Roseline Ella Oloufadé et Michaël C.E.N. Matongbada
Depuis 2017, le Bénin a entrepris des réformes dans divers secteurs vitaux pour le développement du pays. Le système sanitaire n’a pas été exclu aux regards des attentes des praticiens et de la population. La plus récente fut l’obligation faite aux médecins du Bénin de faire un choix entre le privé et le public, dans le cadre de l’exercice de leur métier. Cette annonce de l’autorité de la santé a non seulement suscité de nombreuses inquiétudes au sein de la population, mais a également fait l’objet de contestations de la part des concernés.
En 2007, le Bénin a organisé les états généraux du secteur de la santé à l’issue desquels, une nouvelle vision a été adoptée à l’horizon 2025 : « [disposer] d’un système de santé performant basé sur des initiatives publiques et privées, individuelles ou collectives, pour l’offre et la disponibilité permanentes de soins de qualité, soins équitables et accessibles aux populations de toutes catégories, fondées sur les valeurs de solidarité et de partage de risques pour répondre à l’ensemble des besoins de santé du peuple béninois ». La mise en œuvre des recommandations de ces assises s’est traduite par l’adoption d’un plan décennal national de développement dénommé Plan national de développement sanitaire pour la période de 2009-2018 (PNDS 2009 – 2018).
En 2015, dans le cadre de la coopération entre l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et le Bénin pour la période 2016 – 2019, l’état des lieux du système sanitaire béninois révélait, certes, des avancées dans la prise en compte des priorités dudit secteur mais également l’existence de certaines difficultés majeures. Au nombre de celles-ci, figurent la faible réduction de la mortalité , la persistance des maladies infectieuses, la très forte augmentation des maladies non transmissibles , la menace persistante de flambées épidémiques et d’autres urgences ou catastrophes et les faibles performances du système de santé.
Les mauvaises conditions de travail des professionnels de la santé, l’absence d’une assurance maladie universelle pour les praticiens, le déficit de matériels importants dans certains hôpitaux, le faible plateau technique, le manque de personnel et la répartition disproportionnée des médecins sur l’étendue du territoire constituent des aspects à régler au prime abord
Malgré les différentes réponses envisagées et mises en œuvre par les acteurs jusqu’en 2016, le système sanitaire demeure confronté à des défis majeurs; ce qui rend parfois difficile l’accès aux soins de qualité pour tous. À sa prise de pouvoir, le président de la République Patrice Talon et son gouvernement ont montré une volonté manifeste d’opérer des réformes dans ce secteur essentiel pour la vie des populations.
Une commission a été mise en place pour formuler des propositions de réformes sur le système de santé sur la base d’un nouvel état des lieux. Selon ce nouveau diagnostic, les défis auxquels sont confrontés le secteur sont , entre autres, la mauvaise gouvernance, la corruption, l’impunité, la répartition déséquilibrée et la mauvaise gestion des ressources humaines, matérielles et financières, la faible utilisation des ressources humaines qualifiées au niveau national, l’absence de reconnaissance du mérite des prestataires de soins, la politisation à outrance du secteur et l’inadéquation du plateau technique.
De 2016 à 2018, des actions ont été menées par l’État béninois dans le cadre de la restructuration du système de santé. Elles concernent notamment l’accès des populations aux soins de qualité, les évacuations sanitaires, la suppression des avantages offerts à certaines personnalités politiques pour se faire soigner à l’extérieur, l’amélioration du plateau technique, la construction de nouveaux hôpitaux, le retrait du droit de grève au personnel de la santé et la réalisation du projet d’Assurance pour le renforcement du capital humain (ARCH). La phase expérimentale du volet « assurance-maladie » démarre en 2019 et couvrira 350.000 personnes, et l’obligation faite aux médecins de faire un choix entre le secteur privé et celui public.
Du point de vue de certains prestataires de soins, la réforme du secteur sanitaire du Bénin nécessite la prise en compte de certaines priorités fondamentales. Les mauvaises conditions de travail des professionnels de la santé, l’absence d’une assurance maladie universelle pour les praticiens, le déficit de matériels importants dans certains hôpitaux, le faible plateau technique, le manque de personnel et la répartition disproportionnée des médecins sur l’étendue du territoire constituent des aspects à régler de prime abord.
Malgré les différentes réponses envisagées et les mises en œuvre par les acteurs jusqu’en 2016, le système sanitaire demeure confronté à des défis majeurs
Par ailleurs, la gouvernance du secteur contribue à sa performance. Dans ce sens, l’administration sanitaire doit être gérée avec rigueur, discipline, professionnalisme, équité et redevabilité tout en veillant à mettre les ressources humaines compétentes et qualifiées aux postes afférents. Pour preuve, des professionnels de la santé dénoncent les affectations qui se font en dehors du respect des règles légales.
Enfin, la refonte d’un système passe par l’implication des parties prenantes, de la phase de diagnostic à celle de la mise en œuvre. Un tel processus permet d’identifier les mesures d’accompagnement idoines et leur modalité d’application. De l’avis de certains praticiens, c’est ce mécanisme de concertation qui fait défaut dans des décisions de l’autorité, certes salutaires, mais dont les conséquences tendent à saper les efforts et à désorganiser le système.
Durant les dernières années, le système sanitaire du Bénin a connu des avancées dans sa restructuration et dans les actes posés par les gouvernants. Chaque régime place ce secteur comme priorité, ce qui se justifie par des diagnostics récurrents et des plans de développement propres à chaque nouveau gouvernement.
Les récentes réformes méritent des mesures d’accompagnement et des préalables pour connaître un aboutissement tel que souhaité. Elles nécessitent un suivi continu et une évaluation, quand il y a lieu, pour s’assurer qu’elles permettront une meilleure organisation des hôpitaux et centres de santé. Ces structures ont besoin d’assurer pleinement leur mission afin de susciter la confiance des populations.
Source photo : afd.fr
Roseline Ella Oloufadé est doctorante en pharmacie de l’université Euromed de Dakar, Sénégal. Elle effectue des travaux de recherche sur l’évaluation du caryotypage sanguin au cours de la leucémie myéloïde chronique (LMC) au Bénin et au Sénégal. Michaël C.E.N. Matongbada est chercheur junior. Il est spécialiste en suivi-évaluation de l’École supérieure de management des projets (ESMP) de Dakar et ingénieur des travaux statistiques de l’Université d’Abomey-Calavi (UAC) du Bénin.
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Travail de recherche remarquable. Félicitations
Congratulations for thies article🙏🏽