Auteur : Amela Ariane AGBOZO
Site de publication : Civil Academy for Africa’s Future (CIAAF)
Type de publication : Article
Date de publication : 26 mai 2020
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La crise liée au Covid-19 que traverse actuellement le monde, impose au premier abord une réponse sanitaire en raison de l’enjeu de santé publique qu’elle représente. Du confinement intégral par endroits en Europe à l’absence de confinement en Ouganda en passant par l’état d’urgence sanitaire au Tchad, le couvre-feu au Sénégal ou le système de cordon sanitaire au Bénin, l’on assiste à une kyrielle de mesures visant à freiner la propagation du virus ou à aboutir à une immunité collective. Les réponses apportées pour limiter la contagion sont diverses et fonction des contextes socio-économiques et politiques des États. Ces mesures impactent le tissu économique, compte tenu de la cessation ou de la baisse d’activités dans de nombreux secteurs et par ricochet le tissu social.
Ces constats exigent des réponses en faveur des travailleurs mais aussi des populations les plus vulnérables. L’Organisation Internationale du Travail (OIT) rapporte que «les gouvernements, les partenaires sociaux et les autres parties prenantes devraient considérer la crise du Covid-19 comme une sonnette d’alarme pour renforcer leurs systèmes de protection sociale».
Les filets sociaux comme réponse mondiale à une accentuation des inégalités sociales
Les mesures sociales du fait du Covid-19 varient d’un pays à un autre et en fonction du système de protection sociale existant dans ledit pays. Selon un rapport conjoint d’experts de la Banque Mondiale et de l’UNICEF, il s’observe une augmentation des mesures sociales apportées par les pays en réponse au Covid-19.
Au nombre de ces mesures de protection sociale, les mesures d’aide sociale restent la classe d’intervention la plus utilisée (60,7% des réponses mondiales, soit 487 mesures). Elles sont complétées par des mesures liées à l’assurance sociale et au marché du travail. Les programmes de transferts monétaires restent l’intervention la plus utilisée par les gouvernements. Ils représentant un tiers (30,7%) du total des programmes de protection sociale, soit 246 mesures liées au Covid-19, Cette prévalence des mesures de filets sociaux notamment les transferts monétaires s’explique par ses objectifs : corriger les inégalités sociales et réduire d’environ 45% l’écart de pauvreté. Ils sont initialement mis en place par les États, pour atténuer l’incapacité chronique à travailler et à obtenir un revenu, et/ou la réduction de cette capacité dans des périodes de chocs économiques, politiques ou environnementaux.
L’accentuation ou le risque d’accentuation des inégalités sociales et de la pauvreté dû au Covid-19 s’explique par les impacts de cette crise sur l’économie mondiale et locale. Les mesures de confinement ou de riposte mettent au chômage des milliers de travailleurs salariés et indépendants avec des répercussions sur les revenus et le pouvoir d’achat.
Les réponses sociales africaines au Covid-19
Si l’Afrique ne subit pas pour l’instant l’hécatombe qu’on lui prédit, cette pandémie n’est pas sans conséquences sur la vie économique et sociale des Africains. Selon un récent rapport de la Commission Économique pour l’Afrique des Nations Unies, les effets de la Covid-19 sur l’emploi sont susceptibles d’être graves dans les zones urbaines entraînant des pertes substantielles d’emplois productifs. Aussi, les Petites et Moyennes Entreprises représentant 80% des emplois en Afrique sont-elles très vulnérables aux effets du Covid-19.
Les États africains ne sont pas restés en marge de l’accroissement des mesures de protection sociale observées à l’échelle mondiale. Ainsi, 44 États africains figurent sur la liste des 171 pays ayant mis en place ou renforcé les mesures de protection sociale dans le cadre du Covid-19. En réalité, les systèmes de protection sociale de l’Afrique n’échappent pas aux recommandations de l’OIT. L’Afrique est le continent ayant une faible couverture en matière de protection sociale, soit 17.8% par rapport à la moyenne mondiale de 45.2%.
Au 8 mai 2020 en Afrique subsaharienne, un ensemble considérable de 89 mesures d’aide sociale sont mises en œuvre comparativement au 20 mars 2020 où aucune mesure n’avait été décidée ou planifiée10. L’exemple de cinq pays montre une prévalence des mesures d’aide sociale.
Le Togo met en œuvre un programme social dénommé « Nonvissi » et la prise en charge de la tranche sociale des factures d’eau et d’électricité pour les ménages les plus modestes.
