Rapport mondial de Human Rights Watch 2019
Auteur : Human Rights Watch
Année de publication : 2019
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Les autorités mauritaniennes ont restreint la liberté d’expression et de réunion, particulièrement lorsque des activistes indépendants protestaient contre le racisme et la discrimination ethnique, la persistance de l’esclavage et d’autres sujets sensibles. Elles ont emprisonné des activistes sur la base d’accusations peu crédibles et refusé de libérer le blogueur Mohamed Cheikh Ould Mkhaitir alors qu’il a déjà purgé sa peine pour blasphème. Le sénateur d’opposition Mohamed Ould Ghadda a passé la plus grande partie de l’année 2018 en détention préventive sur la base de vagues accusations de corruption.
L’esclavage a décliné, mais n’a pas été entièrement éliminé.
Outre les pressions sociales, diverses politiques et lois nationales qui pénalisent l’adultère et les crimes de moralité font qu’il est difficile et risqué pour les femmes de dénoncer les agressions sexuelles à la police, ce qui les rend vulnérables à la violence liée au genre. Les lois mauritaniennes infligent la peine de mort pour diverses infractions, y compris, sous certaines conditions, le blasphème, l’adultère et l’homosexualité. Un moratoire de fait demeure en vigueur sur la peine capitale et les châtiments corporels qui sont inspirés de la charia islamique et présents dans le code pénal.
Liberté d’expression
Des médias locaux en ligne produisent divers points de vue et reportages, critiquant parfois de façon virulente le président Mohamed Ould Abdel Aziz, qui termine son second mandant en 2019 – d’où les spéculations sur la possibilité qu’il vise un amendement constitutionnel ou une autre disposition qui lui permettrait de rester au pouvoir. Pourtant les procureurs se servent d’une législation répressive, notamment la pénalisation de la diffamation et les définitions très larges du terrorisme et de l’« incitation à la haine raciale », afin de censurer et poursuivre les opposants pour des discours non violents. Une nouvelle loi anti-discrimination adoptée en 2017 est venue s’ajouter à cet arsenal. Son article 10 énonce : « Quiconque encourage un discours incendiaire contre le rite officiel de la République islamique de Mauritanie sera puni d’un à cinq ans d’emprisonnement. »
En novembre 2017, une cour d’appel a réduit la condamnation pour blasphème contre le blogueur Mohamed Cheikh Ould Mkhaitir, lui infligeant deux ans de prison au lieu de la peine capitale, estimant qu’il s’était suffisamment « repenti » pour pouvoir bénéficier de cette peine plus légère. L’infraction de Mkhaitir consistait en un article où il avançait que ses compatriotes ne devraient pas se servir de la discrimination que le prophète Mohammed a, dit-on, pratiquée pour justifier leur propre discrimination à l’égard des groupes vulnérables, dont la caste des m’alimine, à laquelle Mkhaitir appartient. Puisqu’il était emprisonné depuis son arrestation en janvier 2014, la cour d’appel aurait dû faire libérer Mkhaitir juste après avoir réduit sa peine.
Pourtant, les autorités le détiennent depuis lors dans un lieu tenu secret, bien que sa santé soit déclinante et que plusieurs pays aient offert de lui accorder l’asile politique. Mkhaitir serait « en détention administrative pour sa propre sécurité », ont déclaré les autorités à un comité des Nations Unies le 2 mai, faisant apparemment allusion aux manifestations de rue lors desquelles certains Mauritaniens ont réclamé son exécution.
Une nouvelle loi anti-discrimination adoptée en 2017 est venue s’ajouter à cet arsenal. Son article 10 énonce : « Quiconque encourage un discours incendiaire contre le rite officiel de la République islamique de Mauritanie sera puni d’un à cinq ans d’emprisonnement »
Le 27 avril, l’Assemblée nationale votait pour rendre la peine de mort obligatoire pour quiconque est reconnu coupable de « discours blasphématoire ». Ce durcissement des peines semblait survenir en réaction à la réduction de la condamnation de Mkhaitir en appel.
Le 7 août, les autorités ont arrêté Biram Dah Abeid, le président de l’Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste (IRA), une association qui lutte contre l’esclavage. Cet activiste, qui alors qu’il était en prison a remporté un siège à l’Assemblée nationale lors des élections de 2018, demeurait en détention provisoire au moment de la rédaction de ce rapport, inculpé pour avoir soi-disant insulté et menacé un journaliste.
L’activiste Abdallahi Yali est lui aussi emprisonné depuis janvier 2017. Il fait l’objet d’un procès qui s’est ouvert le 29 octobre 2018 pour incitation à la violence et à la haine raciale, en vertu du code pénal, de la loi antiterrorisme et de la loi sur la cybercriminalité. Le fondement de ces chefs d’inculpation est à chercher dans des messages WhatsApp où Yali appelait les Haratines, l’ethnie dont il fait partie, à résister à la discrimination et à réclamer le respect de leurs droits. Les Haratines, des arabophones à la peau sombre qui descendent d’esclaves, constituent un des groupes ethniques les plus importants de Mauritanie.
Liberté d’association
La loi sur les associations de 1964 exige que les associations obtiennent l’autorisation d’opérer légalement et permet au ministère de l’Intérieur de refuser cette autorisation en invoquant des motifs vagues tels qu’une « propagande antinationale » ou une « influence fâcheuse sur l’esprit des populations ». Le ministère a ainsi refusé la reconnaissance légale à plusieurs associations qui font campagne sur des sujets controversés, telles que l’IRA et « Touche pas à ma nationalité », qui accuse le gouvernement de discriminer les personnes noires lors du processus d’enregistrement à l’état civil.
En juillet, les activistes de l’IRA Abdallahi Saleck et Moussa Bilal Biram ont terminé de purger leur peine de deux ans de prison. Ils étaient les derniers de 13 membres de l’IRA à être libérés après avoir été condamnés, lors d’un procès inique, pour leur rôle supposé dans les violences qui avaient éclaté lorsque la police a tenté de démanteler un camp informel à Nouakchott en 2016. La cour d’appel a décidé que Saleck et Biram étaient coupables d’incitation à un rassemblement illégal et de gestion d’une association non reconnue.
Le 22 juillet, les autorités mauritaniennes ont bloqué le départ vers Genève de cinq activistes à la tête d’organisations de veuves et d’orphelins qui réclament que des comptes soient rendus sur la répression exercée par l’État à l’encontre d’Afro-Mauritaniens entre 1989 et 1991, et qui s’opposent à l’amnistie décrétée en 1993 par le gouvernement pour ces événements. Maimouna Alpha Sy, Aïssata Mamadou Anne, Aïssata Alassane, Diallo Yaya Sy et Baba Traoré devaient participer à l’examen du rapport périodique de la Mauritanie par le Comité des Nations Unies contre la torture.
En juillet, les activistes de l’IRA Abdallahi Saleck et Moussa Bilal Biram ont terminé de purger leur peine de deux ans de prison
Des représentants de Human Rights Watch se sont rendus en Mauritanie plusieurs fois en 2018 et y ont mené leurs recherches sans obstacles. Par contre ils n’ont pas réussi à obtenir du gouvernement la permission de tenir une conférence de presse dans un hôtel de Nouakchott en février, et ont dû la tenir dans les locaux d’une organisation locale.
Opposition politique
Au début de 2017, le sénateur Mohamed Ould Ghadda a aidé à tenir en échec une motion présentée au Sénat, soutenue par le président Abdel Aziz, demandant de dissoudre cet organe, c’est-à-dire la chambre haute du Parlement. En réaction, le président a appelé à un référendum pour supprimer cette chambre, ce à quoi Ghadda s’est également opposé.
En août 2017, cinq jours après que les électeurs ont approuvé la suppression du Sénat, les autorités ont arrêté Ghadda, l’accusant d’avoir accepté des pots-de-vins de Mohamed Bouamatou, un financier exilé et détracteur du président. (Une fondation créée par Bouamatou, la Fondation pour l’Égalité des chances en Afrique, soutient le travail de Human Rights Watch.) En août 2018, les autorités ont libéré Ghadda après une année en détention préventive. Quatre mois plus tôt, le 25 avril, le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire a déterminé que la détention de Ghadda était arbitraire. Les poursuites contre lui sont toujours en instance.
