Repenser les Cours constitutionnelles et les Hautes Cours de justice
L’Afrique subsaharienne en général, et l’Afrique de l’Ouest en particulier, connait depuis des décennies des problèmes de malnutrition liés à la pauvreté. Malgré les efforts consentis par les États sur le plan économique et les aides publiques au développement reçues, le problème reste entier. Cette réalité douloureuse indique la nécessité de réformes politiques et institutionnelles. Il convient toutefois d’établir une distinction entre les pays anglophones, qui donnent des signes d’un pragmatisme porteur de développement économique, et les pays francophones, où des réformes paraissent urgentes. Elles doivent à notre avis porter sur au moins deux institutions : les Cours constitutionnelles et les Hautes Cours de justice.
Repenser les Cours constitutionnelles pour une meilleure efficacité
Les Cours constitutionnelles des pays de la sphère francophone semblent avoir été mal pensées. Elles ont été conçues dans des contextes particuliers et sont déconnectées des réalités africaines. Leurs décisions ne sont pas susceptibles de recours car elles sont supposées être prises pour l’intérêt du peuple et dans le respect de ses aspirations. À notre avis, l’absence de recours devant la juridiction constitutionnelle pose un vrai problème dans un État de droit. La possibilité de faire recours est garante d’une bonne administration de la justice et la Cour constitutionnelle ne peut être exempte d’une telle procédure.
L’existence d’une option de recours renforcerait la crédibilité de l’institution et des mesures de correction devraient être envisagées pour les cas de haute trahison. Celles-ci sont d’autant plus nécessaires qu’elles permettraient aux personnes chargées de rendre la justice de les appliquer et d’être réellement au-dessus de la mêlée. La guerre civile postélectorale de 2010-2011 en Côte d’Ivoire par exemple a été causée par la partialité et le manque de sagesse des acteurs de la Cour constitutionnelle ivoirienne. Une décision de l’organe constitutionnel a plongé le pays dans une période de conflit et d’incertitude.
Il existe d’autres cas où la Cour constitutionnelle ne semble pas porter la volonté réelle du peuple. Ce positionnement entraîne des situations de conflits latents qui peuvent avoir comme conséquence la déstabilisation de toute une région. Le mode de composition des Cours constitutionnelles doit être réexaminé. Les femmes devraient jouer un rôle plus important et même être portées à la tête de telles institutions pour renforcer leur efficacité. Elles doivent être associées aux réflexions pour assurer une meilleure distribution de la justice.
Rendre les Hautes Cours de justice opérantes
Principale juridiction chargée de connaître des affaires concernant les autorités gouvernementales dans nombre de pays francophones d’Afrique de l’Ouest, la Haute Cour de justice a du mal à jouer réellement son rôle. L’institution semble avoir été conçue de manière à rendre les gouvernants inattaquables, une situation qui ouvre la voie à toutes formes de malversations. Le cas de la Haute Cour de justice du Bénin est une illustration de la manière dont ces institutions protègent les autorités politico-administratives au lieu de jouer leur rôle de protection de l’intérêt général des gouvernés et de rempart contre l’impunité.
Comment expliquer qu’il soit si difficile de juger un ancien Chef d’État ou un ministre accusé de parjure ou de mauvaise gestion ? Les procédures sont si exigeantes et politisées que ces Hautes Cours arrivent rarement à l’étape où les autorités soupçonnées de malversations ont à s’expliquer. Il est nécessaire de redéfinir la composition et le mode de fonctionnement des Hautes Cours de justice pour qu’elles servent l’objectif pour lequel elles sont censées avoir été prévues dans les textes constitutionnels. Il ne s’agit pas obligatoirement de mettre en place des dispositions de sanctions tous azimuts, mais de faire respecter les procédures permettant le jugement des autorités mises en cause.
Le poids de l’opinion sur les affaires de détournement de deniers publics est une forme de coercition sociale. La lutte contre toutes les formes de dilapidation des maigres ressources des pays participe à l’amélioration des conditions de vie des plus pauvres. Réformer les Hautes Cours de justice devrait être une priorités dans les pays où ces institutions ne servent jusque-là à rien, ou presque.