Au lendemain d’une conférence internationale sur les droits humains en 1997 à Ouagadougou, à l’initiative de l’Union Interafricaine des Droits de l’Homme (UIDH), une vingtaine d’organisations de la société́ civile burkinabè a créé le Réseau national de lutte anti- corruption (RENLAC). Il se veut une contribution de la société civile à la lutte anti-corruption au Burkina Faso. La vision du RENLAC est l’avènement d’une société burkinabè engagée, dans son ensemble, pour la défense et la promotion de l’intégrité́ et de la bonne gouvernance. Mission et objectifs Le RENLAC a pour mission principale d’œuvrer pour la garantie de la bonne moralité et de transparence dans la gestion de la chose publique. Pour atteindre cette mission, le RENLAC s’est assigné l’objectif général de «contribuer à l’éradication de la corruption au Burkina Faso». À ce titre, il s’est fixé les objectifs spécifiques suivants: Moyens d’action Le RENLAC compte plusieurs actions pour lutter contre la corruption au Burkina Faso qui sont: – La production de connaissances fiables en vue de mieux orienter les activités de lutte anti-corruption: – Les études thématiques: – Des actions de plaidoyer et de lobbying en vue d’influencer les politiques par: – Le suivi et l’évaluation des activités de lutte anti-corruption: – Les échanges d’expériences par:
Activités et sources de financement du Réseau national de lutte anti-corruption Les activités que nous menons sont quand même coûteuses, parce qu’elles sont nombreuses. Nous tenons une assemblée générale, nous publions un rapport sur l’état de la corruption au Burkina Faso, nous publions une bande dessinée à destination des plus jeunes. Nous organisons des journées nationales du refus de la corruption à l’occasion de la commémoration de la Journée internationale du 9 décembre, journée consacrée à la lutte anti-corruption. Nous faisons des enquêtes spécifiques et nous publions des rapports sur des thèmes précis et sur des enquêtes ou des dénonciations qui sont faites. Nous avons un personnel constitué d’une vingtaine de cadres et d’agents d’appui. Cela veut dire que nous avons des besoins financiers qui ne sont pas des moindres depuis un certain nombre d’années. Nous avons souvent des problèmes financiers. Nous avons des appuis financiers d’abord à travers les cotisations annuelles des organisations membres. Nous avons ensuite recours à des partenaires techniques et financiers extérieurs comme l’ambassade du Canada, la coopération suisse et le PNUD qui nous soutiennent conjoncturellement, selon les années et selon les activités.
Nous avons instauré un prix de lutte anticorruption qui est une contribution pour motiver les journalistes à faire de l’investigation, particulièrement dans le domaine de la corruption
Tout dernièrement, nous avons obtenu quelques appuis de la Banque mondiale à travers le projet de gouvernance économique et de participation citoyenne. Nous avons aussi le soutien de l’Union européenne depuis un peu plus d’une année. Nos sources de financement restent précaires, d’une année à l’autre, tout peut changer. Financement par des structures privées du Burkina Nous avons plusieurs fois essayé de convaincre les structures privées qu’elles n’ont pas intérêt à l’accroissement de la corruption. Il y a des privés qui pensent que la corruption est un mal nécessaire et d’autres qui pensent même gagner dans la corruption. Nous menons un combat à travers le soutien de la Chambre de commerce pour leur faire comprendre que nos opérateurs économiques privés ne gagnent pas dans la corruption. Pour qu’ils comprennent aussi que ce que nous faisons est dans leur intérêt. Pour le moment, le résultat n’est pas favorable. Les structures privées ont plutôt recours à nous quand elles ont des problèmes graves de corruption. Mais financièrement, elles ne pensent pas qu’elles peuvent nous aider à réussir nos missions, parce qu’elles aussi sont bénéficiaires des actions que nous menons. Peut-être qu’il nous faut aussi d’autres méthodes d’approche. Toutefois, il y a un point qui peut être sensible. Si par exemple, nous acceptons le financement d’une structure privée qui a des pratiques ou politiques peu orthodoxes, cela peut être aussi très mal perçu par l’opinion. Certains pourraient aller jusqu’à dire que nous sommes corrompus. Nous risquons de nous retrouver dans un conflit d’intérêts au moment de faire nos rapports. Impacts des actions du RENLAC Nous avons instauré un prix de lutte anticorruption qui est une contribution pour motiver les journalistes à faire de l’investigation, particulièrement dans le domaine de la corruption. Les prix qui étaient au départ des montants assez faibles ont connu une progression relative. Nous avons vu que la production en matière d’investigation anti-corruption s’est améliorée. Aujourd’hui, toutes les presses pratiquement sauf la télévision, se font un point d’honneur de traquer la corruption. Une autre activité que nous pensons avoir un impact sur la population, c’est le rapport annuel sur l’état de la lutte anti-corruption, notamment le volet dans ce rapport où nous classons les services publics selon leur degré de corruption. Nous sentons que