Quel type d’emploi souhaite-t-on pour les jeunes et pour quel modèle de société ?
Sam Messavussu
Que ce soit en Afrique, en Europe, la jeunesse rencontre des problèmes au niveau de l’emploi. Face au capitalisme, à la mondialisation, la jeunesse affronte un monde où les règles sont définies par leurs aînés. A travers le système scolaire, il nous est promis un emploi de bureau dans une grande entreprise ou un emploi de fonctionnaire. On nous dirige également vers des métiers non manuels car ceux-ci sont laissés à ceux qui montrent le moins de talents.
Avec les avancées technologiques et la robotisation, avec les évolutions de l’économie mondiale, avec les nouvelles interrogations liées à l’écologie et à la santé, on peut naturellement se demander si le modèle de société que l’on nous promet est celui que la jeunesse doit adopter. A-t-on vraiment la possibilité de choisir son mode de vie et ce, peu importe, la société dans laquelle on vit ?
Travailler afin de gagner de l’argent (voire beaucoup d’argent), avoir une grande maison ou se loger en centre ville, arpenter les supermarchés pour s’alimenter, conduire une grosse voiture. Voilà ce que l’on nous vante comme étant la réussite dans la société (en Afrique ou en Europe) mais est-ce que cela nous garantit réellement un confort de vie ?
Un jeune de banlieue en France qui n’a pas d’emploi, qui n’a pas fait d’études poussées et qui est trop jeune pour profiter des aides sociales ne se sentira pas plus riche qu’un jeune sans emploi à Lomé, Dakar ou dans une autre ville d’Afrique.
Les revenus que l’on gagne sont à mettre en opposition au coût de la vie, on parle alors de pouvoir d’achat. Le fait de vivre dans un pays dit riche ou développé, ne garantit pas que l’on vive correctement. Un jeune de banlieue en France qui n’a pas d’emploi, qui n’a pas fait d’études poussées et qui est trop jeune pour profiter des aides sociales ne se sentira pas plus riche qu’un jeune sans emploi à Lomé, Dakar ou dans une autre ville d’Afrique. De la même façon, un jeune bénéficiant d’aides sociales (comme le Revenu de solidarité active ou l’Aide personnalisée au logement) en France mais ayant un loyer d’un montant équivalent rencontrera des difficultés à boucler ses fins de mois.
Le ressenti de la jeunesse peut être partagé dans le monde entier face à un taux de chômage qui augmente et un sentiment général d’abandon par la société. C’est ainsi que l’on mesure désormais le bonheur qui tient compte de données plus large (espérance de vie, corruption, liberté etc.).
Comme autre réflexion, on peut évoquer la qualité de travail que l’on souhaite lorsque l’on accède à l’emploi. Le modèle de vie qui nous est vanté nous incite à travailler sans cesse pour gagner de l’argent mais on peut légitiment se demander si cela nous permet de « profiter » de la vie. Entre passer tout son temps à travailler pour gagner beaucoup d’argent et travailler un minimum mais pouvoir profiter de la vie, avoir des loisirs, quel mode de vie peut choisir notre jeunesse si elle a le choix ?
L’exode rural comme illustration des problèmes économiques
Sur des nombreux continents, on assiste à une désertification des campagnes. Les populations préfèrent gagner la ville synonyme de réussite sociale et d’assurance d’un meilleur niveau de vie. Les campagnes se sont appauvries face à la mondialisation qui a poussé à effectuer des cultures pour l’agriculture intensive (qui a de surcroît appauvri les ressources naturelles) et les promesses de richesse des cours mondiaux.
L’offre d’emplois s’est alors concentrée sur les villes. Cette désertification a augmenté la main d’œuvre disponible dans les villes. Cette main d’œuvre survit de petits boulots (taxi et moto-taxi zémidjans à Lomé au Togo ou à Cotonou au Bénin) et essaye d’envoyer de l’argent à la famille restée à la campagne. Cette offre d’emploi est cependant limitée. L’offre de services des grandes sociétés ou de l’Etat n’est pas illimitée et il est difficile de créer de nouvelles activités.
L’offre de services des grandes sociétés ou de l’Etat n’est pas illimitée et il est difficile de créer de nouvelles activités.
Les nouveaux métiers créés sont les mêmes dans le monde entier et concernent essentiellement les nouvelles technologies ou profitent de la mouvance DIY (Do it yourself) mais ces métiers ne sont pas accessibles à tous. Les entreprises et les politiques n’ont pas toujours les capacités de créer les emplois attendus par la population. On constate un décalage entre les qualifications obtenues par la jeunesse et celles exigées par le monde du travail.
Il faudrait donc trouver des alternatives afin d’obtenir l’éducation nécessaire pour mieux appréhender les opportunités d’emplois ou avoir la réactivité requise (partage des connaissances, l’utilisation des cours en ligne Massive Open Online Course ou MOOC, etc.) ou adopter des modes de vies qui feraient de l’emploi un élément moins vital au quotidien.
Le retour à une agriculture vivrière comme choix de vie
L’exode rural était guidé par des conditions défavorables en campagne qui ne permettaient pas s’assurer le minimum vital en raison d’une monoculture de production. La création d’emplois peut passer par la revalorisation dans un premier temps de cette agriculture qui permet de garantir un minimum de confort de vie, c’est à dire permettre aux gens de s’alimenter.
Le fait d’abandonner ces cultures intensives au profit d’une culture vivrière est dans un premier temps un changement de modèle économique. Cela demande une diversification des cultures de façon à garantir les aliments nécessaires (céréales, légumes, viandes, volailles, poissons etc.) aux populations. Cela peut être initié par des individualités (chacun possède son petit jardin ou son poulailler par exemple) ou organisé sous la forme de coopératives. L’excédent de production peut être revendu pour couvrir les besoins qui ne pourraient pas être apportés par les différentes cultures.
Ce changement de modèle économique oblige à minimiser l’importance de l’argent et à favoriser des modes moins consommateurs en ressources.
Pour cela, nous avons l’exemple du centre Songhaï au Bénin où des nombreuses associations créent des fermes d’élevage de poissons de type tilapia. Des structures se mettent en place et les jeunes se forment à ces nouveaux modèles.
Ce changement de modèle économique oblige à minimiser l’importance de l’argent et à favoriser des modes moins consommateurs en ressources (l’agriculture locale limite les besoins en carburants par exemple). Le but n’est pas commercial mais il s’agit de privilégier l’autosubsistance. Ce modèle ne dépend pas de grandes sociétés ou de l’Etat. C’est aux individus de se prendre en main pour créer leur emploi. S’il fallait fédérer ce genre de pratiques, cela passerait par des coopératives ou par des mécanismes de location de lopins de terre par exemple ou de la location de matériel.
Cela va devoir aussi passer par un changement de mentalité par rapport au travail du sol ou manuel qui peut être considéré comme dévalorisant et aussi par le développement d’initiatives qui pousseront la jeunesse à moins dépendre de l’Etat.
Photo: https://www.irinnews.org/
Sam Messavussu est informaticien spécialisé dans le web, la gestion de projet ou le monde du libre. D’origine togolaise et vivant en France, il apporte sa double culture à ses différentes passions telles que les technologies de l’informatique, l’écologie ou le développement durable.