Les autorités ont refusé de reconnaître légalement un parti politique, les Forces progressistes pour le changement, qui ne mâche pas ses mots sur le thème de la discrimination raciale. Le parti a fait appel de ce refus devant la Cour suprême en 2015, mais attend toujours qu’elle se prononce.
Esclavage
La Mauritanie a aboli l’esclavage en 1981 et l’a criminalisé en 2007. Le gouvernement soutient qu’il n’existe plus d’esclavage, mais seulement ses séquelles, notamment l’exclusion et la pauvreté extrême – des problèmes qu’il s’efforce de résoudre. L’Indice mondial de l’esclavage estime toutefois qu’il y a 90 000 esclaves en Mauritanie, soit 2 % de la population, y compris les personnes qui subissent des formes « modernes » de cette pratique, comme le travail forcé ou la servitude.
Trois tribunaux spéciaux poursuivent les crimes liés à l’esclavage, mais depuis leur création par une loi de 2015, ils n’ont jugé que quelques affaires. En mars 2018, on a rapporté que le tribunal spécial de Nouadhibou avait condamné un père et un fils à 20 ans de prison, et dans une affaire distincte, une femme à 10 ans, pour avoir réduit des personnes en esclavage.
Droits des femmes
En 2017, le Parlement adoptait une loi sur la santé reproductrice qui reconnaît qu’il s’agit d’un droit universel, tout en maintenant l’interdiction de l’avortement. Il a également adopté un Code général sur la protection de l’enfant, qui criminalise la mutilation génitale féminine. En plus de la pression sociale qui les pousse à garder le silence, les femmes qui subissent des violences sexuelles font face à des obstacles institutionnels, notamment des procédures d’enquête policière et judiciaire qui ne tiennent pas compte de la question du genre.
La loi mauritanienne ne définit pas suffisamment le crime de viol et les autres formes d’agression sexuelle, même si un projet de loi sur la violence liée au genre, contenant des définitions plus spécifiques, est en attente devant le Parlement. La criminalisation des relations sexuelles consensuelles entre adultes en dehors du mariage dissuade probablement les filles et les femmes de dénoncer les agressions, puisqu’elles peuvent se trouver elles-mêmes inculpées si la justice estime que l’acte sexuel en question était consensuel. En 2018, des femmes étaient en prison pour adultère alors qu’en fait elles avaient déclaré avoir été violées. Les lois mauritaniennes sur le divorce, la garde des enfants et l’héritage sont discriminatoires envers les femmes.
La loi mauritanienne ne définit pas suffisamment le crime de viol et les autres formes d’agression sexuelle, même si un projet de loi sur la violence liée au genre, contenant des définitions plus spécifiques, est en attente devant le Parlement
Orientation sexuelle
L’article 308 du code pénal interdit les comportements homosexuels entre musulmans majeurs et les punit de mort s’il s’agit de deux hommes. On ne connaît aucun cas de personnes emprisonnées ou condamnées à mort en 2018 pour comportement homosexuel.
Enregistrement à l’état civil
La Mauritanie a continué à mettre en œuvre son processus national d’enregistrement biométrique à l’état civil pour tous ses citoyens et étrangers résidents. De nombreux citoyens, en particulier les plus pauvres et les moins éduqués, ont eu beaucoup de mal à remplir les lourdes conditions en ce qui concerne les documents à fournir. Certains disent avoir cessé d’essayer de s’enregistrer.
Les écoles ont parfois empêché des enfants non enregistrés de s’inscrire, alors que l’instruction est obligatoire de 6 à 14 ans. Même lorsque les autorités éducatives autorisaient les élèves à s’inscrire, elles les empêchaient de passer les examens nationaux qu’ils doivent décrocher pour pouvoir aller plus loin, ce qui a poussé de nombreux d’entre eux à interrompre leur scolarité.
Principaux acteurs internationaux
La Mauritanie fait partie du G5 Sahel, une alliance de cinq pays qui coopèrent sur la sécurité, notamment la lutte contre le terrorisme. Le G5 a son quartier général à Nouakchott. La rencontre la plus significative du président Abdel Aziz avec un chef d’État occidental en 2018 a été lorsqu’il a reçu le président français Emmanuel Macron, les 2 et 3 juillet, à l’occasion d’un sommet du G5. Aucune annonce publique n’indiquait que les deux dirigeants aient évoqué des questions de droits humains.
Le 3 novembre, les États-Unis ont averti la Mauritanie qu’à compter de janvier 2019, elle perdrait les avantages des préférences commerciales dont elle bénéficiait en vertu de l’African Growth and Opportunity Act (AGOA). La Maison-Blanche a justifié cette décision en déclarant que « la Mauritanie a[vait] fait des progrès insuffisants pour combattre le travail forcé, en particulier la plaie qu’est l’esclavage héréditaire (…), [et] continu[ait] à restreindre la capacité de la société civile à travailler librement en faveur de la lutte contre l’esclavage ». En 2017, les États-Unis ont exporté vers la Mauritanie 128 millions USD de marchandises et importé du pays l’équivalent de 62 millions USD.
Mauritanie : le défi démocratique
Auteur : Kaci Racelma
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La Mauritanie a fait parler d’elle ces derniers temps à propos de, l’esclavage. L’an passé, la chaîne d’information américaine CNN a en effet diffusé un documentaire intitulé Mauritania, Slavery’s Last Stronghold (La Mauritanie, le dernier bastion de l’esclavage), vif réquisitoire contre les maigres efforts du pays pour mettre un terme aux formes contemporaines d’esclavage telles que le travail forcé, le travail des enfants ou la traite des êtres humains.
L’année dernière encore, l’Index de l’esclavage dans le monde (Global Slavery Index), qui établit la liste des pays touchés par le phénomène, désignait la Mauritanie comme le pays au plus fort taux dans le monde. On estime en effet que 140 000 personnes y sont maintenues en esclavage et le Conseil de sécurité de l’ONU a décidé, en février dernier, la création d’un tribunal pour juger les responsables de telles pratiques.
Outre l’esclavage, c’est l’instabilité politique qui a rendu le pays tristement célèbre – six coups d’état depuis l’indépendance en 1960, dont le dernier en 2008 à l’instigation du Général Mohamed Ould Abdel Aziz qui en 2009 s’est proclamé chef d’état après avoir revendiqué sa victoire dans une élection contestée. Mais depuis son accession au pouvoir, le président Abdel Aziz est devenu un dirigeant civil à la tête d’une démocratie grandissante grâce à laquelle des améliorations ont été apportées en matière de libertés, de droits de l’homme et de responsabilisation.
“Nous n’avons plus besoin de nous rendre à Paris pour exprimer ouvertement nos préoccupations”, commente Abdellahi Ould Hourmatallah, directeur du Ministère des communications mauritanien lors d’une interview avec Afrique Renouveau. “A présent, nous pouvons au moins rester ici et exiger des comptes de nos dirigeants.” Il n’y a qu’à voir : déjà l’an dernier, une dizaine de membres importants des Forces de libération africaines de Mauritanie (ALFM), qui vivaient en exil depuis que le groupe avait été interdit en 1986 en raison d’un complot pour renverser le gouvernement, sont revenus dans le pays. Depuis ils ont pu y mener leurs activités sans être inquiétés.
On estime en effet que 140 000 personnes y sont maintenues en esclavage et le Conseil de sécurité de l’ONU a décidé, en février dernier, la création d’un tribunal pour juger les responsables de telles pratiques
Le retour de ces personnes coïncide avec l’établissement, par le gouvernement, du Forum pour la protection de la démocratie (MFPDP), un groupe comprenant des responsables clés d’organisations de la société civile. Le Forum doit aider le gouvernement à promouvoir l’harmonie sociale, à encourager la participation des femmes à la démocratie et à promouvoir la liberté de la presse, entre autres projets.
Interviewé par Afrique Renouveau, Mohamed Lemjad Salem, qui dirige le Forum MFPDP, estime qu’en inculquant des valeurs démocratiques à la population, le groupe espère créer une atmosphère propice à ce que le gouvernement et l’opposition jouent le rôle qui leur incombe au sein d’une démocratie. “Nous voulons nous battre pour renforcer les valeurs démocratiques… pour instaurer la démocratie à laquelle nous aspirons.”
