Mali : « notes sexuellement transmissibles » et corruption à la fac
Sabine Cessou, http://rue89.nouvelobs.com, 2013.
http://rue89.nouvelobs.com/2013/08/25/mali-a-fac-corruption-notes-sexuellement-transmissibles-245183
Sabine Cessou, http://rue89.nouvelobs.com, 2013.
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Des jeunes sont assis sur des motos, entre des chaises empilées et des petits tas d’ordures, aux portes de L’Institut universitaire de gestion du Mali (IUG). Cet immeuble blanc est trop petit pour accueillir ses 2 000 étudiants, qui doivent circuler entre plusieurs facultés leur proposant des salles, ailleurs sur le site des universités de Bamako.
Ce vaste campus, situé sur une colline qui surplombe la ville, compte près de 100 000 étudiants inscrits, surtout en lettres, droit et sciences économiques, pour 760 enseignants.
« Ici, on n’accède à rien sans du piston »
Alors que le chômage frappe 16% des 15-39 ans au Mali et que 60% de la population a moins de 25 ans, l’éducation est l’un des gros dossiers qui attend le nouveau président, Ibrahim Boubacar Keïta.
« Ici, on n’accède à rien sans du piston. » raconte Awa, 19 ans.
Même pour recevoir les bourses, il faut jouer des coudes. Sur le papier, les meilleurs élèves ont droit à 533 euros par an, s’ils répondent à tous les critères d’excellence.
Les bourses sont gérées au niveau du secrétariat général de la présidence et font l’objet d’une véritable mafia : des étudiants fictifs empochent la somme, pendant que des étudiants réels ont du mal à joindre les deux bouts.
La « foire aux diplômes »
Les années sont régulièrement perturbées par les grèves des enseignants qui revendiquent de meilleurs salaires. Ils ne gagnent que 370 euros en moyenne, contre 1 300 euros au Sénégal voisin, où les salaires ont été revalorisés.
« L’école est le reflet de la société. L’argent est devenu roi et un système de corruption permet aux fils à papa d’acheter les notes. »
Parties de jambes en l’air contre diplôme
Gakou Bandiougou, ancien ambassadeur, spécialiste de l’islam et ex-administrateur de la faculté de droit entre 2009 et 2010, explique : « Après les examens, il y a les réclamations, Là, c’est la foire aux diplômes. Une maîtrise de droit s’achète pour 400 000 francs CFA (609 euros). Les enseignants reçoivent les étudiants un par un et c’est l’occasion d’améliorer les notes par tous les moyens. »
Il ne dément pas l’existence de ce que tout le monde appelle ici les « notes sexuellement transmissibles » (NST). Appellation aigre-douce, pour les parties de jambes en l’air qui servent de monnaie d’échange entre certains professeurs et leurs étudiantes. Gakou Bandiougou n’est resté qu’un an en poste, et avoue avoir été soumis à bien des pressions.
Etudiants fictifs et faux diplômes
Dès sa prise de fonction, il découvre l’existence de 250 faux diplômes, qu’il fait annuler. Pendant sa mission, il apprend aussi qu’un groupe d’étudiants a négocié un arrangement avec un professeur : « Chacun des étudiants lui a donné 152 euros et le groupe a désigné un représentant, qui a mis les notes qu’il voulait sur les copies dans la salle des corrections, à la place du prof. J’ai convoqué l’enseignant dans mon bureau et je l’ai chassé de la maison. »
Sur les 16 000 étudiants inscrits en droit, Gakou Bandiougou estime qu’entre 3 000 à 4 000 sont fictifs, inscrits juste pour empocher le petit pactole que représente la bourse : « Au lieu de rayer plusieurs centaines d’étudiants et faire des remous jusqu’à la présidence, le secrétaire général de l’université préférait reconnaître les faux diplômes. »
Réformer, mais par où commencer ?
La nécessité d’une réforme paraît évidente, mais par où commencer ? Faute de meilleure idée, le gouvernement d’Amadou Toumani Touré a défait en 2011 la réforme du gouvernement d’Alpha Oumar Konaré, faite en 1996. Tous les campus avaient été réunis sous une seule organisation, « les universités de Bamako ».
Les voilà de nouveau séparés en quatre entités :
Mais le gros du travail reste à faire, et la corruption à l’université n’est qu’une des facettes de ce mal généralisé qui a en partie conduit à la dislocation de l’armée et place le Mali à la sixième place, en partant du bas, dans l’index des Nations unies sur le développement humain.
Young people are seated on motorcycles, between stacked chairs and small piles of garbage, near the Institut universitaire de gestion du Mali (IUG). This white building is too small to accommodate its 2,000 students, who must go to various faculties providing them with rooms in the other universities of Bamako.
This vast campus, located on a hill overlooking the city, has nearly 100,000 enrolled students mostly in the humanities, law and economics, with 760 teachers.
“Here, we cannot access anything without string-pulling”
As unemployment hits 16% of 15-39 year-olds in Mali and 60% of the population under 25, education is one of the big issues facing the new president, Ibrahim Boubacar Keïta.
“Here, we cannot access anything without string-pulling”, says Awa, 19. Even to receive a scholarship, you have to jostle. On paper, the best students are entitled to 533 euros a year, if they meet all the criteria of excellence.
The scholarships are managed at the General Secretariat of the Presidency and are subjected to a real mafia: fictitious students pocket the money, while the real students have trouble making ends meet.
The “diploma fair”
The school years are regularly disrupted by teacher who go on strike to claim higher wages. They earn only 370 euros on average, compared to 1300 euros in neighboring Senegal, where wages were increased. “School is a reflection of society. Money has become the ruler and a corrupt system enables daddy’s boys to buy the grades.”
Sex for grades
Gakou Bandiougou, former ambassador, expert on Islam and former director of the Faculty of Law from 2009 to 2010, explains: “After the exams, there are complaints. There, it is the diploma fair. A Master of Law is bought for 400,000 CFA francs (609 euros). Teachers receive the students one by one and this is an opportunity to improve grades by all means”.
He does not deny the existence of what everyone here calls the “sexually transmitted grades” (STM). A bittersweet name for the “sex for grades” practice between some professors and their students. Gakou Bandiougou only stayed a year in office, and says he was subjected to many pressures.
Fictitious students and fake diplomas
Upon taking office, he discovered the existence of 250 fake diplomas, which he overturned. During his mission, he also learned that a group of students negotiated an agreement with a teacher: “Each student gave him 152 euros and the group appointed a representative, who put the notes they wanted on the papers in the grading room, in place of the professor. I called the professor in my office and I fired him”.
Of the 16,000 students enrolled in law, Gakou Bandiougou estimated that between 3 000 and 4 000 are fictitious, registered only to pocket the small jackpot the scholarship represents: “Instead of scratching several hundred students and stirring up the Presidency, the Secretary General of the university preferred to accept the fake degrees”.
To reform, but where to start?
The need for a reform seems obvious, but where to start? In the absence of a better idea, the government of Amadou Toumani Touré undid in 2011, the reform of Alpha Oumar Konare’s government made in 1996. All campuses were united under a single organization, “the universities of Bamako”. They are once again separated into four entities:
But most of the work remains to be done, and corruption in the university is only one facet of this widespread evil that partly led to the dislocation of the army and places Mali in sixth place, from the bottom, in the United Nations index of human development.
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