Adama Guene
L’Afrique de l’Ouest est devenue une zone d’instabilité gangrenée par le terrorisme avec la présence de groupes djihadistes comme Boko-haram, qui perpètrent des attentats et qui s’adonnent aux prises d’otages (récemment au Burkina Faso). Cette situation d’instabilité constitue un terreau fertile pour les nébuleuses qui opèrent dans la région. Leur principale cible dans le recrutement est la jeunesse. Confrontés aux problèmes du chômage, d’éducation et l’absence de perspective, les jeunes sont une « proie » facile pour l’enrôlement dans les groupes intégristes.
Une menace terroriste persistante dans le Sahel
Le défi sécuritaire est devenu un enjeu mondial au XXIe siècle. Sa gestion n’est pas en reste. L’endiguement du fait terroriste pousse certaines organisations supranationales comme l’Union européenne à envisager « l’Europe de la défense ».
En Afrique de l’Ouest, le Sahel est exposé à la violence religieuse dans des pays comme le Mali et le Nigéria. Ce qui justifie la présence de forces militaires pour combattre le terrorisme dans la zone. Les présences au Mali de la MINUSMA (Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali) et des forces de l’Opération Barkhane, sous la houlette de la France, visent à enrayer les mouvements terroristes qui y opèrent. Quant à la Force multinationale mixte (FMM), qui regroupe le Bénin, le Cameroun, le Niger, le Nigeria et le Tchad, elle été mise sur pied en 2015. Son centre de commandement se trouve à Ndjamena.
La FMM a pour but de lutter contre « Boko Haram » de manière coordonnée entre les pays qui la compose. La création du G5 Sahel vient renforcer le resserrement de l’étau contre les organisations terroristes. Son programme nommé « Tiwara » vise à financer les populations locales pour leur permettre de subvenir à leurs besoins primaires, afin qu’elles ne soient pas une cible facile pour le recrutement des groupes djihadistes.
Selon les dernières projections des Nations Unies, le continent africain comptera près de 2,4 milliards d’habitants en 2050, et plus de la moitié aura moins de 25 ans
En dépit de la présence de ces forces multinationales, la menace ne faiblit pas. Pour preuve, le 29 juin 2018, le quartier général du G5 Sahel sis à Sévaré, au Centre du Mali, a subi de plein fouet une attaque terroriste « perpétrée par un djihadiste affilié à Al-Qaida ». Attaque qui a rayé de la carte le quartier général de cette force qui regroupe : la Mauritanie, le Niger, le Burkina Faso, le Tchad et le Mali.
De plus, l’implantation des groupes terroristes dans le Sahel remet en cause la stabilité des Etat qui perdent le contrôle d’une partie de leur territoire national ainsi que le monopole de la contrainte légitime, obligeant les populations à recourir à leurs communautés et ethnies pour se défendre, comme l’attestent les violences intercommunautaires entre Peulhs et Dogons au Mali.
Les jeunes une cible pour les groupes djihadistes
“Fait alarmant, les jeunes et les femmes dans le Sahel, qui représentent la majorité de la population, sont visés par les campagnes de recrutement des mouvements radicaux. Près de 41 millions de jeunes des moins de 25 ans du Burkina Faso, du Tchad, du Mali, de Mauritanie et du Niger risquent de se radicaliser ou de devenir migrants”, a indiqué Mme Hiroute Guebre Sellassie, représentant du Secrétaire général sur la Stratégie intégrée des Nations Unies pour le Sahel dans le rapport au Conseil de sécurité de l’ONU en 2015.
A la lecture de ces informations et face aux menaces de l’extrémisme dans cette partie de l’Afrique, où les frontières poreuses et la mobilité des terroristes peuvent constituer un effet de contagion et toucher les pays jusque-là épargnés par le phénomène djihadiste; il est urgent de trouver des solutions pour endiguer ce fléau.
