Auteur (s) :
Bureau de la démocratie, des droits de l’Homme et du travail, Département d’Etat des Etats-Unis
Date de publication :
2015
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Résumé :
Le rapport 2015 du département d’Etat américain sur les pratiques des droits humains dans les différents pays a été publié ce 13 avril 2016. Au Sénégal, les problèmes relatifs aux droits de l’homme les plus importants sont la surpopulation dans les prisons, la détention provisoire prolongée et la corruption, particulièrement dans le système judiciaire.
Le Sénégal est une république dominée par un exécutif fort. En 2012, Macky Sall a été élu à la présidence pour succéder à Abdoulaye Wade pour un mandat de sept ans. En 2012, la coalition de M. Sall a remporté la majorité des sièges à l’Assemblée nationale. Les observateurs locaux et internationaux ont considéré que les élections avaient été pour l’essentiel libres et équitables.
La dureté des conditions d’incarcération, la longue durée des détentions provisoires et la discrimination et la violence à l’égard des femmes, y compris les viols et la mutilation génitale féminine/l’excision (MGF/E) ont été les principaux problèmes relatifs aux droits de l’homme.
Respect de l’intégrité de la personne, y compris le droit de vivre à l’abri des atteintes suivantes:
Privation arbitraire de e la vie et autres exécutions extrajudiciaires ou à motivations politiques
Au moins un cas d’exécution arbitraire ou extrajudiciaire commise par les pouvoirs publics ou leurs agents a été signalé.
Le 17 mars, Paul Prince Johnson, un détenu étranger, est mort à la prison de Diourbel. Amnesty International, la Ligue sénégalaise des droits humains et la Société internationale des droits de l’homme ont fait part d’allégations selon lesquelles le décès de M. Johnson aurait été dû à des traitements inhumains et cruels infligés par des gardiens de prison. Bien qu’ils aient demandé l’ouverture d’une enquête indépendante sur ces faits, aucune enquête n’avait été menée en fin d’année et l’autopsie effectuée par le gouvernement a conclu que M. Johnson était décédé de causes naturelles.
Le 24 juin, un tribunal de Dakar a condamné le policier Mouhamed Boughaleb à 20 ans de travaux forcés pour le meurtre par arme à feu en 2014 d’un étudiant manifestant, Bassirou Faye.
En juillet, une cour d’assises de la ville de Mbacké a condamné quatre policiers -Thiendella Ndiaye, Waly Almamy Touré, Mame Kor Ngong et Ousmane Ndao pour violences et voies de faits, à la suite de la mort en 2013 d’Ibrahama Samb, un chauffeur de bus décédé en garde à vue alors qu’il était conduit à un poste de police dans le coffre arrière verrouillé d’une voiture. La cour d’assises a également ordonné au gouvernement de verser à la famille de la victime des dommages et intérêts d’un montant de 20 millions de francs CFA (34 000 dollars US). À la fin de l’année, rien n’indiquait que cette somme ait été versée.
Disparitions
Aucune disparition pour des motifs politiques n’a été signalée.
Torture et autres châtiments ou traitements cruels, inhumains ou dégradant
Bien que la constitution et la loi interdisent ces pratiques, il a été fait état de cas où des agents de l’État y auraient eu recours.
Des organisations de défense des droits de l’homme ont relevé des exemples de maltraitance physique commise par les forces de sécurité, notamment des traitements cruels et dégradants dans les prisons et les centres de détention. Elles ont en particulier critiqué les méthodes de fouille au corps et d’interrogatoire. La police aurait forcé des détenus à dormir à même le sol, auraient braqué des lumières aveuglantes sur eux, les auraient frappés à coups de matraque et les auraient gardés dans des cellules très peu aérées. Le gouvernement a déclaré que ces pratiques n’étaient pas généralisées et qu’il menait généralement des enquêtes officielles sur les affaires de maltraitance. Toutefois, ces enquêtes étaient souvent prolongées de manière non justifiée et donnaient rarement lieu à des accusations ou des inculpations.
