Auteur (s): Yury Fedotov
Organisation (s) affiliée (s): Chronique ONU, le magazine des Nations Unies
Type de publication: Article
Date de publication: Décembre 2014
En septembre 2013, au Zimbabwe, des braconniers ont versé du cyanure dans un point d’eau où un troupeau d’éléphants venait boire. Les conséquences ont été catastrophiques pour la faune locale. Plus de 300 éléphants, lions, rapaces, vautours et hyènes ont été tués. C’est, malheureusement, une histoire récurrente. Partout dans le monde, les animaux sauvages sont piégés, abattus, empoisonnés et massacrés et les forêts sont détruites. La rapidité de cette destruction mène certaines espèces sur la voie de l’extinction.
On estime que quelque 22 000 éléphants sauvages sont tués chaque année en Afrique. Le dernier rhinocéros a déjà disparu du Vietnam et du Mozambique et la population de tigres, estimée à 3 000 animaux, ne tient qu’à un fil. De nombreux pays d’Asie de l’Est et du Pacifique ont perdu une grande partie de leurs forêts en raison des activités illégales d’exploitation forestière.
Le massacre des espèces sauvages et la destruction des forêts ont pris des proportions industrielles. Les hélicoptères et les armes automatiques ont remplacé les camions et les fusils. La criminalité forestière utilise aujourd’hui des technologies modernes et a recours à la corruption pour acheminer le bois d’une région à l’autre. Ces activités illicites sont motivées par la cupidité.
La criminalité liée aux espèces sauvages génère des profits considérables pour les réseaux criminels, au même rang que le trafic de stupéfiants, d’armes et d’êtres humains. Aucun continent n’est épargné. Selon l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), elle représente entre 8 et 10 milliards de dollars, tandis que le trafic du bois à partir de l’Asie du Sud-Est vers l’Union européenne et les autres régions du continent asiatique représente environ 3,5 milliards de dollars par an. Selon les estimations de l’ONUDC, 30 à 40 % des exportations de bois en provenance d’Asie-Pacifique sont illégales. La vente d’ivoire d’éléphant, de cornes de rhinocéros et de parties du tigre en Asie représentait, à elle seule, quelque 75 millions de dollars en 2010. De nombreuses espèces sauvages plus petites sont capturées pour la médecine traditionnelle, la nourriture, la décoration ou le marché des animaux de compagnie.
On estime que quelque 22 000 éléphants sauvages sont tués chaque année en Afrique. Le dernier rhinocéros a déjà disparu du Vietnam et du Mozambique et la population de tigres, estimée à 3 000 animaux, ne tient qu’à un fil
La situation des rhinocéros révèle les conséquences dévastatrices du braconnage sur les espèces menacées d’extinction. Après des années de massacre illégal, il ne reste que quelque 25 000 rhinocéros à l’état sauvage. Le prix de leur corne dans le pays d’origine ne constitue que 1 % du prix de vente final, qui peut atteindre 20 000 à 30 000 dollars par kilo. Les braconniers de rhinocéros ont spécialement ciblé l’Afrique du Sud, qui abrite jusqu’à 90 % de la population de rhinocéros restante d’Afrique. Le nombre d’animaux tués s’est multiplié de manière considérable passant de 13 animaux en 2007 à près de 1 000 en 2013.
Pour comble de cruauté, ces espèces sont dans une spirale descendante sans pouvoir en échapper. Plus les animaux sont rares, plus le prix de leur corne ou de leur fourrure est élevé et plus les braconniers les chassent. La réduction drastique du nombre d’animaux augmente les profits des braconniers. Aucun animal ne peut espérer survivre à cette situation, car cette chasse aux dernières espèces sauvages est motivée par l’instinct cupide de l’homme.
Les animaux ne sont, toutefois, pas les seules victimes. La criminalité liée aux espèces sauvages et aux forêts prélève un lourd tribut sur les pays et les communautés en développement. Les écosystèmes fragiles sont détruits et la biodiversité est dégradée. Ces infractions ont des conséquences graves sur le développement; elles sont souvent commises dans des pays où les institutions, dénuées de ressources, ne sont pas en mesure de protéger les animaux ou le patrimoine naturel. Tout aussi important, ces infractions exploitent souvent les besoins des communautés vulnérables dont la situation économique précaire ne leur laisse souvent d’autre choix que de participer à ces activités.
Les pays incapables de gérer efficacement leurs propres richesses naturelles font souvent face à une mauvaise gouvernance, à une corruption endémique et à l’instabilité. La confusion règne quant au produit d’activités criminelles. Souvent, cet argent « sale » ne profite pas à la société. Au lieu de promouvoir la prospérité, il fragilise les entreprises légitimes et affaiblit les institutions essentielles comme les systèmes de justice pénale.
Confrontée à cette crise grandissante de notre gestion de la riche biodiversité de la planète, la communauté internationale a adopté une série d’accords en matière de conservation, la plus importante étant la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore menacées d’extinction (CITES). Dans le cadre de cette Convention, les nations qui ne prennent pas de mesures pour protéger les espèces menacées peuvent être soumises à la pression internationale et être passibles de sanctions.
La société civile joue également un rôle. Tout en faisant pression sur les gouvernements pour qu’ils prennent des mesures pour lutter contre la criminalité environnementale, des organisations, comme le Fonds mondial pour la nature, sensibilisent le public. Les actions des consommateurs sont cruciales, car la criminalité liée aux espèces sauvages se nourrit du manque d’informations et des mauvaises habitudes de consommation. Les gouvernements, les organisations non gouvernementales (ONG), les entreprises et les particuliers peuvent braquer une lumière crue sur ce problème et combler les lacunes dans les connaissances.