L’analyse des populations cibles des mesures d’aide sociale en exemple montre un ciblage sur les acteurs de l’informel ou ceux à revenu précaire bien que les secteurs et les populations touchés par cette crise soient au-delà. Ce ciblage pose donc le problème du caractère inclusif de ces différentes mesures. Le Covid-19 a également un impact sur les travailleurs du secteur formel qui vivent une absence totale de sécurité et d’avenir du fait de la cessation ou de la baisse des activités de leurs entreprises
L’État sénégalais prend en charge les dépenses des factures d’électricité et d’eau des ménages abonnés de la tranche sociale. Rien que pour les besoins alimentaires, le gouvernement a mobilisé 69 milliards de francs CFA pour l’achat de vivres afin de soulager un million de ménages.
Au nombre des mesures sociales, le gouvernement ivoirien prend en charge les factures d’électricité et d’eau des mois d’avril et de mai 2020 des couches défavorisées, soit environ un million de ménages. Il préconise le décalage pour l’ensemble des abonnés des dates limites de paiement des factures d’électricité et d’eau d’avril à juillet 2020 et de mai à août 2020. L’instauration d’un fonds de solidarité pour un montant de 170 milliards de francs CFA vise à financer les populations les plus vulnérables dans le cadre du soutien humanitaire d’urgence à travers l’élargissement du champ des filets sociaux.
Le gouvernement Rwandais a assuré la distribution des biens de première nécessité à environ 20 000 personnes vulnérables vivant dans la capitale Kigali. Des ressources complémentaires ont été mobilisées à travers les acteurs publics à l’effet de renforcer les programmes sociaux existants.
Pour ce qui est du Bénin, il a été lancé courant fin avril, le recensement des acteurs de certains corps de métiers dont les activités sont impactées par les mesures de riposte prises par le gouvernement. Au nombre de ceux-ci, les conducteurs de taxi bus, les tenanciers et employés des bars, restaurants et discothèques, les artisans de la branche de soins corporels. L’objectif de cette opération est de faire bénéficier d’un programme d’appui aux acteurs ciblés.
L’analyse des populations cibles des mesures d’aide sociale en exemple montre un ciblage sur les acteurs de l’informel ou ceux à revenu précaire bien que les secteurs et les populations touchés par cette crise soient au-delà. Ce ciblage pose donc le problème du caractère inclusif de ces différentes mesures. Le Covid-19 a également un impact sur les travailleurs du secteur formel qui vivent une absence totale de sécurité et d’avenir du fait de la cessation ou de la baisse des activités de leurs entreprises.
Quid de la protection sociale post covidienne?
La faiblesse de couverture en matière de protection sociale que souligne le rapport mondial 2017-2019 de l’OIT est mise en évidence à travers les millions de personnes plongées dans la misère même dans les pays les plus riches. Si au niveau sanitaire, le virus ne fait pas de discrimination entre ses victimes, son impact socioéconomique crée une discrimination contre les plus pauvres et ceux qui n’ont aucun pouvoir.
S’il est difficile d’anticiper la fin du Covid-19, il est nécessaire de penser dès à présent l’après et notamment les mesures de protection sociale qui constituent des droits sociaux. La reconnaissance des « droits économiques et sociaux » constitue un élément de consolidation de la cohésion nationale au service du bien commun. Car, au fondement des droits économiques et sociaux se situent au premier plan le droit à la dignité de la personne humaine et la solidarité.
Les impacts du Covid-19 touchant plus les acteurs de l’informel et du secteur privé, les systèmes de protection sociale post Covid-19 devraient davantage s’ouvrir sur un modèle beveridgien caractérisé par l’universalité de la protection sociale faisant appel à la solidarité de la puissance publique. Dans un pareil contexte, la solidarité de la puissance publique s’apparente à un mode d’action publique dans la mesure où elle vise à compenser les inégalités sociales. Elle contribuerait à renforcer les rapports entre les puissances publiques, les individus et les groupes sociaux ; et le bénéfice des droits sociaux.
Des expériences réalisées dans divers pays à travers le monde et des études chiffrées menées par diverses agences des Nations Unies montrent qu’un socle de protection sociale de base – souvent justifié inabordable ou insoutenable pour les finances publiques – est globalement abordable, pour tous les pays, quel que soit leur niveau de revenu à condition que les prestations soient introduites de manière progressive.
Le renforcement des systèmes de protection sociale devrait donc être orienté sur les questions de santé, de l’informel, de chômage, d’indécence de l’emploi et de précarité des revenus qui caractérisent le quotidien de millions de travailleurs dans le monde en :
- garantissant l’accès universel aux soins de santé pour tous et de qualité. Ce qui passe par l’amélioration des systèmes sanitaires afin d’assurer des prises en charge adéquates et une riposte efficace à d’éventuelles crises sanitaires;
- protégeant les personnes travaillant dans l’économie informelle à travers des politiques innovantes facilitant leur transition vers l’économie formelle;
- garantissant la protection des revenus et des emplois et en promouvant le travail décent à travers des législations protégeant les droits des travailleurs;
- garantissant des revenus aux travailleurs au chômage à travers la mise en place de mécanismes d’assurance chômage.
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