A l’heure actuelle, il est de plus en plus admis parmi les Mauritaniens que la société civile “peut jouer un rôle de premier plan dans la formation des opinions publiques et aider à renforcer la démocratie,” ajoute M. Hourmatallah En Mauritanie, les progrès en matière de respect des droits de l’homme vont de pair avec une plus grande liberté de la presse. L’ONG Reporters sans frontières, qui défend la liberté d’information, estime que le pays possède “l’un des environnements médiatiques les plus ouverts de la région du Maghreb…. Il y a très peu d’interventions de la part du gouvernement.”
Pourtant il y a quelques années encore, les rédacteurs en chef étaient obligés d’obtenir la permission du gouvernement avant de publier un article. On attendait même qu’ils révèlent leurs sources – y compris les sources confidentielles. Le gouvernement possédait les groupes médiatiques et avait créé un conseil, sans aucun représentant de la profession, qui nommait les responsables d’institutions médiatiques et régulait les pratiques journalistiques.
Ces temps sont révolus – sans doute pour de bon. Bien qu’adoptés lentement, les amendements des lois sur les médias ont été déterminants. En 2010, le gouvernement a ouvert le secteur des médias à la propriété privée. L’année suivante, il abrogeait une partie de la loi en vertu de laquelle les journalistes pouvaient être emprisonnés pour calomnie contre le chef de l’état.
Suite aux modifications des lois sur les médias, les réactions ont été nombreuses. La Mauritanie possède aujourd’hui deux chaînes de télévision et plusieurs stations de radio indépendantes mettant un terme au monopole du gouvernement sur la diffusion médiatique. Bien que les autorités contrôlent encore deux quotidiens, vingt-huit autres sont dorénavant privés.
Tout comme pour les médias, la place des femmes au sein du gouvernement évolue de façon positive. Le pays est l’un des 34 au monde à disposer d’un système de quotas qui garantit la participation des femmes. Sur les 147 sièges de la chambre basse du parlement, 31 sont réservés aux femmes. (Soit environ 20%, la part de parlementaires femmes étant en moyenne dans le monde de 21,4%). De fait, 31 femmes siègent au parlement mauritanien depuis les élections de novembre 2013. “S’il y a encore des progrès à faire, nous déployons les efforts nécessaires pour créer une société ouverte en Mauritanie”, déclare Abdellahi Ould Zoubeir, un journaliste membre du Forum MFPDP à Afrique Renouveau.
La Mauritanie possède aujourd’hui deux chaînes de télévision et plusieurs stations de radio indépendantes mettant un terme au monopole du gouvernement sur la diffusion médiatique
Si, dans de nombreux domaines, la Mauritanie progresse, les effets de la démocratie sur le plan économique demeurent un sujet de préoccupation réelle. Au vu du lien qui existe entre le bien-être des citoyens et leur participation politique, le Président Abdel Aziz a voulu s’attaquer au problème de la pauvreté. Bien que le pays accuse un déficit budgétaire de 32% en 2013, le Fonds monétaire international (FMI) semble satisfait de son taux de croissance économique qui atteint 6,4%.
“Pour l’année 2014, écrit le FMI, la croissance se poursuivra au même rythme, en dépit d’une demande mondiale qui demeure faible. Ainsi, il est prévu que le taux de croissance, en terme de PNB réel, atteigne 6,5% environ, grâce à de forts résultats dans le secteur minier, les secteurs de l’agriculture et des services, de la construction et des travaux publics.”
Ces progressions ne sont pas “reflétées par la situation sociale, qui se caractérise toujours par une importante pauvreté et un fort taux de chômage”, note un rapport de 2013, Perspectives économiques en Afrique (AEO), publié conjointement par la Banque africaine de développement, l’Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE), la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique et le Programme des Nations Unies pour le développement. Selon le rapport, plus de 21% de la population vit dans une pauvreté absolue et bien que le taux de chômage national soit de 30%, il atteint les 60% dans certaines zones rurales.
“Les femmes mauritaniennes sont victimes de discrimination dans l’accès à l’emploi et aux terres, ce qui a pour conséquence de réduire leur participation économique”, précise le rapport Perspectives économiques en Afrique. Aminettou Mint Ely, qui dirige l’ONG Association of women, a indiqué à IRIN, un service d’information humanitaire, que les hommes ne donnent pas la possibilité aux femmes de se battre contre les lois discriminatoires “telles que celles qui empêchent les femmes qui travaillent d’obtenir la retraite ou de payer les femmes élues moins que les hommes qui occupent les mêmes fonctions.” Mahnaz Afkhami, président de Women’s Learning Partnership, un autre groupe de défense des femmes, ajoute qu’ “il faut casser les stéréotypes culturels et éduquer ces femmes à exercer le pouvoir de la bonne façon.”
Certains politiciens ne facilitent pas les choses pour les femmes. En 2012, Aslamo Ould Sidi al-Mustafa, un conseiller du président, a lancé une fatwa (décret islamique) controversée qui interdisait aux femmes d’être candidates aux élections présidentielles. Elles peuvent participer, a déclaré M. al-Mustafa, mais seulement “pour s’amuser”. Ceci signifie donc qu’aucune femme ne peut devenir présidente en Mauritanie. Les groupes de défense des femmes ont décidé de réagir stupéfaits par le silence du président Abdel Aziz à ce propos.
Les femmes mauritaniennes sont victimes de discrimination dans l’accès à l’emploi et aux terres, ce qui a pour conséquence de réduire leur participation économique
Bien que les médias jouissent d’une relative liberté, ils ne sont pas assez stables financièrement pour assurer une surveillance efficace. Les chaînes de télévision privées ne sont diffusées que sur le web. Internet n’étant accessible que par 4,5% de la population, ces chaînes ont un rayon d’action limité. Les journaux ne s’en sortent pas beaucoup mieux, en raison de revenus publicitaires insuffisants et de systèmes de distribution réduits, fait remarquer la BBC. Pâtissant de l’absence d’une loi sur la liberté d’information, les journalistes se heurtent souvent à de stricts refus lorsqu’ils demandent des informations que le gouvernement considère comme embarrassantes.
Les éloges de la démocratie en Mauritanie ne se justifient que si l’on compare les conditions actuelles aux situations antérieures, estiment de nombreuses personnes. Le gouvernement demeure sensible aux critiques trop sévères des médias. En août 2011 notamment, des agents de sécurité ont détenu une équipe de journalistes sénégalais qui se trouvaient en Mauritanie pour interviewer des responsables de l’opposition et des activistes contre l’esclavage. Cette année-là, Abdelhafiz al-Baqali, un journaliste marocain, a été deporté sans raison donnée.
Certains politiciens ne facilitent pas les choses pour les femmes. En 2012, Aslamo Ould Sidi al-Mustafa, un conseiller du président, a lancé une fatwa (décret islamique) controversée qui interdisait aux femmes d’être candidates aux élections présidentielles
Les allégations de discrimination contre les Noirs, de torture de prisonniers en détention et de dysfonctionnement d’un système judiciaire qui n’est pas pleinement indépendant de l’exécutif sont également fréquentes. Sans aucune explication, le Président Abdel Aziz a nommé successivement trois juges différents à la tête de la Cour suprême entre 2007 et 2010, bien que chaque juge soit censé disposer d’un mandat de cinq ans minimum.
En réalité, le gouvernement fait face à de nombreux défis. La Mauritanie est une société multiculturelle, entourée de pays avec lesquels elle entretient des relations tendues. Elle continue de se quereller d’un côté avec le Maroc et l’Algérie à propos du Sahara occidental, de l’autre avec le Sénégal à propos de l’utilisation de la rivière Sénégal qui sépare les deux pays. En outre, des milliers de réfugiés maliens s’installent en Mauritanie, accentuant la demande en ressources déjà limitées, notamment en eau et en énergie. La sécurité est également problématique car le gouvernement tente constamment de supprimer toute persistance des réseaux terroristes.
