Auteur (s): International Peace Institute (IPI), Stimson Center, Security Council Report
Type de publication: Rapport
Date de publication: Mai 2018
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Obstacles à la mise en œuvre de l’accord de paix
Selon les participants à l’atelier, la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, issu de négociations tenues à Alger, est en perte de vitesse et doit désormais faire face à plusieurs défis.
Un défi majeur qui a été perçu comme constituant un obstacle à la mise en œuvre de l’accord de paix est le fait que les signataires ont des attentes et des priorités différentes. Par exemple, le Gouvernement malien a, avec l’appui de la MINUSMA, accordé la priorité à la mise en œuvre des dispositions relatives à la sécurité, qui visent à rétablir son contrôle sur des territoires situés dans le nord. D’autres signataires, toutefois, souhaitent que l’on se concentre sur l’application de mesures propres à renforcer les dispositions relatives à la gouvernance, telles que la décentralisation, la redistribution des ressources naturelles, et le renforcement du caractère inclusif des organismes chargés d’assurer la sécurité. En raison des divergences observées au niveau des priorités et des attentes, les dividendes ont été lents à se matérialiser, ce qui, à son tour, a aggravé le déficit de confiance des signataires à l’égard de l’accord, car ils doutent de plus en plus qu’il protégera leurs intérêts.
Les participants ont également mis en lumière le fait que l’exclusion des vues d’importantes parties prenantes fait obstacle à l’accord de paix. Les dissensions qui existent entre les dirigeants des groupes signataires et les combattants locaux du nord risquent de compromettre le processus de paix si les chefs des groupes armés s’avèrent incapables d’inciter leurs partisans à respecter les conditions de l’accord. En outre, les populations qui ont été exclues des négociations d’Alger cherchent des moyens d’augmenter leur influence politique pour s’assurer que leurs besoins soient également satisfaits. Entre-temps, les extrémistes régionaux tirent parti des frustrations ressenties par les communautés exclues pour promouvoir leurs propres intérêts.
Détérioration de la situation en matière de sécurité
Les participants ont appelé l’attention sur le fait que la recrudescence de la violence dans les régions du nord et du centre est due à des dynamiques différentes, encore qu’indépendantes. Dans le nord, l’instabilité a augmenté en partie en raison d’un manque de confiance dans l’accord de paix et de la fragmentation des groupes armés. Dans le centre, elle est souvent due à des tensions intercommunautaires et à des différends ayant pour enjeu des terres et des ressources locales. La MINUSMA a tenté de s’attaquer aux causes de ces violences en soutenant les processus de médiation locaux, mais les efforts ainsi déployés n’aboutissent souvent qu’à la mise en place de mécanismes de fortune au niveau local, dont il serait impossible d’assurer la longévité en l’absence de réformes institutionnelles de plus grande ampleur.
Perception de l’illégitimité de l’État
L’État malien est toujours faible ou absent dans une grande partie du centre et du nord du pays, tandis que dans d’autres régions, il perd de plus en plus de terrain. Cela a créé un vide de gouvernance, ce qui a incité les communautés à se ranger du côté des groupes armés pour avoir accès à la sécurité et à la justice, ce qui lui est refusé dans la situation actuelle. Dans les cas où les pouvoirs publics sont physiquement présents, la perception de son inutilité pour la population n’a fait qu’éroder davantage la légitimité de l’État et a incité les communautés à s’adresser à des groupes armés dans l’espoir qu’ils assureraient la gouvernance et les services dont elles ont besoin. La légitimité de l’État malien est également compromise par le comportement prédateur dont il fait preuve à l’égard de sa population, ainsi que plusieurs participants l’ont fait observer. Dans les tentatives qu’elles entreprennent pour contrer des menaces terroristes croissantes, les forces maliennes de sécurité auraient été impliquées dans des exécutions extrajudiciaires et des arrestations et détentions arbitraires.
