Au Bénin, les femmes représentent 50,1% de l’effectif total de la population (PNUD, 2015). Elles jouent un rôle important dans le développement rural (Houinsa, 2008). Au regard de leur contribution, l’Etat du Bénin a adopté plusieurs dispositions législatives visant à faciliter l’accès des femmes aux terres agricoles. Au nombre desquelles, on peut citer la loi n° 2002-07 du 24 août 2004 portant Code des Personnes et de la Famille, la loi n°2013-01 du 14 août 2013 portant Code Foncier et Domanial en République du Bénin et ses décrets d’application, le plan stratégique de développement du secteur agricole etc.
En dépit de toutes ces mesures, il subsiste de nombreux écarts de genre dans la gestion des exploitations familiales agricoles et d’autres obstacles qui ne permettent pas aux femmes d’augmenter leur production agricole. Aujourd’hui, on constate que les femmes rurales sont presqu’exclues de l’accès à la propriété foncière, surtout dans les régions de fortes pressions foncières. Il y a une inégale répartition des terres agricoles suivant l’âge, le sexe et le statut de l’exploitant. En milieu agricole, ce sont les hommes qui décident de la répartition des récoltes. Les femmes sont astreintes à des conditions défavorables pour négocier un accès équitable aux revenus agricoles (Floquet, 2015).
Aujourd’hui, on constate que les femmes rurales sont presqu’exclues de l’accès à la propriété foncière, surtout dans les régions de fortes pressions foncières. Il y a une inégale répartition des terres agricoles suivant l’âge, le sexe et le statut de l’exploitant
Quelles parts les femmes assurent-elles dans l’organisation des tâches d’exploitations agricoles familiales ? La réponse à cette question structure la présentation des résultats. Les résultats obtenus sont le fruit d’une démarche essentiellement qualitative. Pour ce faire, nous avons recouru à une série d’entretiens semi-directifs. Les observations ont porté sur des ménages agricoles et des responsables en charge des centres agricoles au niveau de trois départements (Zou, Collines, Borgou) en République du Bénin.
Organisation des tâches agricoles à l’échelle des ménages
Le sol fait l’objet de diverses pratiques culturales autour desquelles s’organisent les agriculteurs en fonction du sexe, de la taille du ménage, de la ressource économique, des us et coutumes etc. :
«Ce sont les hommes qui vont prendre des intrants pour les femmes car, ils sont les propriétaires de terres. Même pour la main d’œuvre, c’est le mari qui va en chercher pour sa femme et la femme donne l’argent de la main-d’œuvre». [Une agricultrice, Kabanou, novembre 2016]
Dans les localités, certaines tâches agricoles sont dites d’hommes et d’autres de femmes. Elles sont exécutées au sein des ménages ruraux en fonction d’une perception sexuelle des rôles. L’approvisionnement en urée, en NPK (les engrais NPK représentent une formule classique de fertilisant qui correspond à l’abréviation des éléments chimiques qui les composent, à savoir azote, phosphore, potassium, source ici), en semences et la négociation de la main-d’œuvre marchande sont généralement des tâches dévolues aux maris au sein des ménages agricoles. La femme rurale est astreinte à appuyer son mari en s’impliquant dans les travaux champêtres : « si ton mari travaille au champ, tu dois être avec lui » a indiqué une agricultrice, [Wokou, novembre 2016].
Généralement, certaines tâches sont incontournables pour les femmes. Il s’agit des travaux de semis, d’épandage d’engrais, de récoltes, de stockage et de conservation des produits vivriers : « Les femmes ont souvent leur champ mais au nom de leur mari car, c’est le mari qui fait tout, à part le semis et l’épandage d’engrais » a confié cet encadreur, [Beroubouay, novembre, 2016].
la femme peut détenir elle-même sa propre exploitation agricole dont la taille peut varier entre 0,5 et 2 hectares. Le champ de la femme ne constitue pas une priorité familiale
Il arrive que certaines femmes participent également aux travaux de défrichement, de labours, de sarclage aux côtés de leurs maris. Dans le même temps, la femme peut détenir elle-même sa propre exploitation agricole dont la taille peut varier entre 0,5 et 2 hectares. Le champ de la femme ne constitue pas une priorité familiale. Il s’agit du champ secondaire du ménage. L’organisation familiale positionne l’homme comme chef de famille.
De ce fait, son champ est prioritaire et constitue l’espace de travail de tous les membres actifs du ménage. C’est pourquoi, la femme est obligée de travailler d’abord dans le champ du mari avant de s’occuper de son propre champ destiné souvent à la production de tomates, piments, légumes, maïs, niébé, arachide etc.
A Issalè au centre-Bénin, certaines femmes s’adonnent également à la production de noix d’acajou et détiennent leur propre plantation à l’instar des agriculteurs. Dans les coutumes fon, itcha et baatonu, les hommes sont considérés comme les pôles de décision agraire au sein de leur ménage respectif. Ils assurent à cet effet, l’interface entre le ménage et les institutions de promotion agricole. «Dans les localités, les encadreurs ne traitent pas directement avec les agricultrices. C’est toujours via les maris que nous faisons le suivi post-formation des champs des femmes». [Technicien Spécialisé en Production Végétale (TSPV) Djidja, 15 novembre 2016].
A la lumière de cette étude, il importe que les pouvoirs publics prennent les dispositions appropriées pour promouvoir des pratiques sociales propices au développement des exploitations agricoles familiales. Une telle réforme va influer positivement sur les politiques de sécurité alimentaire au Bénin.
*Cet article est issu d’une étude sur la participation des femmes à la gestion des exploitations agricoles familiales en Afrique rurale à partir du cas du Bénin.
Avohoueme Togbe Midjèou Béranger est Docteur en anthropologie du droit foncier. Il enseigne à l’Université d’Abomey-Calavi. Le foncier constitue l’un de ses principaux axes de recherche. Il cumule des expériences collaboratives avec leLASDEL: Laboratoire d’Etudes et de Recherche sur les Dynamiques Sociales et le Développement Local (LASDEL). Engagé également sur le terrain de l’expertise en développement, il est consultant à la Banque mondiale.