Drabo Harouna
Le Burkina Faso a ratifié en juillet 2009, la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées (CDPH). L’une des recommandations majeures de cette convention est la fourniture des services de santé gratuits ou à un coût abordable mais aussi de qualité et adaptés aux besoins spécifiques des personnes handicapées (art 25). Les dispositions de la convention furent internalisées par l’adoption de la loi N°012-2010/AN du 1er avril 2010 portant protection et promotion des droits des personnes handicapées. Près d’une décennie après, le constat sur le terrain n’est pas reluisant.
Pas d’avancées majeures. Ce, malgré plusieurs engagements renouvelés des autorités du pays. De leur accès aux services sanitaires à la lutte contre les grandes pandémies comme le VIH/SIDA, ils demeurent des laissés pour compte. Une violation silencieuse des principes d’équité et des droits humains. Pourtant le Président du Faso a promis de «ne laisser personne au bord de la route».
Au Burkina Faso, selon le Recensement général de la population et de l’habitation (RGPH 2006), on dénombre 168 094 personnes handicapées soit 1, 2% de la population totale, un chiffre en estimation. En effet, les estimations de l’OMS-2011 montrent qu’il y a 2 728 868 de personnes handicapées représentant 13,9% de la population générale du Burkina Faso. Pour que ce groupe vulnérable puisse jouir pleinement de tous les droits humains, la législation burkinabè par la loi N°012-2010/AN du 1er avril 2010 portant protection et promotion des droits des personnes handicapées a aménagé les conditions. Cette législation par ses décrets d’application met en avant la détention d’une carte d’invalidité.
Dans le domaine de la santé, la détention de la carte d’invalidité permet aux personnes handicapées et non indigentes de bénéficier d’une réduction de 50% en cas d’invalidité partielle et de 80% en cas d’invalidité totale des frais de consultation, de soins, d’examens médicaux et d’hospitalisation dans les centres sanitaires publics (article 3 du décret n 828 de 2012). La gratuité est de 100% pour celles déclarées indigentes. Le processus d’obtention de la carte est très contraignant. Et jouir des droits qu’elle confère reste une volonté politique à rendre effective.
Au Burkina Faso, selon le Recensement général de la population et de l’habitation (RGPH 2006), on dénombre 168 094 personnes handicapées soit 1, 2% de la population totale
Les conditions d’accès à la carte d’invalidité restent largement méconnues du public et son obtention demeure encore un parcours de combattant. En effet, en zone rurale, il n’y a pas de compétences pour la délivrance de la carte d’invalidité et la durée de traitement des dossiers de demande de carte d’invalidité peut atteindre plus d’un an. Tout est centralisé à Ouagadougou. Le mécanisme d’application des droits liés à la carte d’invalidité reste à être opérationnalisé et vulgarisé. La majorité des rares personnes handicapées qui possèdent la carte se voient opposer un non catégorique des agents de santé à bénéficier des droits qu’elle confère. Méconnaissance de la loi et absence de ligne budgétaire prévue à cet effet sont les arguments avancés par le personnel de santé. Et pourtant, la santé est un droit humain fondamental!
Au forum national des personnes handicapées tenu en juin 2018, le Chef de l’Etat a pris un engagement solennel de rendre effective la loi 012 dans tous les secteurs. Instruction a été donnée aux ministres de la santé et de celui en charge de l’action sociale de faire en sorte que la carte d’invalidité puisse permettre l’accès à la gratuité ou à la réduction des coûts des soins de santé. Un an déjà écoulé et l’effectivité se fait toujours attendre. La corvée d’accès aux soins de santé des personnes handicapées est omniprésente.
Dans le domaine de la santé, la détention de la carte d’invalidité permet aux personnes handicapées et non indigentes de bénéficier d’une réduction de 50% en cas d’invalidité partielle et de 80% en cas d’invalidité totale des frais de consultation, de soins, d’examens médicaux et d’hospitalisation dans les centres sanitaires publics
Elles sont les plus vulnérables face au VIH /SIDA et autres IST mais font quotidiennement face à des obstacles pour les soins adaptés à leurs besoins spécifiques ! Le Burkina Faso a fait des progrès dans la lutte contre le VIH. Selon les dernières estimations de l’ONUSIDA (2016), la prévalence du VIH est tombée à 0.8 %. Seulement, l’élimination du VIH est menacée du fait que les personnes handicapées continuent de rencontrer des obstacles pour l’accès aux services de prévention, de soins et de soutien relatif au VIH. Une enquête bio comportementale chez les personnes handicapées en 2017 (Humanité & Inclusion / IRSS) révèle un taux de séroprévalence de 4,6% soit plus de 5 fois supérieure à la moyenne nationale.
Les résultats de cette enquête montrent des facteurs de vulnérabilité des personnes handicapées face au VIH suivants : le faible accès au préservatif (44,1%), les violences sexuelles (4,6%), la faible participation aux activités de prévention du VIH (15,4%), le faible accès à l’information sur la santé (38,5%), l’accès limité aux services de santé, mais aussi la jouissance effective de leurs droits à la santé.
En zone rurale, il n’y a pas de compétences pour la délivrance de la carte d’invalidité et la durée de traitement des dossiers de demande de carte d’invalidité peut atteindre plus d’un an. Tout est centralisé à Ouagadougou
Nonobstant ces faits probants de leur vulnérabilité, le repositionnement des personnes handicapées est une condition sine qua non pour atteindre l’objectif de mettre fin à la pandémie du VIH/SIDA au Burkina d’ici fin 2030. Elles ne bénéficient pas encore d’intervention à la hauteur de cette cible prioritaire de lutte contre le VIH.
L’actualisation des normes et protocoles de prise en charge des personnes vivant avec le VIH et la formation des agents de santé en intégrant la dimension handicap et, la mise en place d’un mécanisme d’opérationnalisation de la carte d’invalidité avec affectation budgétaire s’imposent. Il incombe à l’État de formuler et de mettre en œuvre une politique nationale de santé pertinente et cohérente tenant compte des besoins spécifiques de toutes les composantes de la population sans discrimination aucune!
*Cet article a été publié initialement sur le site du #Presimetre, un programme d’imputabilité politique et de redevabilité socio-politiques citoyenne sur les engagements des politiques.
Crédit photo : queenmafa.net
Drabo Harouna est un journaliste et blogueur burkinabè. Il travaille actuellement avec des organisations et des associations de défense et de promotion des droits des personnes en situation de handicap en les assistant dans leur plaidoyer auprès des décideurs politiques.