Hiérarchisation des priorités et ordonnancement du mandat et des activités de la MINUSMA
Compte tenu du contexte actuel et des avantages comparatifs présentés par la MINUSMA par rapport aux autres acteurs internationaux sur le terrain, une stratégie politique à envisager pour la mission pourrait consister à se concentrer sur la création d’un environnement politique et sécuritaire qui soit propice à 1) l’obtention des dividendes de la paix pour la population du Mali et 2) la réforme des institutions de l’État de manière à leur donner un caractère plus inclusif et légitime. Pour atteindre cet objectif, le Conseil de sécurité devrait renforcer et élargir le rôle de la MINUSMA dans le processus politique.
Les participants ont également examiné la possibilité de renforcer la formulation de la résolution du Conseil de sécurité relative à la constitution des forces destinées à la mission afin de remédier aux lacunes persistantes constatées au niveau des capacités critiques, et ont débattu des moyens de définir plus clairement les rôles et responsabilités des divers partenaires de sécurité internationaux au Mali et dans les pays avoisinants, lesdits partenaires étant notamment la Mission de formation de l’Union européenne (EUTM), l’opération Barkhane et le Groupe de cinq pays du Sahel (G5 Sahel).
Les participants ont estimé qu’outre les modifications proposées à l’énoncé du mandat, la hiérarchisation des priorités et l’application de méthodes permettant un ordonnancement plus précis des activités de la mission sur le terrain étaient des tâches qui pouvaient être accomplies sous la direction du représentant spécial du Secrétaire général.
Renforcement et élargissement du rôle de la MINUSMA dans le processus politique
Le Gouvernement algérien, qui a fourni une contribution déterminante en faisant office d’intermédiaire lors de la conclusion de l’accord de paix global pour le Mali a, à toutes fins pratiques, cessé de jouer le rôle de premier plan qu’il avait assumé dans le processus politique entrepris pour ce pays. Pour combler ce vide, il a été convenu qu’il est à la fois nécessaire et opportun que la MINUSMA élargisse son rôle politique en ne se contentant plus d’offrir ses bons offices, pour jouer un rôle moteur plus actif dans le processus politique en cours. Plus particulièrement, la MINUSMA devrait s’efforcer de soutenir les initiatives visant à rendre le processus politique plus inclusif et de mettre en œuvre les dispositions de l’accord de paix relatives à la gouvernance.
Dans les tentatives qu’elles entreprennent pour contrer des menaces terroristes croissantes, les forces maliennes de sécurité auraient été impliquées dans des exécutions extrajudiciaires et des arrestations et détentions arbitraires
L’invitation adressée à des groupes tels que la Coordination des mouvements de l’entente pour qu’ils assistent aux réunions de la Commission technique de sécurité est un exemple du type d’activités auxquelles il conviendrait d’accorder la priorité et dont la portée pourrait être élargie. La MINUSMA, de concert avec le Conseil de sécurité et d’autres États membres, devrait également augmenter fortement la pression sur les parties au conflit pour les amener à respecter leurs engagements en vertu de l’accord de paix. Les participants ont estimé d’un commun accord que les bons offices et la diplomatie de haut niveau devaient être assortis de la menace crédible de sanctions à l’égard des parties qui négligent de manifester la volonté politique de se conformer aux dispositions de l’accord.
Par ailleurs, la MINUSMA devrait s’efforcer d’établir des liens entre ses propres activités de médiation locales, combinées aux initiatives similaires de ses partenaires non gouvernementaux sur le terrain, et les processus politiques plus larges se déroulant au niveau national.
Renforcer la légitimité et l’utilité de l’état
Selon plusieurs participants, l’ONU a, dès le début, sous-estimé le rôle que joue une gouvernance médiocre en créant un climat favorable à la violence et à l’instabilité au Mali. La répartition inégale des ressources, la marginalisation politique et économique de groupes clefs, la médiocrité des services fournis et l’insuffisance des moyens d’accéder à la justice ont favorisé l’apparition de mouvements insurrectionnels et, dans certains cas, la radicalisation.
