Auteur (s):
Le Bureau régional pour l’Afrique de l’Ouest du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme
Date de publication:
Mars 2015
Les femmes sont particulièrement affectées par la détention, d’une part parcequ’elles sont dans une grande précarité ou victimes de violences ou d’exploitation, etd’autre part en raison de l’absence d’éducation. L’existence de dispositionsdiscriminatoires, en particulier en matière de santé sexuelle et reproductive, et lacriminalisation de l’avortement accroît également le risque d’incarcération des femmes.Enfin, l’impact néfaste de la détention sur les liens sociaux et les relations familialesnécessite des mesures d’aménagement des peines d’enfermement.
La délégation n’a pas reçu beaucoup de plaintes de la part des détenues à l’encontredu personnel pénitentiaire. Elle a pu constater que le personnel faisait preuve deprofessionnalisme et qu’il témoignait, en règle générale, de disponibilité à l’égard desdétenues. Dans les questionnaires, les femmes détenues ont indiqué que le personnel semontrait respectueux à leur égard et que, d’une manière générale, il entretenait desrapports cordiaux avec une bonne partie des détenues. Une minorité a jugé leurs relationsdistantes ou tendues.
Toutefois, certaines détenues ont rapporté avoir été victimes d’agressions verbales et physiques de la part de gardes pénitentiaires. Cela a été le cas de six d’entre elles à la MAF de Liberté VI, et de deux détenues à la MAC de Tambacounda. Les recommandations du rapport sont adressées aux responsables du système judiciaire et pénitentiaire sénégalais. Certaines peuvent être mises en application immédiatement ou à court terme. Elles devraient retenir l’attention de la communauté internationale dont l’assistance est nécessaire pour réaliser l’indispensable réhabilitation de la justice pénale et du système pénitentiaire sénégalais.
En outre, pour réduire les motifs d’inculpation discriminatoires et attentatoires auxdroits des femmes, il est nécessaire d’harmoniser la législation sénégalaise avec lesengagements internationaux et régionaux de l’Etat du Sénégal (CEDEF et Protocole deMaputo). Il faut ensuite considérer que, pour la réinsertion de la personne incarcérée etla protection de la société dans son ensemble, les conditions de détention dans les lieuxde privation de liberté doivent être améliorées. Enfin, la détention doit être l’exception etdes mesures alternatives à la détention la règle, surtout quand il s’agit de femmes, desurcroît enceintes, allaitantes ou mères de jeunes enfants.
Les recommandations ci-dessous sont adressées aux acteurs suivant: lesparlementaires, le Ministère de la Justice à travers l’administration pénitentiaire, leMinistère de la Femme, de la Famille et de l’Enfance, le service médical des prisons,’Observateur national des lieux de privation de liberté, le Comité sénégalais des droits de l’homme, le Ministère de la santé et de l’action sociale.
Réviser les infractions basées sur des stéréotypes de genre discriminant les femme
Le gouvernement et le législateur devraient intégrer les mesures suivantes au projet de réforme du Code pénal en cours :
- Dépénaliser l’interruption volontaire de grossesse, conformément aux règles posées à l’article 14 du Protocole de Maputo, c’est-à-dire en cas de viol, d’inceste, d’agression sexuelle ou lorsque la grossesse met en danger la santé ou la vie de la femme ou celle du fœtus ;
- Modifier la qualification pénale du trafic de drogue et requalifier en délit le crime de trafic de drogue en particulier lorsque les femmes sont impliquées dans le transport ;
- Mettre la législation sur la prostitution en conformité avec la Convention de 1949/43 qui interdit d’astreindre les personnes livrées à la prostitution à s’inscrire sur un registre spécial et à détenir des papiers spéciaux.
Fixer un délai limite à la durée de la détention préventive
Le législateur doit, aussi en référence à l’engagement pris par le gouvernement dans le cadre de l’Examen périodique universel, et compte tenu du grand nombre de détenues en préventive, intégrer les mesures suivantes dans le Code de procédure pénale en cours de réforme :
- Réduire la détention préventive en matière criminelle qui va passer d’une durée illimitée à trois ans ;
- Supprimer les cours d’assises et les remplacer par des chambres criminelles au niveau des tribunaux régionaux afin de désengorger le prétoire et rapprocher la justice des justiciables.
Prévoir des peines de substitution à l’incarcération pour les femmes
Le pourcentage de femmes incarcérées pour délits mineurs avoisine le tiers des effectifs des femmes incarcérées. Ainsi, le Ministère de la justice doit intégrer et appliquer les peines alternatives à l’enfermement. Pour les femmes enceintes, allaitantes ou avec des enfants en bas-âge, il est impératif de leur appliquer les dispositions de l’article 30 de la CADBE, qui énonce clairement l’obligation pour l’Etat de leur assurer un traitement spécial, y compris par l’application de peines alternatives à l’emprisonnement.
Humaniser les lieux de privation de liberté
L’humanisation des lieux de privation de liberté requiert toute une série de mesures nécessitant un budget approprié, et le développement d’une politique carcérale rationnelle et plus humaine. A ce titre, le Ministère de la Justice et l’administration pénitentiaire doivent :
- Lorsque l’enfermement est inévitable, prévoir des équipements adéquats pour les femmes mères et leurs enfants (crèches, garderies, espaces de jeux pour les enfants, nourriture et langes pour bébés, chambres réservées aux femmes avec enfant et sanitaires aux normes);
- Mettre en place un système socio-éducatif de prise en charge ou de suivi des enfants mineurs dont les mères sont incarcérées ;
- Faciliter les visites familiales et les contacts avec l’extérieur ;
- Mettre en place du matériel pour des activités de formations professionnelles ;
- Accorder une attention aux personnes détenues d’origine étrangère;
- Mettre en œuvre un vaste programme de construction et de réfection des établissements pénitentiaires ;
- Prévoir des espaces pour des activités sportives et culturelles ;
- Améliorer les conditions et moderniser les moyens de travail du personnel pénitentiaire ;
- Augmenter la quantité et la qualité de la ration alimentaire journalière des personnes détenues ;
- Affecter des médecins, y compris des psychiatres et des gynécologues dans les prisions ;
- Recruter des assistants sociaux et des éducateurs spécialisés ;
Développer des actions de prévention
- Le Ministère de la famille, la femme et l’enfant, et le Ministère de la santé et de l’action social, doivent renforcer leurs programmes d’éducation en matière de santé de la reproduction et de planification familiale, afin de réduire et de prévenir les actes d’infanticide ;
- L’ONLP et le Comité sénégalais des droits de l’homme devraient multiplier les visites inopinées en vue d’alerter les autorités et l’opinion sur les améliorations et les manquements observés dans les lieux de détention.
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