ce classement intéresse non seulement la population, mais aussi les services. Chaque fois que le rapport sort, nous sommes approchés. Des structures nous approchent pour demander à comprendre comment elles peuvent se retrouver dans cette situation et éventuellement, qu’est-ce qu’elles doivent faire pour sortir de ce classement. Depuis de longues années, c’est devenu systématique, nous avons collaboré à mettre en place un comité anti-corruption et même à faire des signalétiques pour montrer les actes de corruption qu’il faut éviter. Une autre activité que je peux citer, c’est le téléfilm “Stop corruption” qui a été diffusé sur les antennes de la télévision nationale. Lorsque nous faisons des projections, nous sentons l’engouement des populations. Impacts sur les populations plus jeunes Grâce à la bande dessinée et le jeu Concours “Kouka”, nous avons pu capitaliser des effets sur la jeunesse, aussi bien scolarisée que non scolarisée. Des parents nous disent que ce que nous faisons influence beaucoup les jeunes. Leurs enfants ont eu à les interpeller sur des actes de corruption. Les témoignages que nous avons récoltés sur ces faits sont quand même importants. Qu’une fille interpelle son père parce qu’il a pris une voiture de service pour l’amener à l’école, parce qu’elle sait que c’est un acte qui n’est pas conforme. C’est arrivé que des jeunes dans les lycées demandent à créer des clubs corruption et interpellent les associations de parents d’élèves jusqu’à ce qu’ils obtiennent des remboursements de cotisations jugées non justifiées. Ce sont des impacts qui ne sont pas à négliger. Les difficultés L’une de nos difficultés majeures, c’est l’insuffisance de moyens financiers qui, du coup, amènent aussi une insuffisance des ressources humaines. Si vous n’avez pas assez de moyens financiers, vous ne pouvez pas trouver les ressources humaines suffisantes pour faire le travail et c’est un peu en opposition avec les attentes des populations vis-à-vis de nous.
L’autorité politique au niveau de l’État ne manifeste pas une bonne volonté. Pas de nous accompagner, mais elle-même de mener la lutte contre la corruption
Parce que les gens attendent beaucoup de nous. Les gens croient qu’on est très puissant alors que ni financièrement ni en ressources humaines, nous n’avons les moyens de satisfaire leurs attentes. On se retrouve très souvent dans l’incapacité de mener certaines investigations. Pour dénoncer la corruption avec le plaidoyer ou le lobbying, pour amener les autorités à prendre des mesures, il faut des moyens. On ne dispose pas de moyens suffisants pour faire ce travail. On n’arrive pas à suivre toutes les dénonciations, et toutes les plaintes que nous recevons. On n’arrive pas à répondre aux sollicitations comme on le souhaite, pas parce qu’on n’a pas techniquement les capacités de le faire, mais parce que les moyens financiers et les ressources humaines ne sont pas toujours à la hauteur. Lorsque des jeunes viennent s’engager comme travailleurs permanents dans une structure qui n’est pas capable de leur garantir un avenir, ils sont souvent enclins à être instables et même à vouloir partir lorsqu’il y a des propositions ailleurs. Actuellement, on est confronté au fait qu’il y a des agents qui arrivent et qui partent et qui nous laissent parfois sur le carreau. On a un perpétuel besoin de recommencer avec d’autres personnes. C’est une difficulté à laquelle nous sommes confrontés. L’autre difficulté majeure qui n’est pas négligeable, c’est le fait que l’autorité politique au niveau de l’État ne manifeste pas une bonne volonté. Pas de nous accompagner, mais elle-même de mener la lutte contre la corruption. C’est nous qui devrions les accompagner pour lutter contre la corruption. Mais pour accompagner quelqu’un, il faut qu’il soit devant. Or, ces autorités ne montrent pas un effort et une ferme volonté de lutter contre la corruption, contrairement à leurs engagements électoraux. Nous constatons que les autorités tolèrent la corruption et protègent les acteurs de la corruption et essayent même de cultiver l’impunité comme un système de gouvernance.
Sagado Nacanabo est un conseiller de l’enseignement secondaire à la retraite, il est le secrétaire exécutif du Réseau national de lutte anti-corruption depuis avril 2019.
Immediately after an international conference on Human Rights held in Ouagadougou in 1997, at the initiative of the Inter-African Union of Human Rights (UIDH), around twenty Burkinabe CSOs created the National Anti-Corruption Network. This network aims to be a Civil Society contribution to the fight against corruption in Burkina Faso. Mission Statement and Goals REN-LAC’s main mission is to work towards guaranteeing good morality and transparency in the management of public affairs. To achieve this mission, REN-LAC has set as its general objective to “contribute to the eradication of corruption in Burkina Faso”. As such, it has set the following specific goals: Means of action REN-LAC has several actions to fight against corruption in Burkina Faso, including the following: organizing international seminars in Burkina Faso in collaboration with Transparency International.
