 77 % des hommes et 70 % des femmes connaissent au moins une enseigne nationale de mobile money, mais 19 % des hommes et 6 % des femmes seulement possèdent un compte de mobile money.
L’écart entre hommes et femmes en matière de détention d’un compte de mobile money a tendance à être plus marqué au sein de certaines catégories de population. Dans la plupart des pays couverts par l’enquête de la GSMA, il est ainsi plus prononcé chez les habitants des zones rurales.
Obstacles à la détention d’un compte de mobile money chez les hommes et chez les femmes
L’importance de chaque obstacle varie selon les pays et, dans une moindre mesure, entre hommes et femmes au sein d’un même pays. Ce constat fait ressortir la nécessité de prendre en considération le contexte local. Il existe néanmoins des similitudes entre pays. Quel que soit leur sexe, les principaux obstacles qui empêchent les propriétaires de mobile qui connaissent le mobile money d’ouvrir un compte sont le manque d’intérêt perçu (ex. préférence pour l’argent liquide, autres moyens de transférer de l’argent) et le manque de connaissances ou de compétences (ex. difficultés à utiliser un appareil, faible niveau d’alphabétisation, manque de connaissance de l’utilisation du mobile money). Ces préoccupations figurent parmi les trois obstacles les plus fréquemment mentionnés par les hommes et les femmes dans cinq des huit pays de l’échantillon.
À l’exception des hommes interrogés au Bangladesh, le manque d’intérêt perçu est l’obstacle le plus fréquemment mentionné par les deux sexes dans les huit pays de l’échantillon. En particulier, la préférence pour l’argent liquide est citée comme une raison de ne pas détenir un compte de mobile money par environ la moitié ou plus des hommes et des femmes propriétaires d’un mobile au Guatemala, en Égypte, en Inde, en Indonésie, au Nigeria, au Pakistan et au Sénégal.
Certains de ces obstacles sont toutefois plus fortement ressentis par les femmes de certains pays. Leur réduction sur ces marchés est donc susceptible de bénéficier plus largement à la clientèle féminine.
Par exemple :
- Les obstacles liés à la connaissance et aux compétences ont un impact disproportionné sur les femmes interrogées au Guatemala, en Indonésie et au Nigeria, trois marchés sur lesquels le taux de détention d’un compte est peu élevé. Au Guatemala par exemple, 41 % des femmes propriétaires d’un mobile disent avoir des difficultés à utiliser leur appareil pour expliquer pourquoi elles n’ont pas de compte de mobile money, contre 33 % de leurs homologues masculins.
- Le coût des frais d’opération a un impact disproportionné sur les femmes interrogées au Guatemala, en Égypte, en Indonésie et au Sénégal. En Égypte par exemple, 38 % des femmes propriétaires d’un mobile indiquent que les frais d’opération sont l’une des raisons pour lesquelles elles ne détiennent pas de compte, contre 28 % de leurs homologues masculins.
- Le manque d’accès aux agents a un impact disproportionné sur les femmes interrogées au Guatemala, en Inde et en Indonésie. En Indonésie par exemple, 34 % des femmes propriétaires d’un mobile disent avoir des difficultés à trouver un agent de mobile money pour expliquer pourquoi elles n’ont pas de compte de mobile money, contre 24 % de leurs homologues masculins.
Un obstacle certes moins important que d’autres, mais qui tend à avoir un impact disproportionné sur les femmes de plusieurs pays, est l’absence d’autorisation de la famille pour ouvrir un compte. Les normes sociales et les inégalités structurelles sous-jacentes ont tendance à empêcher davantage les femmes que les hommes d’accéder à la technologie mobile et de l’utiliser.
Au Bangladesh, au Guatemala, en Indonésie et au Pakistan, les femmes propriétaires d’un mobile sont plus nombreuses que les hommes à indiquer que l’absence d’autorisation familiale les empêchait d’avoir un compte de mobile money (dans les quatre autres pays, les pourcentages de réponse sont plus similaires entre hommes et femmes). En Indonésie par exemple, 31 % des femmes propriétaires de mobile qui ne détiennent pas de compte indiquent que l’absence d’autorisation de leur famille est un obstacle, contre 17 % de leurs homologues masculins.
Le mobile money dans les contextes humanitaires
Le mobile money peut jouer un rôle crucial dans la fourniture de services essentiels aux personnes touchées par des crises, au titre notamment des transferts monétaires à des fins humanitaires.
Le défi : en 2021, 235 millions de personnes ont eu besoin d’une aide humanitaire, ce qui représente une augmentation de 40 % par rapport à la période pré-pandémie. Il est prévu que ce chiffre atteigne 274 millions en 2022, car les populations continuent de souffrir des répercussions de différentes crises, y compris des effets prolongés de la pandémie de COVID-19.
