Auteur (s) :
Pauline M. Wambua et Carolyn Logan (Afro Baromètre)
Date de publication :
18 mai 2017
Les observateurs internationaux estiment que le système judiciaire togolais est en proie à des difficultés du fait de la grande influence politique de la présidence, dont la détention prolongée et sans jugement des adversaires politiques, et l’impunité dont jouissent les alliés politiques (Freedom House, 2016; Département d’État des États-Unis, 2015).
De même, ils considèrent en grande partie que la Commission Vérité, Justice, et Réconciliation du Togo, mise en place pour traiter des accusations de violence politique entre 1958 et 2005, n’a pas tout à fait atteint ses objectifs, laissant les « victimes qui ont subi des violations des droits de l’homme … déçues de toute l’impunité dont les coupables d’hier,toujours au pouvoir, bénéficient encore aujourd’hui » (Bureau des Nations Unies pour les Droits de l’Homme, 2012).
Il faut cependant reconnaître que le gouvernement togolais ces dernières années, avec l’appui de certains partenaires techniques et financiers, a engagé des réformes et mis en œuvre des programmes dans le secteur de la justice, entre autres au niveau de son accès.On peut citer la construction de nouveaux bâtiments (les cours d’appel de Lomé et de Kara; le tribunal de première instance de Sokodé est en cours) ou la rénovation d’anciens bâtiments (les tribunaux de première instance d’Aného et d’Atakpamé).
Au niveau du personnel, le gouvernement a également fait un effort en modifiant le statut des magistrats, des greffiers, et des huissiers, en renforçant l’effectif des magistrats et greffiers, ainsi qu’en mettant en place une école de formation de ces derniers au Togo. Un dernier point où il y a eu quelques avancées concerne la facilitation d’accès avec la création de bureaux d’accueil, d’information, et d’orientation du justiciable, de clubs juridiques de détenus, d’un guide juridique du justiciable. Il faut dire que la loi sur l’aide juridictionnelle, adoptée depuis mai 2013, n’est toujours pas opérationnelle, faute de l’existence de décret d’application.
Comment les togolais perçoivent-ils leur système judiciaire et l’accès à la justice dont ils jouissent? Au nombre des éléments essentiels qui définissent l’accès des citoyens à la justice,on retrouve:
- l’existence d’un cadre juridique favorable,
- la sensibilisation des citoyens àleurs droits et devoirs légaux,
- la possibilité de bénéficier d’une assistance juridique et d’unereprésentation légale,
- la possibilité d’avoir recours à des institutions judiciaires abordableset accessibles,
- la pratique de procédures équitables dans ces institutions, et 6) l’applicabilité des décisions.
Les réponses aux enquêtes au Togo dépeignent un système judiciaire marqué par un manque de confiance populaire – illustration frappante, au niveau institutionnel, de l’observation de l’Evêque Nicodème Barrigah-Benissan, président de la Commission Vérité, Justice, et Réconciliation, que la confiance interpersonnelle « est certainement la plus grande victime de nos conflits récurrents. Les Togolais semblent avoir porté le manque de confiance au rang de principe absolu » (Bureau des Nations Unies pour les Droits de’Homme, 2012). Au Togo, tant le manque de confiance publique envers les tribunaux que les perceptions de corruption parmi les juges et magistrats dépassent de loin les appréciations moyennes ouest-africaines et à travers 36 pays africains enquêtés en 2014/2015.
Parmi les citoyens qui ont effectivement eu affaire aux tribunaux, beaucoup se plaignent des longs délais, des lourdeurs du système, du manque d’assistance juridique, de l’inattention des juges, et des coûts élevés.
Confiance envers les tribunaux | 36 pays | 2014/2015
Enquêtes d’Afrobaromètre
Afrobaromètre est un réseau de recherche panafricain et indépendant qui conduit des enquêtes sur les appréciations du public en ce qui concerne la démocratie, la gouvernance,les conditions économiques, et des questions connexes à travers l’Afrique. Après cinq rounds d’enquêtes conduits entre 1999 et 2013, les résultats du Round 6 (2014/2015) sont actuellement en cours de publication. Afrobaromètre réalise des entretiens en face-à-face dans la langue choisie par le répondant avec des échantillons représentatifs nationaux. Les entrevues au titre du Round 6 avec presque 54.000 répondants dans 36 pays représentent les opinions de plus des trois-quarts de la population du continent.
L’équipe d’Afrobaromètre au Togo, conduite par le Center for Research and Opinion Polls, s’est entretenue avec 1.200 adultes togolais en octobre 2014. Un échantillon de cette taille produit des résultats avec des marges d’erreur de +/-3% à un niveau de confiance de 95%.Une enquête précédente avait été conduite au Togo en 2012.
Résultats clés
- Seulement 37% des Togolais affirment faire « partiellement » ou « très » confiance aux tribunaux, une évaluation qui s’avère être la sixième plus mauvaise sur 36 pays enquêtés et bien en-deçà de la moyenne ouest-africaine (48%). Comparés aux autres institutions stratégiques, les tribunaux se retrouvent donc à peu près au milieu, en dessous de la police et de l’armée (toutes deux à 42%). Même les chefs religieux ne recueillent la confiance que de deux-tiers (67%) des Togolais.
- Presque la moitié (48%) des Togolais affirment que « la plupart » des juges et magistrats ou « tous » sont corrompus, une évaluation considérablement moins bonne que la moyenne Ouest-Africaine (40%) et celle des 36 pays enquêtés (33%).
- Un Togolais environ sur neuf (11%) affirme avoir eu affaire au système judiciaire durant les cinq années précédant l’enquête (2009-2014), un taux de contact légèrement inférieur à la moyenne (13%) des 36 pays.
- Les résidents ruraux, les femmes, les jeunes citoyens (18-25 ans d’âge), et ceux n’ayant pas reçu d’instruction formelle ont moins à faire aux tribunaux que les Togolais citadins, de sexe masculin, les plus âgés, et ceux ayant suivi tout au moins l’enseignement primaire.
- A la question de savoir la raison pour laquelle les gens pourraient ne pas porter leurs litiges devant les tribunaux, les Togolais mentionnent les frais (22%) et la perception selon laquelle les tribunaux statuent en faveur des riches et puissants (17%) et n’accordent pas un traitement équitable (17%). Ils affirment également que beaucoup de gens ne font pas confiance aux tribunaux (16%) et craignent de subir des représailles lorsqu’ils portent une affaire devant le tribunal (15%).
Les citoyens qui avaient eu à faire aux tribunaux pendant les cinq années précédentes ont répondu à la question de savoir quels sont les problèmes auxquels ils ont été confrontés. Les longs délais étaient le problème le plus commun, mentionnés par 48% des Togolais. La complexité du système judiciaire (44%), le manque de conseil ou d’assistance judiciaire (39%), l’inattention des juges (36%), et le caractère exorbitant des frais (28%) étaient des expériences toutes aussi communes. La proportion des Togolais qui rapportent avoir éprouvé chacune de ces difficultés est inférieure aux moyennes régionale et continentale.
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