Auteurs : Emmanuel Gregoire et Kadijatou Marou Sama
Site de publication : Documentation IRD
Type de publication : Étude
Date de publication : 2018
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Pays sahélien enclavé et ayant pour unique ressource ses exportations d’uranium, le Niger (14 millions d’habitants pour 1 267 000 km2 ) est un des pays les plus pauvres de la planète. Son indice de développement humain (IDH) le situe en effet à la 186e place (2011), soit à l’avant dernière dans le classement établi, chaque année, par le « Programme des Nations unies pour le développement » (PNUD). Dans ces conditions, la lutte contre le sous-développement (2/3 des Nigériens vivent en dessous du seuil de pauvreté) est une priorité absolue pour les responsables politiques du pays devenu une démocratie à l’aube des années 1990 avec l’élection au suffrage universel du Président Mahamane Ousmane (1993).
Dans ce contexte difficile, la recherche est un secteur négligé : la communauté scientifique nationale est faible que ce soit d’un point de vue de ses effectifs que de ses capacités réelles à s’investir dans la recherche. Si l’État parvient tant bien que mal à lui assurer un soutien de base (rémunération du personnel, entretien des infrastructures et prise en charge des dépenses courantes), les chercheurs demeurent tributaires de l’assistance extérieure : ils doivent sans cesse solliciter leurs partenaires pour financer leurs travaux notamment dans les sciences de la vie et de la terre, moins cependant en sciences sociales.
La recherche au Niger
La recherche est d’une importance capitale pour guider le pays dans ses actions de développement et ses décisions d’investissement. Aussi, la loi n° 68-23 du 17 avril 1968 créa le CNRST (Centre national de la recherche scientifique et technique) qui s’est cependant montré peu actif tant dans ses arbitrages entre les différentes branches de la recherche que dans ses options concrètes en matière de mise en œuvre de programmes de recherche précis. Aussi, sa dissolution en 1974 n’a fait que renforcer la dispersion et l’isolement des instituts de recherche existants tels que l’IEMVT (Institut d’élevage et de médecine vétérinaire pour les pays tropicaux), l’IRAT (Institut de recherche agronomique tropical), le CTFT (Centre technique forestier tropical), l’IRSH (Institut de recherche en sciences humaines) et l’Onersol (Office national de l’énergie solaire).
La majeure partie des laboratoires nigériens souffre d’un déficit en matériel, celui-ci étant généralement obsolète, ou manquant de place pour l’installer et le faire fonctionner
La création d’un ministère de la Recherche en 1978 peut être considéré comme une mesure opportune pour tenter de faire face aux besoins du pays en cadres, notamment après la sécheresse de 1973-1974 qui a durablement affecté son économie et plus encore la communauté rurale. Toutefois, des blocages importants subsistaient, d’une part, au niveau institutionnel en raison de l’absence de coordination des instituts de recherche nationaux et, d’autre part, au niveau financier du fait du manque de moyens. La conséquence a été la marginalisation de la recherche qui est devenue au mieux une activité d’appoint.
Les acteurs de la recherche : la communauté scientifique nigérienne
Pour saisir comment s’est opérée l’émergence d’une communauté scientifique nationale qui regroupe à la fois les enseignants chercheurs et les chercheurs, nous avons mené des entretiens auprès de cadres des ministères concernés et surtout auprès des chercheurs afin de reconstituer leur parcours.
La formation et le choix de faire de la recherche
Tous les chercheurs enquêtés ont effectué toute ou partie de leurs études universitaires à l’étranger. 16 d’entre eux sur 20 (soit 80 %) ont fait leur thèse hors du pays (12 en Europe soit 60 % et 8 en Afrique soit 40 %) selon la ventilation suivante : Cameroun (1), Cote d’Ivoire (1), Nigeria (1), Sénégal (1), Belgique (2), France (8) et ex-Union soviétique (2). Les quatre thèses effectuées au Niger (soit 20 %) ont porté sur l’entomologie, la chimie, la reproduction animale et l’agronomie.
La production scientifique du Niger est faible, inégale et fluctuante. La production annuelle enregistrée par le Science Citation Index est autour de trente articles en moyenne par an, voire quarante dans les années de forte production
En Europe, la France constitue le principal pays d’accueil : sans doute devons-nous voir là l’influence du passé et de la langue. Plusieurs personnes ont expliqué avoir opté pour l’étranger parce que l’UAM ne couvrait pas toutes les disciplines scientifiques et surtout n’assurait pas d’enseignements de 2e et de 3e cycle. Autrement dit, le séjour à l’étranger n’était pas une fin en soi, mais une nécessité pour qui voulait obtenir des diplômes non délivrés au pays. On note enfin des relations Sud-Sud relatives à la formation à la recherche non négligeables, celles-ci se renforcent.
Dans le cadre de la préparation de leur thèse et/ou pour la conduite de leurs travaux, les chercheurs et les enseignants chercheurs ont tous bénéficié de financements nationaux ou internationaux.
Pour les financements liés aux études, on peut distinguer trois cas de figure :
- le premier a trait aux chercheurs ou enseignants chercheurs qui, grâce aux liens tissés avec des réseaux de recherche ou à partir de liens personnels noués avec des chercheurs étrangers ou nigériens ont obtenu des financements pour effectuer leur thèse à l’étranger ;
- le deuxième concerne les personnes qui n’ont pas suivi de parcours à l’étranger pour la thèse ;
- le troisième renvoie à ceux qui ont bénéficié de la « programmation » : les étudiants nigériens ne décidaient alors pas eux-mêmes de s’orienter vers la recherche, l’État choisissant pour eux en leur octroyant des bourses nationales ou en leur trouvant des financements étrangers.
Les équipements
La majeure partie des laboratoires nigériens souffre d’un déficit en matériel, celui-ci étant généralement obsolète, ou manquant de place pour l’installer et le faire fonctionner. La dépendance vis-à-vis de l’étranger est très importante pour faire des expérimentations et accéder à certains matériels.
La production scientifique
La production scientifique du Niger est faible, inégale et fluctuante. La production annuelle enregistrée par le Science Citation Index est autour de trente articles en moyenne par an, voire quarante dans les années de forte production.
Les personnes enquêtées publient principalement dans des revues internationales. Selon les témoignages recueillis, elles s’intéressent très peu au revues nationales pour différentes raisons : elles sont multidisciplinaires, peu lues, ont une faible crédibilité, les articles tardent à y être publiés, elles ne sont pas indexées, et donc mal cotées.
Les opinions des chercheurs sur leur communauté scientifique
Bien que réduite en effectifs, la communauté scientifique nigérienne compte des chercheurs de bon niveau. En effet, la plupart d’entre eux sont certifiés CAMES (Conseil africain et malgache pour l’enseignement supérieur). Cependant cette communauté scientifique se trouve confrontée à un problème crucial : le manque de concertation entre chercheurs. En effet, il n’y a pas de notion d’équipe. Cette situation s’explique par le fait que les possibilités de financements sont quasi inexistantes. De ce fait, on assiste à une concurrence entre chercheurs et entre institutions.
Beaucoup d’enquêtés ont soulevé le problème de manque de concertation entre chercheurs. Chacun en est conscient, mais il ne semble pas y avoir d’initiative pour le résoudre.
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