Les allégations de discrimination contre les Noirs, de torture de prisonniers en détention et de dysfonctionnement d’un système judiciaire qui n’est pas pleinement indépendant de l’exécutif sont également fréquentes
La Mauritanie déploie des efforts pour supprimer l’esclavage. En 2007, elle a adopté une loi contre l’esclavage, qui en fait un crime passible d’une peine de dix ans de prison. Un comité judiciaire dirigé par le Président Abdel Aziz a annoncé, en décembre dernier, sa décision de créer un tribunal spécial pour juger les personnes responsables de telles pratiques. Gulnara Shahinian, le rapporteur spécial de l’ONU sur les formes contemporaines d’esclavage, a loué “la volonté politique dont témoignent les autorités [mauritaniennes] dans la lutte contre l’esclavage.
Etant donné la vaste tâche à laquelle fait face le Président Abdel Aziz, les mesures récentes en faveur de la démocratie sont significatives, jugent les analystes. L’image de la Mauritanie en tant que pays d’instabilité politique et d’esclavage pourrait bientôt changer. Et il est fort possible que ce pays de plus de 3 millions et demi d’habitants apparaisse bientôt comme une oasis de démocratie, en plein désert.
Rapport 2017/2018 d’Amnesty International
Auteur : Amnesty International
Année de publication : 2018
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Liberté d’expression, d’association et de réunion
Cette année encore, des blogueurs, des défenseurs des droits humains et d’autres détracteurs du gouvernement ont été la cible d’actes d’intimidation et d’agressions de la part des forces de sécurité. Des militants antiesclavagistes ont été placés en détention ; certains étaient des prisonniers d’opinion. Abdallahi Abdou Diop a été libéré en janvier après avoir purgé une peine de six mois de prison. Abdallahi Maatalla Seck et Moussa Biram étaient toujours détenus à la prison de Bir Moghreïn, à plus de 1 000 km de leur domicile, depuis juillet 2016. Ces trois prisonniers d’opinion avaient été condamnés pour divers chefs d’accusation, dont participation à une manifestation non autorisée et appartenance à une organisation non reconnue.
En avril, les forces de sécurité ont utilisé du gaz lacrymogène et des matraques pour disperser une manifestation pacifique organisée à Nouakchott, la capitale, par des associations de jeunes qui demandaient l’adoption de politiques de lutte contre le chômage et de soutien à la jeunesse. Au moins 26 personnes ont été arrêtées. La plupart d’entre elles ont été libérées le jour même, mais 10 ont été maintenues en détention pendant quatre jours et inculpées de participation à un rassemblement non autorisé. Une manifestante a été condamnée à trois mois de prison avec sursis par un tribunal de Nouakchott, mais ce jugement a été annulé en appel. Les autres personnes ont été relaxées.
Le 23 avril, sept personnes, dont quatre étrangers et deux mineurs, ont été arrêtées par la police après avoir assisté à un service religieux à Nouakchott. L’une d’entre elles a été libérée sans inculpation au bout de trois jours ; les autres ont été inculpées d’appartenance à une organisation non reconnue et relâchées six jours plus tard.
En avril, les forces de sécurité ont utilisé du gaz lacrymogène et des matraques pour disperser une manifestation pacifique organisée à Nouakchott, la capitale, par des associations de jeunes qui demandaient l’adoption de politiques de lutte contre le chômage et de soutien à la jeunesse
À l’approche du référendum du mois d’août, le bureau du Haut-Commissariat aux droits de l’homme [ONU] s’est dit préoccupé par l’apparente répression de la dissidence par les autorités ainsi que par les informations faisant état de l’emploi d’une force excessive contre les organisateurs de manifestations.
Cinq jours après le référendum, le sénateur Mohamed Ould Ghadda, qui s’était opposé à la tenue du scrutin, a été arrêté et inculpé de corruption. Il était toujours en détention dans l’attente de son procès à la fin de l’année. Trois semaines plus tard, 12 sénateurs et quatre journalistes ont été interrogés par un juge au sujet du soutien financier qu’ils auraient reçu d’un homme d’affaires. Ils étaient tenus de se présenter au poste de police toutes les semaines le temps qu’une enquête soit menée sur ces allégations.
En novembre, la Cour d’appel de Nouadhibou a commué la condamnation à mort du blogueur Mohamed Mkhaïtir en une peine de deux ans de prison. Il avait été condamné en décembre 2014 pour apostasie après avoir écrit un billet de blog critiquant les personnes qui utilisent l’islam pour introduire des discriminations à l’égard des moulamines (forgerons). Détenu depuis janvier 2014, il devait être libéré à la fin de l’année 2017 mais il a été maintenu en détention ; sa famille et ses avocats n’ont pas été en mesure de lui rendre visite, ni de vérifier où il se trouve.
En novembre, 15 défenseurs des droits humains ont été arrêtés à Kaédi, une ville du sud du pays, par des hommes en civil qui se sont présentés comme des membres du bataillon de sécurité présidentielle. Ces 15 personnes distribuaient des tracts et brandissaient des banderoles réclamant justice pour leurs proches, victimes d’homicides illégaux entre 1989 et 1991. Elles ont été conduites sur une base militaire et interrogées à propos de leurs activités. Dix d’entre elles ont été relâchées le jour même. Les cinq autres ont été transférées dans un poste de police et maintenues en détention pendant six jours, sans pouvoir consulter d’avocat, avant d’être libérées sans inculpation.
Tout au long de l’année, des militants et des ONG de défense des droits humains de différents pays se sont vu interdire l’accès à la Mauritanie. En mai, un avocat et un journaliste étrangers qui effectuaient des recherches sur l’esclavage ont été priés de quitter le pays. En septembre, des militants antiesclavagistes américains n’ont pas pu obtenir leur visa d’entrée à leur arrivée à l’aéroport international de Nouakchott. En novembre, les autorités ont refusé d’accorder à une délégation d’Amnesty International l’autorisation de pénétrer sur le territoire mauritanien.
Ces 15 personnes distribuaient des tracts et brandissaient des banderoles réclamant justice pour leurs proches, victimes d’homicides illégaux entre 1989 et 1991
Torture et autres mauvais traitements
Des détenus ont signalé avoir subi au cours de leur détention provisoire des actes de torture ayant pour but de leur extorquer des aveux ou de les intimider. Les personnes détenues dans des postes de police, notamment au commissariat de Nouakchott, étaient souvent maintenues à l’isolement pendant de longues périodes. Cette pratique est condamnée par le Comité des droits de l’homme des Nations unies, qui la considère comme une violation de l’interdiction de la torture et de toute autre forme de traitement cruel, inhumain et dégradant.
Dans un rapport présenté en mars, le rapporteur spécial des Nations unies sur la torture a déclaré que la torture et les mauvais traitements n’étaient plus « généralisés » en Mauritanie, mais qu’ils demeuraient fréquents. Il s’est inquiété de la persistance de la « culture de la torture » au sein des services de police et de gendarmerie, et de son utilisation pour extorquer des aveux.
Il a fait remarquer qu’il était excessif de maintenir en détention une personne soupçonnée de terrorisme pendant une période pouvant atteindre 45 jours sans lui permettre de bénéficier des services d’un avocat ; que les mécanismes de supervision ne faisaient preuve ni de la diligence requise, ni de la célérité nécessaire lorsqu’il s’agissait d’enquêter sur les allégations de torture ou d’autres mauvais traitements ; que la législation et les garanties en vigueur en matière de protection devaient être appliquées et renforcées, et qu’aucune amélioration notable n’avait été apportée aux conditions de détention, notamment concernant les problèmes de surpopulation, d’hygiène et d’insuffisance de nourriture.
Droits économiques, sociaux et culturels
En présentant son rapport en mars, le rapporteur spécial des Nations unies sur les droits de l’homme et l’extrême pauvreté a conclu que le gouvernement mauritanien avait fait des progrès dans la lutte contre la pauvreté au cours des dernières années, mais qu’une grande partie de la population vivait toujours dans le dénuement, sans accès adéquat à la nourriture, à l’éducation, à l’eau, aux infrastructures sanitaires et aux soins médicaux. Il a déploré l’absence totale de soins pré- et postnatals dans les zones rurales, malgré les obligations de la Mauritanie découlant des traités internationaux relatifs aux droits humains.
