Auteur : Youenn Gourlay
Type de publication : Article
Date de publication : 01/09/2019
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Cerné par le béton qui gagne la capitale économique ivoirienne, le lieu a su résister et conserver les traditions de la lagune Ebrié.
Ces dernières années, la forte croissance aidant, les infrastructures et les projets architecturaux se multiplient à Abidjan. Mais si le long de la lagune, le béton est légion, un village peuplé d’irréductibles Ebriés résiste encore et toujours à la vie citadine. Les 6 000 habitants de Blockhauss ne renieraient sans doute pas cette formule empruntée à la première case des albums des aventures d’Astérix. Elle pourrait même être la devise de cette forteresse imprenable, territoire quasi central de la capitale économique au sud de la commune résidentielle chic de Cocody, où l’esprit du village ivoirien a perduré malgré l’urbanisation galopante qui l’encercle et l’accule irrémédiablement le long de l’eau.
Si les Ebriés de Blockhauss sont aujourd’hui des lagunaires, c’est l’histoire récente qui les a bloqués sur cette petite pointe
Durant près de trois siècles, les tout premiers habitants des lieux venus de l’actuel Ghana occupaient un espace agricole vaste, près de 1 000 hectares réduits comme peau de chagrin en quelques décennies. Dans les années 1970, le miracle économique ivoirien pousse l’Etat à raser les plantations de manioc et faire pousser gratte-ciel, université et villas.
Le président Félix Houphouët-Boigny voulait les chasser et les pousser dans l’eau. Il voulait faire de Cocody une commune résidentielle pour les Blancs et les coopérants. Mais les Ebriés ne sont pas partis. Mieux, ils ont résisté et maintenu leur culture au sein même de la grouillante mégapole.
Aujourd’hui, « Blokosso » comme certains l’appellent est l’un des soixante villages ébriés encore présents en ville, et sans doute le plus emblématique au vu de sa résistance historique face aux colons puis à l’Etat ivoirien
Le bout de terre a toujours son chef de village, un territoire réputé inaliénable et des traditions bien ancrées.
L’âme de Blockhauss plane toujours et ses habitants, réputés fiers, perpétuent l’une des plus grandes traditions de l’ethnie : la fête des générations tous les seize ans, et la fête des catégories, tous les quatre ans. Ces fêtes célèbrent les passations de pouvoir d’une catégorie d’âge à une autre, puis d’une génération à une autre et le processus est toujours le même.
Au quotidien aussi, les Ebriés aiment la fête et accueillent l’un des lieux les plus fréquentés de la ville. A la pointe du village, une allée piétonne où se mêlent les odeurs de carpes, de poulets braisés et les sons de coupé-décalé des boîtes de nuits, est prolongée par l’Espace Port-Royal, une petite plage festive avec vue imprenable sur le Plateau, où des centaines d’Ivoiriens viennent chaque semaine y boire quelques bières et y manger des mets locaux.
Autre inquiétude, le mandat déposé par le nouveau maire de Cocody, Jean-Marc Yacé, pour que le village soit désormais structuré en quartier.
Devenir un quartier impliquerait une nouvelle hiérarchie, celle de la mairie et de la gendarmerie. Aujourd’hui, les litiges sont réglés par la chefferie puis soumis à des assemblées publiques
En attendant, l’esprit de village reste, malgré le béton et les incertitudes. Son histoire et sa notoriété semblent le protéger encore un peu. « Aujourd’hui, les gens s’y plaisent et les Ebriés ne posent pas de problème, note Serge Grah. Je pense qu’Houphouët serait surpris de voir que Blockhauss est encore là. » Une autre forme de miracle à l’ivoirienne.
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