Pour les jeunes vivant dans la pauvreté qui représentent 500 millions de la population mondiale, c’est en général leur marginalisation économique et sociale qui les pousse à l’extrémisme violent. En effet, les groupes extrémistes mettent à profit la frustration des jeunes qui n’arrivent pas à concrétiser leurs ambitions légitimes.
Si les politiques actuelles en matière d’emplois restent inchangées, moins du quart des 450 millions de nouveaux emplois nécessaires au cours des 20 prochaines années seront créés
Selon les dernières projections des Nations Unies, le continent africain comptera près de 2,4 milliards d’habitants en 2050, et plus de la moitié aura moins de 25 ans. Dès lors, les pouvoirs publics dans l’espace CEDEAO devraient prendre en compte cette réalité pour lutter en amont contre le fait djihadiste et son corollaire : le crime organisé et transnational.
Dans cette partie de l’Afrique comme dans les autres régions du continent, les jeunes vivent à quelques exceptions près les mêmes calvaires : chômage endémique, pressions sociales, manque d’opportunités économiques et de perspectives d’avenir. D’après une étude de la Banque mondiale ; la jeunesse compte pour 60% de l’ensemble des chômeurs en Afrique subsaharienne. Avec chaque année ; près de 12 millions de jeunes arrivant sur le marché du travail, la tendance n’est pas près de s’inverser.
Mettre en place des politiques nationales et communautaires pragmatiques, pour améliorer les conditions socio-économiques des jeunes
Les gouvernements doivent investir dans l’éducation des jeunes par le biais de politiques cohérentes qui permettent une adéquation entre les formations reçues et les besoins du marché du travail afin de stimuler la compétitivité. D’après le rapport 2017 sur la compétitivité en Afrique de la Banque Africaine de Développement (BAD) : « Si les politiques actuelles en matière d’emplois restent inchangées, moins du quart des 450 millions de nouveaux emplois nécessaires au cours des 20 prochaines années seront créés ».
Les organisations communautaires telles que la CEDEAO et l’UEMOA devraient prendre en charge la problématique des jeunes et apporter des solutions en menant des politiques communes de jeunesse
Avec le manque d’emplois chronique, les jeunes se tournent de plus en plus vers l’entreprenariat afin de prendre en main leur avenir et aspirer à une vie meilleure. Mais en dépit de nombreux efforts, ils rencontrent des obstacles tels que le manque de financement et d’appuis institutionnels. L’inadaptation des politiques publiques, destinées à promouvoir l’entreprenariat, constitue également un frein pour les jeunes entrepreneurs. Malgré la floraison de structures dédiées à l’emploi et à l’entreprenariat des jeunes dans l’espace UEMOA comme l’APEJ (Agence Pour l’Emploi des Jeunes) au Mali, l’ANPEJ (Agence Nationale pour la Promotion de l’Emploi des Jeunes), l’ANPE (Agence Nationale pour l’Emploi), les résultats tardent à venir ou sont insuffisants.
Les organisations communautaires telles que la CEDEAO et l’UEMOA devraient prendre en charge la problématique des jeunes et apporter des solutions en menant des politiques communes de jeunesse. Cible privilégiée des groupes djihadistes, qui surfent sur la pauvreté, le manque de perspective d’avenir, le manque d’éducation, les jeunes sont une couche vulnérable. Les Etats doivent développer d’une manière bien pensée, des stratégies claires en faveur de l’éducation et de l’emploi des jeunes, gage de stabilité. Ils doivent aussi permettre aux jeunes de prendre part aux processus décisionnels en matière de politiques de paix et de sécurité afin de prendre en compte les points de vue de cette couche, la plus importante de la population africaine qui, paradoxalement, est la moins écoutée.
« Dis-moi quelle jeunesse tu as, je te dirai quel pays tu auras ».
Crédit photo : Malizine
Adama Guene est diplômé en Sciences politiques et relations internationales. Il est affilié au centre de leadership Social Change Factory basé à Dakar.