Le rapporteur a également souligné que les Haratines et les Négro-Mauritaniens qui, selon les estimations, représentaient deux tiers de la population, étaient exclus de nombreux pans de la vie économique et sociale. De plus, le fait que le gouvernement n’ait pas recueilli de statistiques sur le nombre de Haratines et de Négro-Mauritaniens dans le pays rendait invisibles leurs besoins et leurs droits.
Droits des personnes réfugiées ou migrantes
Dans son rapport présenté en mars, le rapporteur spécial des Nations unies sur la torture a exprimé ses préoccupations concernant les expulsions collectives de migrants et de réfugiés en situation irrégulière, qui étaient souvent abandonnés juste après la frontière avec le Sénégal, au sud du pays, indiquant que ces expulsions pouvaient contrevenir au principe de « non-refoulement ». Au cours d’une visite à Nouakchott dans un lieu de détention où étaient retenus des migrants en situation irrégulière, le rapporteur a constaté que les 20 à 30 personnes détenues ne disposaient d’aucune installation sanitaire et n’avaient pas suffisamment de place pour s’allonger ni même pour s’asseoir ou pour dormir.
En Mauritanie, le long combat des militantes des droits des femmes
Auteur : Géo
Date de publication : 08 mars 2019
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Elles sont bien décidées à ne pas se satisfaire d’un non. En Mauritanie, malgré les revers au Parlement, les militantes des droits des femmes se battent pour une législation plus protectrice dans cette société conservatrice d’Afrique de l’Ouest. “Cette loi, nous en avons besoin, car on sait que les violences à l’égard des femmes montent en flèche”, malgré le manque de statistiques officielles sur le phénomène, s’insurge Aminetou Mint El Moctar, présidente de l’Association des femmes cheffes de famille (AFCF), au sujet du texte rejeté pour la deuxième année consécutive par l’Assemblée nationale.
Des ONG, dont l’AFCF, ont participé à la rédaction de ce projet de loi sur les violences fondées sur le genre, approuvé en mars 2016 par le gouvernement, prévoyant en particulier l’aggravation des peines pour viol, la pénalisation du harcèlement sexuel et la création de chambres spécifiques dans les tribunaux pour les affaires de violences sexuelles.
Rencontrée au siège de l’association avec sa fille de 5 ans, Zahra (un nom d’emprunt) raconte comment celle-ci a été agressée par un voisin : “Il a pris ma fille pendant que je dormais, il l’a emmenée et il l’a violée. Cette fois, l’âge de la victime et le profil du violeur, un pédophile récidiviste, ont assuré une rapide condamnation à dix ans de prison.
Mais en Mauritanie, les auteurs d’agressions sexuelles effectuent rarement la totalité de leur peine, selon l’AFCF. “Il va en purger une année, tout au plus. Après, il peut payer une caution pour obtenir une liberté provisoire. Et puis, quand il y aura une amnistie générale, il va en bénéficier”, prévient Mariem, l’une des assistantes sociales qui suit le dossier.
“Immixtion dans la vie privée”
D’où la nécessité d’une loi spécifique, selon les militantes des droits des femmes. Périodiquement, elles organisent des sit-in à l’Assemblée nationale pour en exiger l’adoption, rappelant que le texte été élaboré par des associations de la société civile, des oulémas et des juristes, sur la base de la charia, qui est la source du droit en république islamique de Mauritanie. L’Assemblée nationale, majorité et opposition confondues, a rejeté la loi en janvier 2017, puis une seconde fois, via la commission parlementaire de l’Orientation islamique, en décembre 2018.
Et ce, malgré l’intervention du ministère de la Justice, qui a introduit dans le texte des dispositions sans lien direct avec les violences sexuelles, notamment sur la sanction de l’adultère, ou réduisant certaines peines prévues initialement, en cas de coups et blessures ou de séquestration par le conjoint.
Ces amendements n’ont pas suffi à amadouer les députés, qui ont en particulier renâclé sur le concept de “genre”, considéré comme relevant de valeurs étrangères, ainsi que sur certains articles portant sur le droit de voyager sans autorisation du mari, ou autorisant les organisations d’aide aux victimes à se constituer parties civiles.
“La loi prévoit des sanctions qui, pour notre société musulmane, relèvent de l’immixtion dans la vie privée”, a expliqué à l’AFP la députée du parti islamiste Tewassoul (opposition) Zeinabou Mint Taghi. Elle a cité l’exemple des peines prévues pour un homme qui voudrait interdire aux femmes de sa famille de se promener dans des vêtements moulants, comme des pantalons serrés, ou à sa fille de vivre seule sans être mariée.
De plus, la notion de “genre” contenue dans l’intitulé ouvrirait la voie à des “manifestations pour réclamer les droits des hommes efféminés”, alors que l’homosexualité est interdite en Mauritanie, a-t-elle ajouté. “Nous avons donc rejeté cette loi pour la rendre conforme à la charia islamique et à nos spécificités culturelles.”
Victimes se retrouvant accusées
Une autre députée d’opposition, Nana Mint Cheikhna, du Rassemblement des forces démocratiques (RFD), se déclare en revanche favorable à cette loi, même si elle lui reproche des imprécisions. “Les femmes ont évidemment besoin d’une protection”, dans une société où elles sont “considérées comme mineures dans les esprits et dans beaucoup de pratiques”, souligne-t-elle.
Dans un rapport publié en septembre, l’organisation de défense des droits de l’Homme Human Rights Watch (HRW) avait salué le texte finalement repoussé par l’Assemblée comme “un pas en avant”, le jugeant néanmoins “loin d’être satisfaisant, notamment parce qu’il maintient la criminalisation des relations sexuelles consensuelles hors mariage et l’interdiction de l’avortement”.
“La loi mauritanienne ne définit et ne pénalise pas convenablement les violences sexuelles”, selon HRW, déplorant, exemples à l’appui, que “si les femmes ou filles n’arrivent pas à convaincre les autorités judiciaires de la nature non consensuelle d’un rapport sexuel, d’accusatrices, elles peuvent se muer en accusées”. L’ONG regrettait en outre que le texte ne porte pas sur “plusieurs autres formes de violences fondées sur le genre”, comme l’excision – déjà criminalisée dans la loi mauritanienne, ainsi que les mariages forcés.
“La loi mauritanienne ne définit et ne pénalise pas convenablement les violences sexuelles”, selon HRW
Entre esclavagisme et censure politique, la Mauritanie va devoir se réveiller en 2019
Auteur(s) : Le Monde Arabe
Date de publication : 18 janvier 2019
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Esclavage et Mauritanie font malheureusement de plus en plus office de pléonasme. La politique menée par l’Etat dans ce dossier laisse en effet la communauté internationale dubitative face à une équation qui s’avère toujours plus insoluble. Et pourtant, outre son abolition en 1981, Nouakchott a également érigé l’esclavage au rang de crime contre l’humanité en vertu d’une loi votée en août 2015. Un texte sensé sanctionner « les contrevenants » à des peines pouvant aller jusqu’à 20 ans d’emprisonnement, contre 5 à 10 ans auparavant.
Néanmoins, dans les faits, les résultats demeurent aux abonnés absents, puisque 43 000 personnes subissaient encore les conséquences de l’esclavage en 2016. Soit environ 1 % de la population totale, souligne un rapport d’Amnesty International. Un chiffre qui continuera à prospérer, donc, faute d’une réelle volonté de Nouakchott d’inverser la tendance.
Une politique toujours plus répressive
Concrètement, plus de 168 défenseurs des droits humains ont été arrêtés arbitrairement, et 17 d’entre eux, au moins, ont été torturés ou soumis à d’autres mauvais traitements ces cinq dernières années… Sachant que le cru 2018 n’a pas encore rendu son verdict en la matière. Mais le rapport mondial de Human Rights Watch de 2019 pointe déjà que les autorités mauritaniennes ont invoqué l’an dernier une multitude de lois sévères pour poursuivre et emprisonner des défenseurs des droits humains et autres dissidents politiques.
Symbole de cette résistance, 13 membres de l’IRA, une ONG luttant pour la résurgence du mouvement abolitionniste, ont été condamnés par une cour criminelle de la capitale à des peines allant de 3 à 15 ans de prison en août 2016.
