Dieynaba Niabaly
Ces dernières années, on nous présente l’entrepreneuriat comme la panacée qui mettra fin au chômage des jeunes. Bien qu’il fasse partie intégrante des réponses envisageables, nous devons également concevoir d’autres solutions, parce que tout le monde ne peut devenir entrepreneur. L’entrepreneuriat est une solution principalement destinée aux jeunes âgés d’au moins 18 ans. Mais qu’est-ce qui est fait avant le niveau universitaire ? Encourageons-nous certaines pratiques chez les plus jeunes pour favoriser à la fois un esprit entrepreneurial et une forte éthique professionnelle ?
Le travail à temps partiel des lycéens peut offrir de nouvelles perspectives à l’emploi des jeunes. Dans de nombreux pays, en particulier les économies développées, il est d’usage pour les lycéens d’étudier et de travailler à temps partiel. Ce travail peut être rémunéré ou bénévole. Pendant ce temps au Sénégal, il est rare voire inouï pour la plupart des jeunes lycéens de travailler ; pas même pendant les vacances. On note bien sûr un exode des adolescents des zones rurales vers la capitale, durant les grandes vacances, pour travailler principalement comme domestiques et marchands ambulants. Ce n’est cependant pas ce que j’aborde ici, vu que ce type de travail est principalement fait de manière informelle.
Si les jeunes avaient l’opportunité de travailler avant d’aller à l’université, ils seraient plus avertis, voire mieux préparés pour la suite de leur formation et leur carrière — au lieu de se sentir parachutés dans le marché de l’emploi après l’université sans aucune expérience à faire valoir.
Au Sénégal, la rareté du travail à temps partiel formel et réglementé pour les adolescents peut être expliquée par des facteurs socio-culturels et systémiques. Il n’est tout simplement pas accepté dans la norme sociale de travailler tout en étant élève. On apprend aux jeunes à dépendre financièrement et entièrement de leurs parents jusqu’à ce qu’ils obtiennent un diplôme d’enseignement supérieur et un emploi dans leur domaine d’études. Il n’est donc pas étonnant que les adolescents pensent qu’ils sont trop jeunes pour travailler.
La plupart des Sénégalais semblent penser que les études et le travail sont incompatibles, en particulier avant l’université. Ils doivent se faire de manière chronologique : étudier d’abord et travailler ensuite. Notre société semble également consolider l’idée que l’on doit nécessairement travailler dans son domaine d’études. Par conséquent, les emplois que les jeunes pourraient avoir à temps partiel tels que caissier, baby-sitter et technicien de surface sont vus d’un mauvais œil. Ils sont considérés comme des emplois que seules les personnes sans instruction doivent occuper. Les jeunes n’exploitent pas leur créativité et n’essayent pas d’acquérir une expérience professionnelle avant l’université car ces normes sociales tacites favorisent justement en eux, un état d’esprit attentiste.
Le travail à temps partiel peut non seulement offrir un certain degré d’autonomie financière aux jeunes (quand il est rémunéré), mais également d’autres avantages inestimables. L’adage populaire « l’apprentissage par l’expérience est meilleur que l’apprentissage par les livres » est toujours aussi pertinent. En effet, il y a de nombreux étudiants brillants et bardés de diplômes qui, une fois mis dans un contexte professionnel, sont désemparés et complètement inefficaces parce qu’ils n’ont pas eu une expérience professionnelle antérieure.
Ce que nous apprenons à l’école n’est pas forcément ce dont on aura besoin ou ce qu’on utilisera en milieu professionnel. En apprenant aux jeunes à se focaliser uniquement sur les études, nous les privons d’opportunités essentielles pour acquérir de nouvelles compétences et de l’expérience. Si les jeunes avaient l’opportunité de travailler avant d’aller à l’université, ils seraient plus avertis, voire mieux préparés pour la suite de leur formation et leur carrière — au lieu de se sentir parachutés dans le marché de l’emploi après l’université sans aucune expérience à faire valoir.
Au-delà de l’aspect pécuniaire, le travail à temps partiel constitue un rite de passage à l’âge adulte à travers la familiarisation avec le monde du travail et l’acquisition de compétences transversales qui seront utiles dans la vie professionnelle comme personnelle. Cette démarche d’apprentissage confère des atouts certains tels que le développement d’un sens accru de la responsabilité, l’indépendance, la prise d’initiative, la gestion du temps et de l’argent sans compter l’expérience dans la préparation de dossiers de candidature et d’entretiens d’embauche, qui fait défaut à tant de jeunes. Elle permet également aux jeunes, d’explorer différentes options de carrière, de devenir plus conscients de leurs centres d’intérêt et par conséquent de faire des choix éclairés sur leur avenir : décider s’ils veulent aller à l’université, ce qu’ils veulent y étudier, ou même se lancer dans l’entrepreneuriat.
Il reviendrait également à l’État la charge de réviser le code du travail pour réguler les heures de travail, les salaires, et les types de travail que les élèves peuvent faire.
Compte tenu de tous ces avantages, comment pouvons-nous créer un environnement plus favorable au travail à temps partiel des jeunes ?
Dans le système éducatif sénégalais actuel, les élèves ont pratiquement cours du matin au soir et du lundi au samedi. Dans ce contexte, il est difficile de les encourager à avoir des activités extra-scolaires productives comme le travail à temps partiel ou le bénévolat. Il serait donc sage que l’État réajuste les heures de cours afin de faire une place à ces activités. Il reviendrait également à l’Etat la charge de réviser le code du travail pour réguler les heures de travail, les salaires, et les types de travail que les élèves peuvent faire.
Au demeurant, cela nécessiterait la coopération des entreprises des secteurs public et privé ainsi que des organisations à but non lucratif et des écoles. Ils pourraient revoir leurs politiques de recrutement et proposer aux élèves des emplois qui ne nécessitent pas d’expérience ou d’expertise. Dans la phase initiale, un partenariat entre les différentes parties prenantes pourrait être envisagé. Il se déclinerait en un système de récompense dans lequel les meilleurs élèves seraient privilégiés dans les recrutements ; ce qui pourrait inciter les autres à exceller. Pour que le travail à temps partiel soit mis en œuvre de manière pérenne, il serait opportun de sensibiliser les populations sur les innombrables avantages de participer à des activités professionnelles en étant élèves, et ce quel que soit le domaine d’étude.
Pour lutter contre le chômage des jeunes, nous devons réfléchir en dehors des sentiers battus et adopter une approche plus holistique qui permet de tester des solutions diverses et créatives. Je crois que le travail à temps partiel peut changer la donne du chômage des jeunes car il peut être un atout dans les choix de carrière, stimuler l’esprit entrepreneurial, renforcer les compétences que les employeurs recherchent, et tout simplement, donner aux jeunes un bon départ dans le monde du travail et dans la vie.
Photo: Sarah Farhat/World Bank
Lien vers l’article en anglais
Diplômée en relations internationales et études de genre du Minnesota State University, Mankato, Dieynaba Niabaly est membre de l’équipe permanente de WATHI. Elle est passionnée par l’éducation des jeunes, le développement rural et les questions de genre.
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Je suis intéressé
Formidable la grande. Je souhaiterai coopérer avec toi dans notre journal univers jeunes