L’opportunité : au cours de la décennie écoulée, le secteur humanitaire a fortement accru l’aide distribuée sous forme monétaire aux victimes de crise. En 2020, les transferts monétaires (ou « CVA », de l’anglais Cash and Voucher Assistance : aide en espèces ou en bons d’achat) représentaient 19 % de l’aide humanitaire mondiale, contre seulement 11 % en 2016. Par rapport à l’aide en nature, l’aide monétaire peut être distribuée
plus rapidement, elle offre davantage de choix et de dignité aux bénéficiaires et permet également de soutenir les marchés locaux. Ces dernières années, le secteur a commencé à recourir à des systèmes de paiement numérisés, comme par exemple les cartes de retrait ou les paiements mobiles, à la place des distributions d’espèces. Ces canaux numériques permettent souvent d’améliorer la transparence et l’efficacité des mécanismes de distribution pour les acteurs humanitaires et les bailleurs de fonds. Ils constituent également une option plus sûre et plus accessible qui peut ouvrir la voie à l’inclusion financière pour les bénéficiaires.
Perspectives pour les dix prochaines années
Les tendances qui influencent le secteur à l’heure actuelle devraient s’accélérer au cours de la prochaine décennie pour transformer les liens entre les services mobiles et les services aux collectivités. La pénétration des smartphones est par exemple en train d’augmenter rapidement dans les PRFI : d’ici 2025, elle devrait atteindre 64 % en Afrique subsaharienne et 83 % dans la région Asie-Pacifique.
Pour le secteur des services aux collectivités, le développement de la pénétration des smartphones et de l’internet mobile permettra d’offrir des services plus sophistiqués et plus personnalisés aux consommateurs. Pour le secteur du mobile money, cette évolution entraînera une concurrence accrue de la part de prestataires de paiement extérieurs, mais les partenariats avec les prestataires de services essentiels permettront également de promouvoir les services de mobile money des ORM en tant qu’infrastructure critique.
L’urbanisation et les changements climatiques mettent les paiements numériques au cœur des services publics centralisés
L’urbanisation rapide des PRFI se traduira par une demande croissante de services publics centralisés (réseaux), en matière notamment d’eau et d’énergie. Sur les marchés dotés d’un écosystème de mobile money développé, de nombreux prestataires de services aux collectivités sont déjà en train d’abandonner les paiements en espèces et cette tendance est vouée à s’accélérer au cours des dix prochaines années. Ces entreprises devront fonctionner de manière plus efficace et plus intelligente, en utilisant des compteurs intelligents et des solutions de paiement numérique pour améliorer les encaissements, l’expérience client et la prise de décision fondée sur les données.
Les services essentiels décentralisés prospèrent grâce aux paiements numériques
Les services décentralisés (hors réseau) ont connu une forte croissance au cours de la décennie écoulée et tout indique que cette tendance va se poursuivre. Dans le secteur de l’énergie, le modèle PAYG devrait arriver à maturité et s’étendre à davantage de pays et de produits. Les smartphones à paiement fractionné associés à un kit solaire constituent une offre en plein essor qui pourrait stimuler l’usage de l’internet mobile dans les dix prochaines années.
Dans le secteur de l’eau et de l’assainissement, les kiosques d’eau et autres services décentralisés devraient continuer à se développer, car les services formels risquent de ne pas être en mesure de répondre à la demande. De nouveaux types de services décentralisés devraient émerger en complément des services existants. Les solutions énergétiques de microet mini-réseaux devraient se généraliser, tandis que de nouveaux cas d’utilisation seront mis au point dans le secteur de la gestion des déchets, comme par exemple des plateformes numériques qui optimisent la logistique de ramassage et favorisent des solutions d’économie circulaire.
Les modèles de plateforme se popularisent et exigent des paiements numériques instantanés
L’adoption croissante des smartphones et d’internet en milieu urbain pourrait ouvrir la voie à de nouveaux modèles économiques pour les services urbains, en particulier les transports et la gestion des déchets, car les fonctionnalités des smartphones, telles que la localisation, la traçabilité ou l’accès à une plateforme numérique, sont essentielles à leur fonctionnement. Sur des marchés comme l’Indonésie, les modèles de plateformes numériques s’étendent des transports à d’autres cas d’utilisation, une tendance qui offre aux ORM une opportunité majeure de s’imposer avec leur propre offre de services axée sur une approche de plateforme.
La pénétration accrue des smartphones réduira également la fragmentation des services numériques, les pouvoirs publics et les innovateurs privés cherchant à regrouper les solutions de paiement numérique pour un large éventail de services aux collectivités. Pour les prestataires de mobile money, les partenariats stratégiques joueront un rôle déterminant, car les cas d’utilisation de paiements récurrents correspondant aux services essentiels deviendront un aspect primordial de l’écosystème du mobile money.
Source image : https://unctad.org