Le 29 juillet, la Cour d’appel de la Chambre criminelle de Dakar a acquitté Cheikh Diop et Cheikh Sidaty Mané, qui avaient été condamnés en 2015 à 20 ans de prison après avoir été jugés coupables de la mort en 2012 du policier Fodé Ndiaye, tué lors d’affrontements entre la police et des partisans de l’opposition qui participaient à un rassemblement pacifique pour protester contre la tentative du président Wade de se présenter à un troisième mandat. D’après Amnesty International, Diop et Sidaty ont été condamnés bien qu’ils aient déclaré que la police les avait torturés pour leur arracher des aveux. S’adressant à la presse après leur libération, les deux hommes ont de nouveau affirmé avoir été torturés. Amnesty a demandé aux autorités d’enquêter, mais, en fin d’année, aucune enquête n’avait été ouverte.
Conditions dans les prisons et les centres de détention
Les conditions dans les prisons et les centres de détention étaient dures et parfois délétères, du fait du manque de nourriture, de la surpopulation, de l’insalubrité et de l’insuffisance des soins médicaux.
Conditions matérielles
La surpopulation était un problème général. Par exemple, la maison d’arrêt de Rebeuss, la principale prison de Dakar, accueillait deux fois plus de prisonniers qu’elle n’était censée en compter. Les femmes incarcérées bénéficiaient généralement de meilleures conditions que les hommes. Les personnes en détention provisoire n’étaient pas toujours séparées des prisonniers condamnés. Les mineurs de sexe masculin étaient souvent incarcérés en compagnie d’hommes adultes ou autorisés à passer du temps avec eux pendant la journée. Les jeunes filles étaient détenues avec les femmes. Les nourrissons et nouveau-nés étaient souvent gardés en prison avec leur mère jusqu’à l’âge d’un an, sans cellules spéciales ni soins médicaux ou rations alimentaires supplémentaires.
Selon les statistiques de l’État de 2014, dernière année pour laquelle on dispose de chiffres, 50 prisonniers sont morts dans les prisons et les centres de détention en 2014.
Administration pénitentiaire : Les autorités n’ont pas toujours enquêté de façon crédible sur les accusations de mauvais traitements. En 2014, cependant, les plaintes émises par des prisonniers pour mauvais traitements ont été à l’origine d’au moins deux inspections du Mécanisme national de prévention, qui a par la suite critiqué les conditions d’incarcération et les longues détentions provisoires. À la suite de ces inspections, deux responsables de l’administration pénitentiaire ont été inculpés. L’affaire se poursuivait à la fin de l’année.
L’administration pénitentiaire tenait un certain nombre de dossiers sur les prisonniers et les détenus, mais les registres informatisés étaient inexacts en raison du manque de formation du personnel et des coupures d’électricité dans de nombreux établissements publics. Les autorités n’ont pas recouru à des peines de substitution pour les délinquants non violents. Il existait des médiateurs chargés de donner suite aux plaintes, mais les prisonniers ne savaient pas comment les contacter ou comment porter plainte. Les prisonniers disposaient en général d’un accès raisonnable aux visiteurs et avaient aussi accès, dans une certaine mesure, à des avocats. Ils pouvaient pratiquer leur religion. Contrairement aux années précédentes, les autorités ont permis aux prisonniers et aux détenus de porter plainte auprès des autorités judiciaires sans être censurés et de demander une enquête sur des allégations crédibles de conditions inhumaines, mais rien n’indiquait que des agents de l’État aient mené la moindre enquête.
Surveillance indépendante :
Le gouvernement a autorisé des groupes locaux de défense des droits de l’homme, qui agissaient tous de manière indépendante, ainsi que des observateurs internationaux à effectuer des visites en prison. L’Observatoire national des lieux de privation de liberté a eu accès sans restriction aucune à tous les lieux de détention et prisons civils, mais pas aux installations militaires ni à celles des services de renseignement. L’Observatoire publie un rapport annuel, mais celui de 2015 n’était pas encore paru à la fin de l’année.
Des membres du Comité international de la Croix-Rouge ont visité des prisons à Dakar et en Casamance.
Rôle de la police et de l’appareil de sécurité
La police et la gendarmerie sont chargées de l’application des lois et du maintien de l’ordre public. L’armée partage cette responsabilité dans des cas exceptionnels,par exemple lors d’un état d’urgence. La police nationale relève du ministère de l’Intérieur et remplit ses fonctions dans les grandes villes. La gendarmerie relève du ministère des Forces armées et le fait principalement dans les zones rurales.
