Dans la longue marche vers le développement, le secteur agricole est fondamental dans la mesure où il est au carrefour de plusieurs enjeux stratégiques. Penser et travailler au développement du système agricole, à bien des égards, relève de l’intérêt national. Il est important de préciser que l’essor de ce secteur porteur passera par différentes étapes qui permettront de l’affranchir de certaines pesanteurs rédhibitoires et de mettre en valeur les potentiels dont il regorge amplement. Il convient de dire que le système agricole souffre de tares difficiles à énumérer. Pour sortir de cette situation peu enviable, il est nécessaire de rendre le secteur agricole sénégalais viable d’une part, et d’autre part, l’intégrer dans une vision plus globale sur le plan politique et social.
Il faut dire que le système agricole évolue dans un cercle vicieux d’obstacles protéiformes qui le rendent peu rentable comparés à ses possibilités réelles. Les problèmes notés dans le secteur, entre autres, ont pour cause la forte dépendance des agriculteurs vis-à-vis de l’État, la dépendance vis-à-vis des opérateurs économiques et fournisseurs d’intrants. L’agriculture sénégalaise est encore très rudimentaire si on considère les moyens utilisés et les techniques aratoires engagés dans le processus de production. Cela dit, il faut ajouter qu’elle est aussi trop dépendante des pluviométries capricieuses marquées par les dérèglements climatiques contemporains. Cet état de fait conduit le système agricole à un cycle de dépendance difficile à enrayer.
Le système agricole évolue dans un cercle vicieux d’obstacles protéiformes qui le rendent peu rentable comparés à ses possibilités réelles.
Il faut que le système agricole arrive à s’autofinancer, notamment dans ses principales activités. Cela permettra de réduire la dépendance vis-à-vis de l’État et des opérateurs économiques qui spéculent sur les produits agricoles au-delà des intérêts des acteurs agricoles. Il faut aussi que le système développe des techniques de culture permettant d’optimiser son rendement annuel. Ces mêmes techniques que sont l’arrosage au compte goutte, la désalinisation des eaux, le serrage, la jachère, l’aquaculture, etc., devraient aussi affranchir les cultures agricoles des intempéries de la saison humide, notamment en rendant possible le labourage à plein temps.
Il faut arriver à doter les acteurs de l’agriculture de compétences extra-agricoles. Ce qui leur permettrait de gérer le management complexe que nécessite le développement optimal d’un domaine de production. Cela va de la gestion des espaces arables à la distribution sur le marché des différents produits et leurs dérivés, en passant par les différents « rounds » de négociation, notamment la fixation des prix, les taux d’imposition, l’acquisition de nouveaux marchés, etc. Dans ce même ordre d’idées, des formations de capacitation pourraient aider à développer le sens des affaires des acteurs du système, qui peuvent et doivent être les premiers chaînons du processus d’industrialisation nécessaire à l’agriculture sénégalaise.
Il faut que le système agricole arrive à s’autofinancer, notamment dans ses principales activités.
Enfin, du point de vue institutionnel, il y a une panoplie de mesures qui peuvent aider à rendre compétitif le secteur agricole. Dans cette perspective, l’État sénégalais pourrait œuvrer à l’industrialisation du secteur agricole. Il devrait travailler à protéger le secteur en interdisant l’exportation de produits bruts à l’image de la Chine ou tout au moins, en la rationalisant par des barrières légales contraignantes.
Toutefois, ce type de mesures, ne peuvent prospérer que s’il existe une chaîne d’industrialisation locale et diversifiée qui se nourrit des produits de base. L’État sénégalais, dans cette «logique keynésienne interventionniste» peut octroyer une couverture sociale aux producteurs agricoles, des financements à faible taux, la facilitation de l’accès au foncier et des cadres permettant le développement de ce secteur.
Ces cadres peuvent être la mise en place d’une distinction comme le « prix du meilleur agriculteur », de revues stimulant la découverte du secteur, de bourses de recherches fondamentales et appliquées axées sur l’agriculture, d’une bourse des valeurs agricoles. Il faut créer un cadre qui vise à déconstruire le « mythe du paysan pauvre ». Ces initiatives permettraient à l’État de mettre en œuvre des politiques agricoles à forte valeur ajoutée, évaluables car disposant d’une base de données statistique fiable, évolutive et d’une littérature scientifique (sociologie rurale, prospective, problèmes du monde rural) prenant en compte les différents paramètres pertinents. Somme toute, on peut affirmer que sans le développement d’un système agricole, tout projet de développement au Sénégal reste illusoire.
Source photo : ndarinfo.com
Hamidou Samba Ba est doctorant en Science politique à l’université Gaston Berger de Saint-Louis (Sénégal).