L’IRA tente de peser sous une autre bannière
Non reconnue par l’exécutif, l’IRA doit malheureusement contourner la censure étatique pour pouvoir exister sur l’échiquier politique mauritanien. Le groupe a en effet trouvé en mai dernier un accord avec le parti Sawab. Une alliance qui lui permet désormais d’aligner des candidats lors des différentes échéances électorales.
1 % des suffrages exprimés
Par ailleurs, il est important de noter que l’IRA doit parallèlement faire face au durcissement de la loi régissant les partis politiques, en date du mois de mai également. Difficile d’y voir une simple coïncidence.
Ainsi, selon les termes du texte énoncés par le ministre de l’Intérieur, une formation qui participera deux fois de suite à une élection municipale sans atteindre 1 % des suffrages exprimés subira une dissolution. Mais ce n’est pas tout. En cas de non-participation deux fois consécutives à un scrutin local, ce dernier bénéficiera du même traitement de faveur. L’IRA passera donc un véritable test lors de chaque appel aux urnes.
Washington durcit le ton
Logiquement, le travail de sape réalisé par Nouakchott contre les militants anti-esclavage, et le peu de mesures prises pour enrayer ce fléau, ne sont pas passés inaperçus du côté de la Maison-Blanche. Les Etats-Unis ont en effet sévi récemment et retiré à la Mauritanie son statut de partenaire commercial privilégié en Afrique. Et cela à compter du 1er janvier 2019.
En Mauritanie, la lutte contre l’esclavage étouffée
Auteur(s) : Elena Blum
Date de publication : 27 mars 2018
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La Mauritanie est l’un des derniers pays au monde où l’esclavage est encore un phénomène de masse : 1% de la population y serait asservie, selon The Global Slavery Index. Parmi ces 43 000 personnes, des esclaves sexuelles, victimes de mariages précoces ; des esclaves urbains, domestiques maltraités et non payés ou ouvriers dans le secteur de la construction ; en zones rurales, des familles entières réduites au travail forcé pour cultiver les terres de leurs maîtres.
La société mauritanienne reste divisée en castes. Les Beydanes, ou Maures blancs, d’origine arabo-berbère, constituent la classe dominante, tandis que les castes inférieures, comme les Haratines et les Afro-Mauritaniens n’ont quasiment jamais accès aux postes à responsabilité, ni aux services essentiels de l’Etat tels que l’éducation, la santé ou la justice. Ils sont les premières victimes de l’esclavage, pourtant officiellement aboli en 1980 dans le pays, puis érigé en infraction par le Parlement en 2007, avant d’être reconnu dans la Constitution comme un crime contre l’humanité en 2012. «Dans la réalité, […] ce phénomène n’existe plus dans notre pays», affirmait le Président, Mohamed Ould Abdel Aziz, en 2015. Cependant, le gouvernement continue à fermer les yeux sur cette pratique encore tenace, estime l’ONG Amnesty International dans un rapport publié mercredi.
Répression des défenseurs des droits humains
En 2016, sur 47 affaires d’esclavage portées devant les tribunaux, seuls deux individus ont été condamnés. Selon Biram Dah Abeid, opposant au régime et militant abolitionniste,les raisons de l’inaction de l’Etat sont historiques. La classe dominante Beydane a fondé son pouvoir sur l’esclavage, considérant «les tâches manuelles comme dégradantes».Les dirigeants qui en sont issus ont officialisé l’abolition, mais ne consacrent pas de moyens à l’application des lois afin de «conserver les privilèges» qui leur sont dévolus.
Le rapport d’Amnesty rappelle qu’au-delà des victimes directes de l’esclavage, les militants abolitionnistes et défenseurs des droits humains sont les cibles de menaces et de persécutions : 43 associations «n’ont jamais été autorisées»par l’Etat à exercer leurs activités, 20 organisations ont été victimes de violences lors de manifestations pacifiques, et 168 défenseurs des droits humains ont été arrêtés depuis 2014.
La société mauritanienne reste divisée en castes. Les Beydanes, ou Maures blancs, d’origine arabo-berbère, constituent la classe dominante, tandis que les castes inférieures, comme les Haratines et les Afro-Mauritaniens n’ont quasiment jamais accès aux postes à responsabilité, ni aux services essentiels de l’Etat tels que l’éducation, la santé ou la justice
Les organisations abolitionnistes peinent à trouver un écho dans les médias mauritaniens, et les personnalités qui prennent position contre l’esclavage sont immédiatement menacées. Comme le blogueur Mohamed Ould M’Kheitir, accusé d’apostasie et condamné à mort en 2014 (sa peine sera finalement réduite en appel) pour avoir affirmé que le système de caste n’avait pas de fondement religieux. Il est soutenu à l’époque par la militante des droits humains Mekfoula Bent Brahim, qui subit alors un déferlement de haine. Menaces de mort, insultes, et même une fatwa d’un groupe islamiste radical, incitant à l’assassiner. «Tu te dis que quelqu’un pourrait t’abattre dans la rue et que personne ne ferait rien», déplore la militante.
Pour l’auteur du rapport, François Patuel, l’un des enjeux principaux de la lutte pour les droits des esclaves est celui du droit de vote : «Il est très difficile pour les personnes asservies de s’inscrire à l’Etat civil, et donc sur les listes électorales.» En 2019 se tiendront les élections présidentielles. Alors que le président sortant, Mohamed Ould Abdel Aziz, affirme ne pas briguer de nouveau mandat, Biram Dah Abeid, qui sera candidat pour la seconde fois, espère un scrutin «plus ouvert». En 2014, il avait obtenu 9% des voix.
Les organisations abolitionnistes peinent à trouver un écho dans les médias mauritaniens, et les personnalités qui prennent position contre l’esclavage sont immédiatement menacées
Mauritanie : sécurité, islam régressif et atteintes aux droits humains
Auteur: Francis Serra est le pseudonyme d’un diplomate proche des sources du dossier Mkheitir.
Date de publication: 28 mai 2018
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Quelques semaines avant le voyage officiel d’Emmanuel Macron en Mauritanie, petit état des lieux sur la situation du pays, entre répression religieuse (entre autres) et jeux politiques liés aux différentes communautés. Emmanuel Macron se rendra en Mauritanie début juillet en marge du sommet de l’Union africaine. Il parlera sécurité et affaires avec le président Mohamed Ould Abdel Aziz : la Mauritanie est membre du G5 Sahel, elle est un bon élève en termes de sécurité, les perspectives d’exploitation gazière sont immenses et ses richesses halieutiques sont capitales pour la filière de la pêche européenne. Comme toujours, et c’est la règle dans ces exercices diplomatiques, les droits de l’homme sont la variable d’ajustement.
Condamné pour apostasie
Un blogueur de 26 ans, Mohamed Cheikh Ould Mkheitir, y a été condamné à la peine capitale pour apostasie, le 24 décembre 2014, pour avoir injurié le prophète sur son blog. Des manifestations très virulentes à Nouadhibou et Nouakchott réclamant sa condamnation à mort s’étaient déroulées en amont du procès. Le blogueur, dans un article intitulé « La religion, la religiosité et les forgerons », se demandait si Mahomet n’avait pas failli en permettant, à la fois, la légitimation de l’esclavage par les marabouts mauritaniens – qui, pourtant, trahissent l’esprit et la lettre de l’islam – et la stigmatisation de communautés, dont la sienne, celle des forgerons, malgré leur qualité de musulmans.
Après deux décisions en appel et une de la Cour suprême, Ould Mkheitir, du fait de son repentir, était finalement condamné à deux ans de prison le 9 novembre 2017 et devait donc être libéré à l’issue du dernier appel. Avec l’appui du Haut-Commissariat des droits de l’homme de l’Organisation des Nations unies, son exfiltration hors de la Mauritanie était prête. Plusieurs chancelleries, dont la France, avaient donné leur accord pour qu’il bénéficie du statut de réfugié politique et un feu vert informel avait été donné par les autorités mauritaniennes.