Bien que les autorités civiles aient en général maintenu un contrôle efficace de la police, de la gendarmerie et de l’armée, le gouvernement ne disposait pas de mécanismes efficaces pour sanctionner les exactions et la corruption. La Division des investigations criminelles (DIC) est chargée d’enquêter sur les exactions de la police, mais n’a pas su remédier à l’impunité et à la corruption.
Une loi sur l’amnistie protège le personnel de police et de sécurité impliqué dans des « crimes politiques » commis entre 1983 et 2004, à l’exception des meurtres exécutés « de sang-froid ».
Procédures d’arrestation et traitement des personnes en détention
Bien que la loi exige que les juges émettent un mandat d’arrêt avant que la police procède à une arrestation, la police a souvent incarcéré des personnes en l’absence de mandat. La loi confère à la police de larges pouvoirs pour garder les prisonniers en détention prolongée avant de procéder à une inculpation formelle. La DIC peut détenir des individus jusqu’à 24 heures avant de les relâcher ou de les inculper. Les autorités n’ont pas informé rapidement de nombreux détenus des chefs d’accusation qui pesaient sur eux.
Si un procureur l’autorise, les policiers, notamment les responsables de la DIC, peuvent doubler la durée de la période de détention, de 24 à 48 heures, sans aucun chef d’accusation. Les enquêteurs peuvent demander à un procureur de doubler cette période en la faisant passer à 96 heures. Dans les cas où la sécurité de l’État serait menacée, la période de détention peut être portée à 192 heures. Cette période ne commence formellement que lorsque les autorités déclarent officiellement qu’un individu se trouve en détention, pratique qu’Amnesty International a critiquée car elle entraînait des périodes de détention d’une longueur excessive.
La libération sous caution était rare et les autorités n’autorisaient généralement pas les familles à rendre visite à un détenu. Sauf pendant les 48 premières heures, l’accusé a droit à un avocat, et en cas d’infraction grave, un avocat est commis d’office à tous les accusés au pénal qui ne peuvent pas s’acquitter des frais d’avocat après leur première période de détention. Dans lesaffaires de délits mineurs, les accusés indigents n’ont pas toujours bénéficié des services d’un avocat. De nombreuses ONG ont fourni une assistance ou des conseils juridiques aux personnes inculpées au pénal.
Arrestations arbitraires : Le 28 avril, quatre membres de la coalition Non aux APE, dont leur dirigeant, Guy Marius Sagna, ont été arrêtés alors qu’ils manifestaient contre la signature d’un accord de partenariat économique entre l’Union européenne et 16 États d’Afrique de l’Ouest, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et l’Union économique et monétaire ouestafricaine. Le Sénégal est membre de ces deux dernières organisations.
Le 3 juin, la veille de l’ouverture à Dakar du sommet annuel des chefs d’État et de gouvernement des pays de la CEDEAO, les autorités ont arrêté huit membres de la coalition, dont Sagna, qui ont été remis en liberté sans inculpation le 6 juin. Le 22 septembre, les autorités ont de nouveau arrêté Sagna lors d’une autre manifestation de Non aux APE qui coïncidait avec une visite à Dakar du Premier ministre français, Manuel Valls. Sagna a été libéré le 24 septembre. Dans les trois cas, les autorités ont autorisé la tenue de manifestations, mais ont arrêté Sagna et d’autres personnes au motif qu’ils n’obéissaient pas aux ordres donnés par la police de quitter certaines zones et qu’ils résistaient à leur arrestation.
Détention provisoire: Selon une étude de 2014 financée par l’UE, plus de 60 % dela population carcérale était constituée de personnes en détention provisoire. La loi précise qu’en cas d’infraction mineure, un prévenu ne peut rester plus de six mois en détention provisoire ; néanmoins, les autorités ont couramment gardé des personnes en détention jusqu’à ce qu’un tribunal ordonne leur libération. Le nombre d’affaires en attente et l’absentéisme des juges ont entraîné un délai de deux ans en moyenne entre l’inculpation et le début du procès. Dans les affaires de présomption de meurtre, de menaces pour la sécurité de l’État et de détournement de fonds publics, aucune limite n’était imposée à la durée de la détention provisoire. Dans de nombreux cas, les prisonniers en détention provisoire restaient plus longtemps en prison que la durée de leur peine ultérieure.