REN-LAC’s vision is to build a Burkinabè society committed, as a whole, to the defense and promotion of integrity and good governance.
Activities and funding sources of the National Anti-Corruption Network Our activities are expensive because they are numerous. We hold a general assembly, publish a report on the state of corruption in Burkina Faso, and produce a comic book for the younger generation. We organize National Days of Refusal of Corruption as part of the commemoration of International Anti-Corruption Day on December 9, a day dedicated to the fight against corruption. We carry out specific investigations and produce reports on specific topics and on investigations or denunciations that are made. Our staff is made up of about 20 managers and support staff. This means that our financial needs have been significant for a number of years. We are often in financial trouble. We receive financial support primarily through the annual contributions of member organizations. In addition, external technical and financial partners such as the Canadian embassy, Swiss cooperation and the UNDP also provide us with cyclical support, depending on the year and activities. We have recently received support from the World Bank through the Economic Governance and Citizen Participation Project. The European Union has also been supporting us for a little over a year now. Our sources of funding are still precarious, everything can change from one year to the next. Funding by private organizations of Burkina Faso On several occasions we have tried to convince them that they have no interest in the development of corruption. Some private entities consider corruption to be a necessary evil and others even think they can benefit from it. We are leading a fight through the support of the Chamber of Commerce with a view to making them understand that our private economic operators cannot prosper in corruption. We want them to understand that what we are doing is in their interest. For the moment, the outcome is not favorable. Private organizations rather resort to us when they face serious problems of corruption. But financially, they do not think that they can help us to succeed in our missions, since they also benefit from the actions we undertake. Maybe other approaches are also necessary. However, one point may be sensitive. For example, if we accept funding for a private body that has unorthodox practices or policies, this can also be very badly perceived by the public. Some might even argue that we are corrupt. As a result, we may find ourselves in a conflict of interest when it comes to reporting. Impacts of REN-LAC’s Actions An Anti-Corruption Award has been created as an incentive for journalists to do investigative reporting, especially in the field of corruption. The awards, which were initially fairly small amounts, have relatively increased. It is clear that there has been an improvement in anti-corruption investigations. Today, practically all the press, except television, is making a point of tracking down corruption. Another activity that we believe has an impact on the population is the annual report on the status of the fight against corruption, especially its section where we classify government agencies in terms of their level of corruption. This classification is of interest not only to the population, but also to the government agencies. We are approached at every issue of the report. Some organizations come to us asking how they could get into this situation and potentially what they should do to get out of this ranking.
An Anti-Corruption Award has been created as an incentive for journalists to do investigative reporting, especially in the field of corruption
For many years now, this has become systematic, we have collaborated in setting up an anti-corruption committee and even in producing warnings about corruption that must be avoided. Another activity that I can mention is the TV movie Stop Corruption, which was broadcast on national television. People are very enthusiastic when we broadcast the movie. Impacts on Younger Populations Through the comic strip and the Kouka contest, we have been able to create an impact on young people, both in and out of school. We get feedback from parents stating that our work has a great influence on young people. Their children challenged them on acts of corruption. Testimonies we collected on these facts are nevertheless interesting. For example, a daughter to question her father for using a service car to take her to school, knowing that this is an illegal act. It happens that students in high schools ask for the creation of anti-corruption clubs and call on parents’ associations until they get refunds of contributions that are deemed unjustified. These are impacts that should not be overlooked. Challenges One of the major challenges we face is the lack of financial resources, which in turn leads to insufficient human resources. With insufficient financial means, we cannot have enough human resources to do the work, and this is somewhat in opposition to what people expect of us. Because they expect a lot from us. People think that we are very powerful when neither financially nor in terms of human resources we have the means to meet their expectations. We are very frequently unable to carry out certain investigations. We need the means to expose corruption through advocacy or lobbying to get the authorities to take action. And we do not have sufficient resources to do this work. It is difficult to monitor all the denunciations and complaints we receive. We are unable to respond properly, not because we are not technically capable but because the financial and human resources are not always adequate.
The lack of good will on the part of political authorities at the state level, not to accompany us, but to lead the fight against corruption
When young people join as permanent workers in an organization that is not able to guarantee them a future, they are often prone to be unstable and even want to leave when proposals are made elsewhere. We are currently faced with the problem of agents coming and going and sometimes leaving us in the lurch. There is a permanent need to start over with other people. That is a difficulty we are facing. The other major difficulty, which is not marginal, is the lack of good will on the part of political authorities at the state level, not to accompany us, but to lead the fight against corruption. Rather, we should be the ones to accompany them in this fight. However, to support someone, they have to be in the front line. Yet despite their electoral commitments, these authorities do not show any effort or firm will to tackle corruption. What we see is that they are tolerating corruption and protecting those involved in corruption or even cultivating impunity as a system of government.
Retired secondary school advisor, Executive Secretary of the National Anti-Corruption Network since April 2019.