La corruption et le secteur public camerounais
Marco Mbilla
Au même rang que tous les autres maux dont souffrent les sociétés, il y a la corruption. Ce mal dont la perception est subjective peut être défini comme la perversion ou le détournement d’un processus ou d’une interaction avec une ou plusieurs personnes dans le dessein, pour le corrupteur, d’obtenir des avantages ou des prérogatives particulières ou, pour le corrompu, d’obtenir une rétribution en échange de sa complaisance. L’intervention de deux entités distinctes est nécessaire pour qu’il y ait corruption.
L’acte de corruption conduit en général à l’enrichissement personnel du corrompu ou à l’enrichissement de l’organisation corruptrice (groupe mafieux, entreprise, club, etc.). De nombreux facteurs sont à l’origine de la corruption et les trois facteurs les plus cités sont la précarité des conditions de travail, la faiblesse des salaires et le coût élevé de la vie.
55% de personnes ont déclaré avoir payé des pots-de-vin dans leurs interactions avec le système judiciaire. Les services des impôts et taxes suivent avec un pourcentage de 46%.
Selon une récente enquête de Transparency International, le service public est le secteur le plus gangrené par le phénomène au Cameroun. La police camerounaise, selon le baromètre mondial de la corruption 2013, occupe la première place des institutions perçues comme étant les plus corrompues du pays avec un pourcentage de 69%. Elle remplace à ce rang la douane, première du classement lors de la précédente enquête sur les services les plus corrompus au Cameroun.
55% de personnes ont déclaré avoir payé des pots-de-vin dans leurs interactions avec le système judiciaire. Les services des impôts et taxes suivent avec un pourcentage de 46%. Le système éducatif, les services médicaux, les services d’enregistrement et de délivrance de permis et licences (enregistrement civil des naissances et mariages, délivrances de licences et de permis divers, enregistrement des droits de propriété et des transferts de propriété), les services liés à la propriété et enfin les entreprises (téléphonie, électricité, eau, etc.), bouclent la boucle du baromètre mondial de la corruption, édition 2013.
Ces chiffres montrent très clairement l’état actuel de la corruption dans l’administration publique au Cameroun. Pour avoir une place pour son enfant dans un lycée, un parent se voit obligé de payer une somme hors frais de scolarité communément appelée « frais pour la place » qui s’élève généralement à 100 000 FCFA. Sur nos axes routiers, toutes les voitures ou presque sont soumises à des des « contrôles de routine », et même lorsque le dossier du véhicule sont en règle, l’officier de police réclamera quand même 1000 ou 2000 FCFA. Pour la signature d’un document dans un service de la fonction publique, il est demandé de « contribuer au paiement du carburant de l’employé » ou de lui « mouiller la barbe ».
Compte tenu de l’aspect binaire de la corruption, la tentative ou les pistes de résolution devraient prendre en compte les deux dimensions : le corrompu, mais également le corrupteur.
La jeunesse, elle aussi, est affectée par le fléau de la corruption dans le secteur de l’éducation. Les jeunes filles, et parfois mêmes les jeunes garçons, se livrent à des pratiques sexuelles pour l’attribution de meilleures notes, ce que nous appelons communément dans le jargon camerounais « les notes sexuellement transmissibles ». Les valeurs fondamentales de l’éducation sont bafouées.
A chaque mal, il existe bel et bien une solution. Compte tenu de son aspect binaire, la tentative ou les pistes de résolution devraient prendre en compte les deux dimensions : le corrompu, mais également le corrupteur. Afin de réduire et même d’éliminer la corruption, le travail doit se faire de manière verticale. Commencer la lutte par le bas implique la sensibilisation du public, car nous sommes tous impliqués d’une manière ou d’une autre. Il est primordial dans ce cas de mettre l’accent sur l’éducation à la citoyenneté.
Les services de base demandent une attention particulière notamment les services relatifs à la santé et l’éducation. Plutôt que des campagnes de sensibilisation sans explications détaillées et parlantes, les méfaits concrets de la corruption doivent être mis en lumière et relayés par les médias et les pouvoirs publics. Nous insistons sur la nécessité de mettre l’accent sur les services de base, car lorsqu’ils fonctionnent, c’est toute la société qui y gagne.
Marco Mbilla est un jeune entrepreneur social camerounais, fondateur de l’agence de conseil, de coaching et d’études Arch Agence.