Possibilité de contester la légalité de leur détention par les détenus devant un tribunal : La loi autorise les détenus à contester le fondement juridique ou le caractère arbitraire de leur détention et à obtenir une libération rapide et des indemnités s’il est établi qu’ils ont été illégalement détenus, mais, faute de conseils juridiques adéquats, cela s’est rarement produit.
Corruption et manque de transparence au sein du gouvernement
La loi sanctionne au pénal les actes de corruption des agents de l’État, mais n’a pas été véritablement appliquée par le gouvernement. Des agents de l’État se sont fréquemment livrés en toute impunité à la corruption. Des cas de corruption au sein du gouvernement ont été signalés au cours de l’année.
Corruption : En mai, l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (OFNAC) a publié son premier rapport annuel, qui a conclu que les pots-de-vin, le détournement de fonds, l’abus de pouvoir et la fraude demeuraient courants au sein des institutions gouvernementales, en particulier aux ministères de la Santé et de l’Éducation, dans les services postaux et l’Administration des transports. L’OFNAC a expliqué la corruption par l’accès insuffisant du public à l’information, les déficiences des systèmes de surveillance interne et l’inadéquation des dispositifs de contrôle. Le rapport a montré du doigt, parmi les agents de l’État les plus corrompus, deux des alliés du président. Deux mois après la parution du rapport, le président a démis de ses fonctions la présidente de l’OFNAC, Nafy Ngom Keita, qui a affirmé que son renvoi était motivé par des raisons politiques. Les autorités ont répondu que le contrat de trois ans de Mme Keita était arrivé à expiration.
Le 24 juin, le président a officiellement autorisé la remise en liberté anticipée de Karim Wade, ancien ministre du gouvernement et fils de l’ancien président Wade, qui avait été condamné à six ans de prison pour enrichissement illicite en 2015.M. Sall a également libéré deux des associés de M. Wade, Alioune Samba Diassé et Ibrahim Aboukhalil. Le gouvernement n’a pas débloqué les avoirs gelés ou saisis de M. Wade.
En fin d’année, la Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI) n’avait pas encore statué sur le cas d’Abdoulaye Baldé, maire de Ziguinchor et ancien ministre. La Cour avait gelé les avoirs de M. Baldé en 2015 dans l’attente d’une enquête sur des faits de corruption.
Divulgation de situation financière : En janvier 2014, l’Assemblée nationale a voté une loi qui stipulait que le président, les ministres, le président de l’Assemblée nationale, le directeur de la gestion financière de l’Assemblée nationale et les administrateurs de fonds publics effectuant des opérations portant sur un montant supérieur ou égal à un milliard de francs CFA (1,7 million de dollars des ÉtatsUnis) devaient déclarer leur patrimoine à la Commission nationale de lutte contre la corruption. Le non-respect de la loi peut entraîner une peine s’élevant au quart du salaire mensuel d’un individu jusqu’à la présentation des formulaires requis.
Le président peut congédier ceux qui refusent d’obtempérer. Les déclarations faites au titre de la loi sont confidentielles, à l’exception de celle du président, et la publication non autorisée des déclarations de patrimoine constitue une infraction pénale. En mai, l’OFNAC a publié son rapport annuel pour 2014-2015, qui a révélé que seules 52 % des personnes devant déclarer leur patrimoine (292 sur 565) l’avaient fait avant la date limite de juin 2015. Le président, le Premier ministre, le président de l’Assemblée nationale et tous les membres du Conseil des ministres avaient respecté la loi ; le chef des forces armées ne l’avait pas fait.
Accès public à l’information: La constitution et la loi accordent aux citoyens le droit d’accéder aux informations gouvernementales, mais les autorités n’ont pas toujours suivi les mêmes pratiques pour déterminer les motifs de non-divulgation, les dates limites de réponse aux demandes de renseignements ou les frais de procédure. Elles ne disposaient pas de mécanisme d’appel permettant de réexaminer les refus de divulgation, ni d’activités d’information du public ou de formation des agents de la fonction publique au sujet de la publication d’informations détenues par le gouvernement.
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