À chaque étape de la procédure judiciaire, cependant, quelques milliers de manifestants aux abords des tribunaux continuaient d’exiger sa condamnation à mort. Le bâtonnier de l’ordre des avocats, qui s’est porté partie civile pour défendre le prophète, demandait sa mise à mort immédiate. Aujourd’hui, le blogueur est toujours détenu dans un lieu tenu secret, en dehors de toute décision de justice. À l’initiative du gouvernement, le 28 avril 2018, l’Assemblée nationale mauritanienne a voté un amendement abrogeant la faculté du repentir (article 306 alinéa 2 du Code pénal), ce qui expose automatiquement à la peine capitale « tout musulman blasphémateur de Dieu ou de ses messagers ou ses anges ou ses livres ou l’un de ses prophètes ».
La rétroactivité de ce nouvel article du Code pénal et donc la possible exécution d’Ould Mkheitir ont été évoquées à plusieurs reprises par des autorités politiques et religieuses. Avec cette réforme, la Mauritanie est aujourd’hui, sur le plan juridique, plus répressive que l’Arabie saoudite dans le domaine religieux, même si les châtiments corporels n’existent plus et qu’un moratoire sur l’application de la peine de mort est en vigueur depuis 1987. Au-delà de la condition inhumaine que vit la victime de ce déni de justice, cette situation est symptomatique des tensions et des blocages qui traversent la société mauritanienne.
Quand le pouvoir se crispe
La Mauritanie, ancienne colonie française, peuplée de 3,8 millions d’habitants sur un territoire grand comme deux fois la France, est dirigée par des militaires depuis 1978, année du coup d’État contre le premier président Moktar Ould Daddah. Ils ont certes troqué leur uniforme contre un costume civil et donné un coup de vernis démocratique aux institutions, mais la caste militaire dirige toujours le pays. La société mauritanienne est encore d’essence fondamentalement féodale et les grandes tribus d’origine arabo-berbère défendent âprement leurs positions dans les rouages de l’État et dans le secteur économique.
Les statistiques officielles n’existent pas, mais on estime que les Maures d’origine arabo-berbère et leurs populations clientèles (les Haratins, descendants d’esclaves) représentent les deux tiers de la population. Ils parlent le hassanya (un dialecte d’origine arabe et berbère) et dominent la vie politique et économique. Le dernier tiers est constitué des populations noires de la frange sud du pays : Peuhls, Soninkés, Wolofs, majoritairement francophones. Chez les Maures, on estime le rapport Maures blancs (ou Beydanes) et Maures noirs (Haratins) à un tiers pour les premiers, qui détiennent la réalité des leviers des pouvoirs politique, militaire, économique et religieux.
La société est castée et les inégalités dues à la naissance (anciens esclaves et leurs descendants, forgerons) organisent encore largement les rapports sociaux. Cette situation, où les séquelles de l’esclavage sont très prégnantes, concerne tout le pays, y compris chez les populations noires du fleuve Sénégal. L’État s’est doté d’instruments juridiques forts pour criminaliser l’esclavage et ses conséquences, mais la pratique judiciaire dans ce domaine est encore très timide, compte tenu de ce contexte.
La vie nomade a presque disparu et la vie rurale concerne moins d’un tiers des Mauritaniens. L’urbanisation affaiblit peu à peu cette construction historique de la société, notamment dans les nouvelles générations d’adultes, largement connectés entre eux et au monde via les technologies de l’information. La remise en cause des structures traditionnelles avance et se traduit dans le champ politique, où les Haratins, majoritaires et les forgerons, revendiquent leurs droits autour de dirigeants associatifs, syndicaux et politiques. Mais l’État se braque et les atteintes aux droits fondamentaux se multiplient. Les récents rapports de Human Rights Watch et Amnesty International interpellent les autorités mauritaniennes et les institutions du système des Nations unies sur les droits de l’homme demandent des comptes.
La société est castée et les inégalités dues à la naissance (anciens esclaves et leurs descendants, forgerons) organisent encore largement les rapports sociaux
L’influence croissante du wahhabisme
C’est à propos du poids du religieux dans la société que le soutien militaire de la France et de l’Europe au président Ould Abdel Aziz mérite d’être interrogé. L’affaire du blogueur Ould Mkheitir éclaire les contradictions du régime mauritanien et donc celles de la guerre que la France mène aux côtés des pays du Sahel, dont la Mauritanie. Les autorités du pays revendiquent et surjouent souvent leur appartenance au monde arabe. La diplomatie est alignée sur celles de l’Arabie saoudite et des Émirats.
La Mauritanie, d’ailleurs, n’est pas membre de la Communauté des États d’Afrique de l’Ouest. Les grandes familles tribales maures débordent largement l’espace mauritanien, jusqu’au Mali, au Niger, au Maroc, au Sahara occidental et en Algérie. Les services de sécurité ont ainsi une connaissance documentée des enjeux au sein de ces clans familiaux, où la lutte armée et les trafics transsahariens structurent depuis longtemps les rapports de pouvoir. Mais, depuis trois ans, le djihadisme armé descend vers le sud du Sahel et recrute de plus en plus au sein des communautés nomades peuhles périphériques aux grandes tribus maures.
L’histoire de la Mauritanie, très ancienne, est centrale pour comprendre l’expansion de l’islam au Maghreb, au Sahel et en Andalousie. De très longue date, les érudits et les imams de ces territoires ont influencé la doctrine de l’islam jusqu’à La Mecque ou à l’Université al-Azhar du Caire. Si, comme au Sénégal voisin, l’islam africain confrérique traditionnel y domine toujours l’espace religieux, il perd tous les jours de son influence dans la société, face aux prédicateurs wahhabites, financés par l’Arabie saoudite. Riyad verse d’ailleurs le quart des contributions annoncées pour le fonctionnement du G5 Sahel. Mais comme par surenchère sur le terrain religieux, face aux wahhabites, ce sont les mosquées confrériques qui ont mobilisé les milliers de manifestants réclamant l’exécution de Ould Mkheitir.
Autant le pouvoir mauritanien peut avoir la main lourde sur les militants des droits de l’homme, les syndicalistes, les journalistes, les opposants politiques accusés de corruption ou les militants anti-esclavagistes, autant il laisse la main aux religieux dans l’espace public. Le régime, dans une sorte d’alliance objective avec un salafisme primitif, pense ainsi contrôler la société, protéger son pouvoir minoritaire et préserver ses prébendes étatiques. Avec sa proximité tribale dans les zones de conflit, cette alliance du régime est la clé pour comprendre l’absence d’attentats djihadistes en Mauritanie depuis dix ans. Tout cela est pourtant très fragile : la « wahhabisation » rampante de la Mauritanie, sous la férule de l’arabité, n’est pas un gage de stabilisation du Sahel.
Mauritania: Rape Survivors at Risk
Author(s): Human Rights Watch
Date of publication: September 5, 2018
The criminalization of sexual relations outside marriage in Mauritania puts rape survivors at risk, Human Rights Watch said in a report released today. The law deters them from filing complaints because they could themselves face prosecution.
The 90-page report, “‘They Told Me to Keep Quiet’: Obstacles to Justice and Remedy for Sexual Assault Survivors in Mauritania,” found that when survivors do come forward, police and judicial investigators do not respect their rights and dignity. Human Rights Watch found that investigative procedures do not ensure privacy or confidentiality, rarely offer the possibility to interact with female officials, and can turn into an investigation of the rape survivor’s moral character. Many survivors have limited access, if any, to legal aid, or medical, mental health, and social support.
Human Rights Watch found that survivors face social stigma and family pressures not to report rape to the authorities. The social worker with a local women’s rights group who supported a woman who reported being raped by a neighbor who threatened to kill her, described the demeanor of the state prosecutor who questioned the woman. “He asked her: ‘If you didn’t consent, why didn’t you tell your parents?’” she said. When the survivor said she knew the man who raped her, the prosecutor responded: “All the things you are saying are lies, you did this willingly.” The prosecutor opened an investigation against the woman for sexual relations outside marriage, known as zina, and a judge placed her under judicial control during the two-month investigation.
A lack of forensic expertise and protocols for evidence collection by law enforcement and health professionals can weaken a survivor’s case in court, Human Rights Watch found. Most public hospitals offer limited emergency care, and often refuse to provide medical examinations of rape survivors without a police referral. Many survivors cannot afford emergency or long-term medical care. Rape survivors who become pregnant are not allowed to obtain an abortion, as Mauritanian law prohibits abortions except when the mother’s health is at risk.