Pour répondre à ces besoins, le Conseil devrait charger la MINUSMA de soutenir en priorité les efforts visant à promouvoir une bonne gouvernance, à la fois dans le contexte de l’accord de paix et dans les domaines et contextes se situant en dehors du cadre de cet instrument. Ces efforts consistent notamment à promouvoir la décentralisation, à renforcer le caractère inclusif des institutions étatiques, par exemple par le biais d’une réforme du secteur de la sécurité, à assurer une meilleure répartition des ressources, et à aider l’État à faire la preuve de son utilité et à établir sa légitimité en fournissant des services de sécurité, de justice et d’autres prestations de base, par exemple dans les secteurs de la santé et de l’enseignement. De telles mesures devraient prévaloir sur celles visant à étendre symboliquement la présence de l’État, et elles revêtent une importance particulière en tant que moyens de maintenir et d’étendre l’autorité de l’État là où il est encore présent.
L’ONU a, dès le début, sous-estimé le rôle que joue une gouvernance médiocre en créant un climat favorable à la violence et à l’instabilité au Mali.
Il faudra que cette stratégie soit suffisamment souple pour remédier aux différentes causes de méfiance vis-à-vis de l’État dans diverses régions du pays. Dans le nord, l’extension de l’autorité de l’État exigera que des progrès tangibles soient accomplis en ce qui concerne la décentralisation de la gouvernance et la redistribution des ressources nationales.
Dans le centre du pays et dans d’autres zones où les violences intercommunautaires sont particulièrement intenses, l’approche adoptée devrait viser essentiellement à protéger les moyens de subsistance et à fournir des services de justice et de réconciliation. Les participants ont fait valoir que l’extension de l’autorité de l’État dans cette région ne devrait pas être assurée à partir de Bamako, mais plutôt à partir de points d’entrée locaux où l’autorité et la légitimité de l’État n’ont actuellement plus cours ou sont contestées.
L’amélioration de la légitimité de l’État signifiera également qu’il faudra soutenir les efforts entrepris pour que ce dernier soit tenu responsable des abus qui lui sont imputés. Compte tenu du fait que la MINUSMA a pour mandat de soutenir les forces maliennes de défense et de sécurité, celle-ci est bien placée pour contribuer au renforcement du principe de responsabilité en cas de violations des droits de l’homme.
Soutenir la réforme du secteur de la sécurité
Bien que cette réforme soit une entreprise de longue haleine dont l’accomplissement s’étalera sur des décennies pour produire des progrès durables, il est important que la mission définisse avec précision certaines composantes de cette réforme qui justifient un soutien pour peu qu’elles se prêtent à l’obtention de gains à court terme pour la population malienne.
La MINUSMA devrait par conséquent aider le Gouvernement malien à élaborer une stratégie nationale de réforme du secteur de la sécurité. Elle devrait également définir les composantes que les signataires de l’accord de paix sont enclins à mettre en œuvre dans le cadre de cette réforme (telles que l’attribution de quotas pour les effectifs militaires) et leur utilisation en tant que moyens de pression pour accomplir des progrès dans les domaines où les dividendes de la paix pourront être obtenus en faveur de la population.
Mettre l’accent sur la constitution des forces
Il y a cinq ans, la MINUSMA avait été déployée en supposant qu’elle serait dotée des capacités et du matériel nécessaires pour accomplir son mandat avec succès. De nombreux participants ont déploré que ces conditions n’aient pas encore été satisfaites. Bien que le Conseil de sécurité ait utilisé, dans les mandats précédents, des formulations exhortant les États membres et le Secrétariat à accélérer le recensement et le déploiement de toutes les capacités nécessaires, les effectifs de la MINUSMA sont toujours inférieurs à l’effectif maximum autorisé, et ses moyens logistiques demeurent insuffisants.
Définir plus clairement les rôles et responsabilités
Au cours de la réunion, on a comparé le Mali à un laboratoire consacré aux interventions internationales conjointes. La MINUSMA exerce ses activités parallèlement à l’action menée par l’EUTM au Mali, au processus de médiation entrepris sous la direction de l’Algérie et avec le soutien de l’Union africaine, à la stratégie politique élargie de l’ONU pour la région du Sahel, aux initiatives du G5, et aux opérations des forces armées françaises. Le Conseil de sécurité devrait par conséquent examiner les options disponibles pour définir plus clairement les rôles et responsabilités de la mission en tenant compte des autres acteurs présents sur le terrain pour faire en sorte que la coordination des interventions soit efficace et éviter le risque que ces partenaires ne poursuivent des objectifs contradictoires.
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