Les pays incapables de gérer efficacement leurs propres richesses naturelles font souvent face à une mauvaise gouvernance, à une corruption endémique et à l’instabilité
L’ONUDC a ainsi pris des mesures pour examiner les aspects de l’offre et de la demande des opérations illégales. Notre travail souligne la nécessité de soutenir fermement les efforts de conservation par une action intégrée des forces de police afin de porter un coup au trafic des espèces sauvages. Cela est pleinement justifié compte tenu des dangers qui menacent la biosphère de la planète, un élément essentiel de la sécurité humaine.
La Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et la Convention des Nations Unies contre la corruption sont l’épine dorsale de cette action. Elles encouragent une meilleure coordination, de meilleures pratiques, le partage d’information ainsi que des opérations conjointes entre les forces de police et les autorités douanières. Parallèlement à ces actions, l’ONUDC s’attache à promouvoir des systèmes de justice pénale et à élaborer des statuts qui définissent les activités illégales liées au commerce des espèces sauvages comme un crime grave. Trop souvent, la législation en vigueur ne suffit pas pour dissuader les braconniers. Le réexamen de la législation existante et l’introduction de nouvelles lois permettent à l’ONUDC de mieux détecter les activités criminelles et de veiller à ce que les sanctions imposées découragent les auteurs de ces crimes.
L’ONUDC est également membre du Consortium international de lutte contre la criminalité liée aux espèces sauvages (ICCWC). En collaboration avec d’autres partenaires du Consortium, l’ONUDC a mis au point un outil analytique qui permet aux pays d’évaluer leurs actions préventives et judiciaires visant à lutter contre la criminalité liées aux espèces sauvages et aux forêts. Cet outil a été utilisé au Bangladesh, au Pérou, au Gabon et au Népal. De nombreux autres pays ont aussi manifesté un intérêt.
La criminalistique est un autre domaine important. L’ONUDC élabore actuellement de bonnes pratiques en matière de techniques fondées sur l’analyse de l’ADN et de techniques d’identification pour établir l’origine et l’âge de l’ivoire. En 2014, l’ONUDC travaillera avec ses partenaires sur l’élaboration de directives concernant l’analyse criminalistique des espèces ligneuses citées par CITES afin de déterminer les espèces, la source géographique du bois et de ses produits dérivés. Toutefois, pour vraiment faire obstacle aux réseaux criminels, nous devons cibler leurs revenus qui circulent dans les systèmes bancaires du monde entier. L’ONUDC a l’intention de réunir des experts en blanchiment d’argent d’Afrique australe et d’Asie du Sud-Est pour partager leurs expériences et leurs meilleures pratiques dans ce domaine.
Les nations doivent, tout d’abord, considérer le commerce illégal de ces espèces comme un crime grave donnant lieu à des sanctions graves, corriger les lacunes de leur législation pour s’assurer que les criminels ne puissent échapper aux sanctions prévues par la loi; offrir une formation adaptée aux services de police, aux tribunaux et à l’appareil judiciaire; assurer une meilleure coopération et une meilleure coordination entre les pays
Concernant la demande, elle travaille étroitement avec les nations où les produits sont achetés et consommés afin de sensibiliser le public à la criminalité liée aux espèces sauvages et aux forêts. Il est particulièrement important d’atteindre les jeunes qui seront la prochaine génération de consommateurs potentiels. Les travaux de l’ONUDC s’attachent aussi à dissiper les nombreux mythes sur les produits de base issus des espèces sauvages et à apporter des preuves scientifiques. Le secteur touristique peut aussi s’engager à réduire la demande pour ces produits.
Pour créer une approche intégrée face à ces défis complexes, l’ONUDC a lancé un nouveau Programme mondial pour la lutte contre la criminalité liée aux espèces sauvages et aux forêts. Il sera mis en œuvre au cours des quatre prochaines années et sensibilisera le public à la nécessité de réduire de manière drastique la demande pour la faune et la flore sauvages.
Il reste encore beaucoup à faire. Pour commencer, les nations doivent, tout d’abord, considérer le commerce illégal de ces espèces comme un crime grave donnant lieu à des sanctions graves, corriger les lacunes de leur législation pour s’assurer que les criminels ne puissent échapper aux sanctions prévues par la loi; offrir une formation adaptée aux services de police, aux tribunaux et à l’appareil judiciaire; assurer une meilleure coopération et une meilleure coordination entre les pays. Les criminels qui s’infiltrent à travers les frontières et jouissent de la liberté doivent être une relique du passé.
La criminalité liée aux espèces sauvages détruit notre écosystème fragile. Certaines espèces disparaissent à un rythme alarmant. Ce qui est perdu aujourd’hui ne pourra être sauvé demain. Si nous voulons inverser cette fuite en avant vers l’extinction, les forces de police doivent, parallèlement aux efforts de conservation, jouer un rôle actif et dynamique. L’ONUDC fait tout ce qui est en son pouvoir pour veiller à ce que ce soit le cas et nous avons l’intention de faire encore plus à l’avenir. Car le message est simple : les animaux et les forêts du monde entier ont besoin de notre aide. Nous devons agir dès aujourd’hui pour sauvegarder leur avenir.
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