Anne Marie Befoune
La jeunesse est au cœur de tous les débats, en particulier celui sur l’emploi. La majeure partie des pays africains envisagent ou ont adopté des réformes qui favoriseraient la baisse du taux de chômage et du sous-emploi.
Les pouvoirs publics sont montrés du doigt et les gouvernements croulent sous les accusations. Il y a un sentiment d’abandon pour cette jeunesse livrée à elle-même sur le marché de l’emploi. Comment est-il possible que malgré toutes les entreprises nationales et internationales qui s’implantent dans la région, les taux de chômage restent élevés ? Je me suis posée cette question jusqu’à ce que j’aie l’opportunité de participer au processus de recrutement de stagiaires pour une organisation basée à Dakar au Sénégal. Cette expérience m’a ouvert les yeux sur les difficultés auxquelles sont confrontés les jeunes qui présentent leur candidature et les recruteurs qui les reçoivent. Le niveau de chômage peut être imputé à l’État, mais la qualité d’un dossier de candidature ne relève pas, a priori, de sa compétence.
L’organisation recherchait trois stagiaires. Les potentiels candidats disposaient d’une semaine pour soumettre leur dossier. Les trois profils étaient les suivants : un(e) stagiaire pour l’assistance à la gestion administrative, un(e) stagiaire pour l’assistance à l’infographie, un(e) stagiaire pour l’assistance à la recherche. Un code a été attribué à chacun des profils. Les candidats devaient le mentionner dans l’objet du mail portant leur curriculum vitae et leur lettre de motivation.
Le niveau de chômage peut être imputé à l’État, mais la qualité d’un dossier de candidature ne relève pas, a priori, de sa compétence.
Près de 519 mails ont été reçus. L’objet de près de 117 de ces mails ne portait ni le code, ni l’intitulé du poste sélectionné. Parmi ces objets, je peux citer : CV, Mon CV, Offre de service, Offre de compétence, Ma candidature, Candidature, Demande de stage, Candidature spontanée, Candidature au poste de stagiaire.
Certains candidats ne semblaient pas avoir lu l’annonce, car j’ai également pu lire : Candidature pour le poste d’archiviste, Chef d’équipe adjoint, Chercheur, Employé back office. Certains mails ne portaient aucun objet. L’objet de plus de la moitié des 390 mails environ restant ne portait pas les codes, mais plutôt l’intitulé des postes.
Le contenu des mails était très souvent surprenant : “Salut !! Mon CV en PJ”, “Monsieur le RH, je postule ma candidature au poste de stagiaire”, “Bonne réception !!!”, “CV en PJ” , “Cordialement”. Certains mails ne contenaient que des pièces jointes, c’est-à-dire le curriculum vitae et la lettre de motivation, ou uniquement l’un des deux. Des candidatures pour des postes dans des entreprises ou dans d’autres organisations ont été transférées sans aucune modification. Il était possible de voir les adresses e-mail des destinataires.
La majorité des lettres de motivation n’étaient pas conformes aux différents modèles pour ce type de document : les critères de présentation n’étaient pas respectés et les textes portaient de nombreuses fautes d’orthographe et des coquilles. Les services proposés (marketing, rehausse de l’image de l’entreprise, valorisation des produits) n’avaient rien à voir avec l’annonce de l’organisation dont les activités tournent majoritairement autour de l’action et de la participation citoyenne.
L’école est certes un cadre de formation, mais on ne peut tout y apprendre. Les jeunes doivent être sensibilisés à une meilleure utilisation d’internet.
Sur plus de 500 candidatures, moins du cinquième respectaient les consignes spécifiées dans l’annonce et les règles en matière de présentation. Tous les postulants étaient pourtant des personnes diplômées, avec parfois une expérience professionnelle qui s’étend sur plusieurs années.
Les établissements publics, tout comme les établissements privés, ne proposent aucune initiation à la présentation de dossier de candidature, aucun accompagnement aux nouveaux diplômés en termes de préparation à l’entrée dans le monde du travail. La mission des conseillers d’orientation ne doit pas se limiter à la série que devrait choisir l’élève au secondaire ou à la filière qui lui conviendrait son diplôme d’études obtenu. Leur formation doit aller au-delà de l’accompagnement des élèves et inclure celui des étudiants.
D’un autre côté, les enseignants ne sont pas toujours à blâmer. L’école est certes un cadre de formation, mais on ne peut tout y apprendre. Pour un dossier de candidature sérieux, il est préférable pour le candidat de lire attentivement l’annonce, de ne pas se tromper d’intitulé de poste et de proposer des services dont l’entreprise ou l’organisation a besoin. Les jeunes doivent également être sensibilisés à une meilleure utilisation d’internet. Nous nous limitons trop souvent à son aspect ludique, pourtant c’est l’un des premiers moyens d’apprentissage dans les pays plus développés. La grande majorité de ces candidats aux dossiers rejetés ont des comptes Facebook, Whatsapp, Instagram, Viber, Twitter, Imo, Tango, Skype, Snapchat auxquels ils ont accès grâce à leurs téléphones, c’est-à-dire en permanence.
Ils serait avantageux pour eux d’utiliser cette connexion à des fins parfois plus utiles. Dans le cadre d’un dossier de candidature, il est possible de faire des recherches sur la présentation et le contenu d’un curriculum vitae et d’une lettre de motivation ainsi que du contenu du mail qui accompagnera le dossier. Il est également possible de trouver sur internet des astuces pour une candidature qui sortirait de l’ordinaire et aviverait l’intérêt des recruteurs. Les jeunes devraient pouvoir chercher et trouver par eux-mêmes des moyens de valoriser leurs compétences.
Photo: Nkul Beti Camer
Camerounaise, Anne Marie Befoune est traductrice, diplômée de l’Advanced School of Translators and Interpreters de l’Université de Buea au Cameroun. Passionnée des questions de gouvernance et de participation citoyenne, elle est membre de l’équipe permanente de WATHI.
2 Commentaires. En écrire un nouveau
Bonjour je suis un étudiant qui cherche du travail car j’ai des problèmes pour continuer mes études .
Merci Cordialement.
Le meilleur moyen de mettre en valeur ses compétences passe plus par l’autodidacte. Malheureusement, nous nous donnons plus qu’à l’enseignement de longues études proposées par des écoles privées, qu’à ce point distinctif cette quintessence qu’est : l’autodidacte.
Mais notre vrai souci ne démarre-t-il pas à la base avec le problème d’orientation qui se pose au BEFM ou BEPC et après le baccalauréat ou l’entrée à l’université ?