Mauritania also lacks government-funded programs and facilities to ensure and support survivors’ safety, legal action, and recovery. The government operates no shelters for survivors who want, or are forced, to leave their home after an assault, or for women leaving prison after a zina conviction who have nowhere to turn. Nongovernmental groups are only able to provide limited short-term services to survivors, but this never includes the possibility of accommodation.
Most public hospitals offer limited emergency care, and often refuse to provide medical examinations of rape survivors without a police referral
Survivors also risk prosecution if they cannot prove lack of consent, in part because the penal code currently does not define rape or the notion of consent and fails to criminalize other forms of sexual assault. The penal code punishes zina with flogging, jail time and, if the defendant is married or divorced, death by stoning. Because Mauritania does not carry out corporal punishments, people sentenced to flogging or death by stoning can find themselves imprisoned indefinitely, until Muslim legal scholars rule on commuting their sentence.
Mauritania has recently moved to strengthen laws to protect the rights of women and girls. In March 2016, the government approved a draft law on gender-based violence that is pending before parliament. The law would define and punish rape and sexual harassment, create special criminal court chambers to hear sexual violence cases, and allow nongovernmental groups to bring cases on behalf of survivors. While a step in the right direction, the current draft falls short in several respects, including maintaining criminal charges for consensual sexual relations outside marriage and restrictions on abortion.
The government’s policies violate several human rights enshrined in international treaties that Mauritania has signed. These include survivors’ right to nondiscrimination – as sexual violence affects women and girls disproportionately – as well as their right to bodily integrity and autonomy, their right to privacy, and their right to an effective remedy. Further, children should be detained only as a last resort and for the shortest appropriate period of time, and the government should prioritize their best interests.
Survivors also risk prosecution if they cannot prove lack of consent, in part because the penal code currently does not define rape or the notion of consent and fails to criminalize other forms of sexual assault
The unspeakable truth about slavery in Mauritania
Author(s): Seif Kousmate
Date of publication: 8 June 2018
In 1981, Mauritania made slavery illegal, the last country in the world to do so. Nonetheless, tens of thousands of people – mostly from the minority Haratine or Afro-Mauritanian groups – still live as bonded labourers, domestic servants or child brides. Local rights groups estimate that up to 20% of the population is enslaved, with one in two Haratines forced to work on farms or in homes with no possibility of freedom, education or pay.
Slavery has a long history in this north African desert nation. For centuries, Arabic-speaking Moors raided African villages, resulting in a rigid caste system that still exists to this day, with darker-skinned inhabitants beholden to their lighter-skinned “masters”. Slave status is passed down from mother to child, and anti-slavery activists are regularly tortured and detained. Yet the government routinely denies that slavery exists in Mauritania, instead praising itself for eradicating the practice.
Members of Mauritania’s leading anti-slavery organisation, the Initiative for the Resurgence of the Abolitionist Movement (IRA), hope to oust the majority Arab-Berber government in national elections next year. The IRA leader, Biram Ould Abeid – a Haratine who was imprisoned for years before coming second in 2014’s national elections – has vowed to remove President Mohamed Ould Abdel Aziz, who came to power in a 2008 coup and has since dismantled the Senate in what critics see as a bid to broaden his powers.
Slavery has a long history in this north African desert nation. For centuries, Arabic-speaking Moors raided African villages, resulting in a rigid caste system that still exists to this day, with darker-skinned inhabitants beholden to their lighter-skinned “masters”
Mauritania is a bridge between the Arab Maghreb of north Africa and darker-skinned sub-Saharan Africa. The ruling Arab-Berbers have higher paid positions in jobs and government, while the darker-skinned Haratines and Afro-Mauritanians are under-represented in leadership positions and face many obstacles in society, from access to education to well-paid jobs.
Haratines do many jobs that Arab-Berbers consider dirty or degrading, such as working in local markets. Sos Slaves provides workshops to help empower Haratine women, most of whom are unemployed, poor and have little or no education. Some workshops teach recently freed slaves about money – what it is and how it is used – while others teach Haratine women skills such as embroidery or sewing, which help them to earn money for the first time in their lives.
My Brother is Stuck in a Mauritanian Prison
Author(s): Nasser Weddady
Date of publication: May 3, 2019
On march 22, as I was about to wrap up a meeting with a client, I got a phone call. At first I ignored the vibrating phone, but the same number kept calling. “Aren’t you going to take that?” my client asked politely. As I reached out to take the call, the phone stopped buzzing. Then it vibrated with a short message: “Your brother was arrested.” My heart sank. I stumbled out of my meeting trying to find out what I could do to help my brother.
I believed I knew why he had been arrested. My brother Abderrahmane Weddady, 48, is a whistle-blower. Mauritanian President Mohamed Ould Abdel Aziz or Aziz, as he is known locally opted to silence him. The president was betting on global media and institutions to do what they have done throughout his 14-year reign: ignore Mauritania. He had gotten used to this lack of accountability. And he was facing the greatest financial scandal in the West African nation’s history.
My brother believed that he had uncovered a dangerous Ponzi scheme. Sheikh Ali Rada Al Saidy presented himself as a man with a blessing, a pious cleric of many miracles. He offered Mauritanians a tempting deal. He bought their homes at prices way above market value, my brother alleged, offering partial payment in cash and the rest as an IOU to be paid over the next one to three years. His army of representatives then moved immediately to flip the properties at deeply discounted prices at times, as little as 50 percent of the real value using the proceeds to pay off earlier creditors, according to my brother’s investigation.
His plan was simple: to dissuade as many people as possible from falling for the swindle. He even published documents alleging that members of the president’s own family had benefited from the scheme. The scheme imploded last fall. Ever since, the victims have been demonstrating in the streets seeking payment. Rebuffed by the courts and law-enforcement agencies that refuse to investigate the fraud, they are left to fend for themselves. They are incensed that the police and the president have not held the alleged scammer accountable.
Aziz is due to hand over power in June. His exit may be welcome news to most Mauritanians. Aziz participated in a 2005 coup, then cemented his power through another coup in 2008, and his leadership of the country since then has been anything but transparent. In violation of Mauritanian law, he began his first term as president, in 2009, by disdainfully refusing to publicly disclose his wealth.
In 2013, local media outlets broadcast a recording of a conversation between Aziz and an Iraqi citizen from 2006, allegedly about boxes of forged U.S. dollars. Aziz later admitted to the authenticity of the recording, claiming to having been a victim of a con artist. The World Justice Project’s 2019 “Rule of Law Index” ranks Mauritania’s government as the world’s 11th-most corrupt, and fifth worst in terms of the rule of law.
Why does the world tolerate this? Many believe that if a dictator or a strongman is willing to leave power peacefully, he ought to be encouraged, and that his past misdeeds, especially corruption, should be forgotten for the greater good of a peaceful transition. Tolerating corruption, the argument goes, is still a small price to maintain peace and order.
In March 2017, the International Monetary Fund’s Mauritania bureau sent a memo to IMF headquarters recommending that it provide information to the Mauritanian government on the dangers of Ponzi schemes, according to a source familiar with the document. If such a warning was ever issued, it does not appear to have had any effect on the government, or on the IMF’s willingness to engage with it.
There’s another reason for the world’s acquiescence. Aziz, since coming to power, has successfully branded himself as a bulwark against terrorism in the Sahel. This pose, employed by so many others since the dawn of the War on Terror, has become a costly cliché. Yemen’s Ali Abdullah Saleh is a textbook example. He received hundreds of millions of dollars in U.S. aid in the name of fighting terrorism, yet left Yemen impoverished, divided, and mired in war.
Mauritania is one of the poorest nations on Earth, and Aziz will bequeath a difficult legacy to his successor. The $200 million lost in the alleged Ponzi scheme is a pittance compared with the country’s galloping foreign debt. It has skyrocketed to $4.9 billion, a 346 percent jump from the year Aziz came to power after his second coup. Like many of his fellow strongmen, Aziz has gotten used to passing on the bill for his excesses to world donors, condemning the next generation of Mauritanians to live on handouts and donations while he and his entourage live large.