Auteur (s) : Florencia Valdés Andino
Organisation affiliée: Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR)
Type de publication : Article de presse
Date de publication : 2015
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Selon le Haut-Commissariat aux Réfugiés de l’ONU (UNHCR), près de 1,4 million de personnes ont été déplacées dans le nord du Nigeria. Celles-ci ont trouvé refuge dans les pays voisins, comme le Tchad, aggravant leur situation sanitaire. La cause : la présence toujours croissante de Boko Haram. Si l’existence de ce groupe islamiste s’explique par des facteurs économiques et politiques, son essor est aussi lié au changement climatique.
« D’ici à 2020, 60 millions de personnes pourraient migrer des parties dégradées de l’Afrique sub-saharienne vers l’Afrique du Nord et l’Europe » selon Monique Barbut, secrétaire exécutive de la Convention des Nations unies sur la lutte contre la Désertification (CNULD).
Pour l’heure, une menace en particulier pousse une partie de la population de cette région à se déplacer pour enfin s’exiler : Boko Haram, groupe islamiste qui fait régner la terreur dans le nord du Nigeria, depuis plus de cinq ans. « 170 000 personnes ont fui vers les pays voisins. 100 000 au Niger, 56 000 au Cameroun et 14 000 au Tchad », note le Haut-Commissariat aux Réfugiés de l’ONU (UNHCR).
Le Bassin du lac Tchad est devenu une zone de haute tension. Pour combattre les terroristes, avec le Bénin, ces États ont mis au point une force d’intervention conjointe multinationale « dotée de 8700 hommes, avec un quartier général à Ndjamena au Tchad. Une force qui peine à être totalement opérationnelle ».
La secte s’enracine dans un État très pauvre et attire analphabètes ainsi qu’élèves coraniques. A l’origine de ce groupe paramilitaire des raisons donc politiques et économiques. A celles-ci s’ajoute le réchauffement climatique. Une approche relativement nouvelle que les chercheurs avaient ignorée jusqu’à récemment.
Des tensions entre cultivateurs et éleveurs
Hindou Oumarou Ibrahim, coordinatrice des femmes autochtones du Tchad (AFPAT) constate au quotidien les ravages du réchauffement climatique sur le tissu social tchadien : « Celui-ci engendre des crises humanitaires qui déstabilisent sociétés et familles. Si les sociétés sont déstabilisées cela crée des conflits intercommunautaires sur la gestion des ressources naturelles et l’accès à ces ressources. Si les conflits cultivateurs/éleveurs sont fréquents dans le Sahel, le dérèglement climatique ne fait que les exacerber. Les hommes sont obligés de sortir de la famille, de leur communauté pour chercher du travail loin. Leur absence est source de conflit. Et quand ils ne trouvent pas de quoi envoyer chez eux, ils restent loin. Et cela engendre d’autres conflits là où ils se sont installés ». Effectivement des tensions ont éclaté entre les fermiers venus du Nord du Nigeria, plutôt musulmans, et les agriculteurs plutôt chrétiens vivant autour du lac.
C’est sur ce terreau que Boko Haram prospère. « Son histoire évolue autour du lac Tchad. C’est un grand lac partagé entre cinq pays avec plus de 43 millions d’habitants. En 40 ans son eau a réduit de 80%. La pauvreté qui en découle fait augmenter la surface de recrutement. Quand on peut manger, boire et subvenir aux besoins de sa famille, on reste digne. Mais quand on ne peut pas conquérir cette dignité en tant qu’homme, il ne faut pas que le monde s’étonne des conflits autour du Sahel. Ces hommes sont prêts à accepter n’importe quel travail pour affirmer leur masculinité et leur dignité », détaille l’activiste. Y compris un « travail » au sein d’une organisation terroriste.
L’asséchement des ressources
L’asséchement de ce lac est dû à deux facteurs : sa surexploitation et la baisse du débit de ses affluents. Et le réchauffement climatique ? L’Institut de recherche pour le développement (IRD) a publié en 2014 une étude réalisée pour la Commission du bassin du lac Tchad (CBLT). Les experts n’établissent pas un lien direct entre l’augmentation ou la baisse de la pluviométrie et la disparition de l’eau du lac.
Si les sociétés sont déstabilisées cela crée des conflits intercommunautaires sur la gestion des ressources naturelles et l’accès à ces ressources. Si les conflits cultivateurs/éleveurs sont fréquents dans le Sahel, le dérèglement climatique ne fait que les exacerber
Ils notent tout de même que « l’un des problèmes clefs qui se posera, c’est celui de l’accès et des règles d’accès aux ressources naturelles ». « Il faut en effet pouvoir garantir que certaines populations, comme les migrants, les cadets sociaux ou les éleveurs ne soient pas exclus. Dans le cas contraire, le lac Tchad pourrait devenir une zone de conflits. Ils sont pour l’instant contenus, mais l’augmentation de la pression humaine pourrait les amplifier », expliquait Géraud Magrin, vice-président de cette expertise, il y a un an.
Les terres agricoles et l’eau se font rares
« En Syrie Daech a confisqué des ressources en eau rares pour accroître son pouvoir et son influence », explique Monique Barbut. Il n’est pas impossible que ses alliés de la Province ouest africaine aient recours aux mêmes méthodes laissant la population encore plus démunie. Une population doublement en danger puisque les rebelles Séléka venus de la République Centrafricaine tentent de se faire une place dans le Bassin du lac Tchad.
Dans notre société, elles assurent la stabilité et s’occupent de l’éducation, y compris écologique, des enfants
Malgré ses effets évidents sur les zones touchées, le lien entre réchauffement climatique et conflits n’est pas encore quantifiable car « le dérèglement climatique conserve sa caractéristique de multiplicateur de menaces mais reste considéré comme un paramètre parmi d’autres et il paraît prématuré, voire infondé, de le désigner comme cause fondamentale de violences », explique l’Institut de relations internationales et stratégiques.
Quelles solutions ?
La Commission du bassin du lac Tchad, prône, elle, l’aménagement pharaonique du bassin pour pouvoir répondre aux demandes de la population en s’exposant, au passage, à dégrader encore plus l’environnement avec de grands travaux. Un processus qui tarde à démarrer.
Oumarou Ibrahim, pour sa part, met les femmes au cœur du combat contre le dérèglement climatique : « Dans notre société, elles assurent la stabilité et s’occupent de l’éducation, y compris écologique, des enfants. Elles doivent être présentes dans tous les processus des changements climatiques, il faut les écouter. La position des femmes ne doit pas être négociable ».
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