Auteur: Richard HIAULT
Organisation affiliée: Les Échos
Type de Publication: Article
Date de publication: 19 février 2019
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Sur la place Tiananmen, face à la Cité interdite, d’immenses parterres de fleurs jaunes et violettes s’étalent devant le Grand Hall du Peuple. A Pékin, ce 3 septembre 2018, l’immense structure de béton, lieu traditionnel de rassemblement des élus du Parti communiste chinois, accueille pour deux jours le Forum Chine-Afrique.
Les leaders africains sont tous là, excepté le monarque du Swaziland. Le Sud-Africain Cyril Ramaphosa, l’Ivoirien Alassane Ouattara, le Nigérien Mahamadou Issoufou, le Kenyan Uhuru Kenyatta ou encore le Sénégalais Macky Sall et le président du Rwanda, Paul Kagame, ont été reçus en grande pompe à leur descente d’avion, à l’aéroport de Pékin. Inauguré en 2000, le Forum Chine-Afrique en est déjà à sa huitième édition.
Les 53 leaders africains écoutent solennellement Xi Jinping leur vanter la grande famille sino-africaine et se réjouissent des milliards de dollars d’investissements qu’il leur promet.
La Chine a aidé les nations africaines à construire des projets d’infrastructure en un temps record… un contrat qu’il faudrait cinq ans pour discuter, négocier et signer avec la Banque mondiale prend trois mois avec les autorités chinoises
Pékin met sur la table 60 milliards de dollars de plus pour le développement économique des Etats africains. De cette somme globale, 15 milliards de dollars financeront des programmes «d’aide gratuite et de prêts sans intérêts», souligne Xi Jinping.
Durant les années 1980 et 1990, les politiques d’effacement de dettes engagées par les pays riches, sous l’égide des deux institutions multilatérales, ont permis des progrès substantiels : d’un ratio de près de 100 % du PIB, l’endettement des pays les plus pauvres avait été ramené à 30 % en 2013.
Or nous sommes revenus à 50 % en 2017, a alerté en janvier dernier la Banque mondiale. Le FMI pointe quant à lui le fait que 40 % des pays à faible revenu (24 sur 60), africains essentiellement, présentent un degré élevé de surendettement. L’Afrique risque de tomber de Charybde en Scylla.
«La Chine ne fait pas partie du Club de Paris ni du Comité d’aide au développement de l’OCDE. Il est difficile de savoir très précisément ce qu’elle réalise réellement en Afrique. Bien souvent, Pékin se retranche derrière le secret d’Etat pour ne pas divulguer ces chiffres», observe Bradley Parks, directeur exécutif de AidData.
«La Chine n’octroie pas d’aide publique au développement, car elle se considère elle-même comme étant un pays en développement. Elle contribue au développement de l’Afrique», explique Jean-Joseph Boillot, chercheur associé à l’Iris et auteur de «Chindiafrique. La Chine, l’Inde et l’Afrique feront le monde de demain».
«De manière délibérée et agressive, ils ciblent leurs investissements dans la région pour obtenir un avantage concurrentiel sur les Etats-Unis, a fustigé John Bolton, conseiller à la Sécurité nationale du président Trump. La Chine recourt à des pots-de-vin, des accords opaques et l’utilisation stratégique de la dette pour tenir les Etats d’Afrique captifs de ses souhaits et de ses demandes», a-t-il même dénoncé dans son discours à la Heritage Foundation, en décembre dernier.
«La Chine ne fait pas partie du Club de Paris ni du Comité d’aide au développement de l’OCDE. Il est difficile de savoir très précisément ce qu’elle réalise réellement en Afrique. Bien souvent, Pékin se retranche derrière le secret d’Etat pour ne pas divulguer ces chiffres», observe Bradley Parks, directeur exécutif de AidData
La Chine ne manque pas aussi d’assurer ses arrières. Bien souvent ses contrats contiennent des clauses plus ou moins secrètes de garanties qui lui livreraient des gisements de matières premières ou des infrastructures si l’Etat africain concerné vient à faire défaut sur les prêts que lui a fournis Pékin.
«Les Chinois ne font que répliquer ce qu’a fait la France avec la Françafrique ou les Etats-Unis avec l’Amérique du Sud. On ne peut pas les excuser, mais il ne faut pas pour autant en faire des boucs émissaires», avance Jean-Joseph Boillot.
Déjà en 2008, le président sénégalais de l’époque, Abdoulaye Wade, dans le « Financial Times » avait souligné que «la Chine a aidé les nations africaines à construire des projets d’infrastructure en un temps record… un contrat qu’il faudrait cinq ans pour discuter, négocier et signer avec la Banque mondiale prend trois mois avec les autorités chinoises».
Comme les nations occidentales par le passé, La Chine n’est pas à l’abri de désillusions sur des projets dont la rentabilité n’est pas forcément assurée. Cette puissance a cependant une vision à long terme qui ne correspond pas toujours aux impératifs plus court-termistes des Etats occidentaux ou des institutions multilatérales. La Chine continuera sans nul doute de tisser sa toile sur le continent africain et d’y étendre son influence.
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