Baromètre du cacao 2015
Auteur (s) :
Le Baromètre du Cacao 2015 a été publié et financé par les membres du Consortium Baromètre : FNV Mondiaal, HIVOS, Solidaridad et le réseau VOICE (ABVV / Horval, la Déclaration de Berne, FNV, Oxfam Novib, Oxfam Wereldwinkels, Stop The Traffik et Südwind Institut)
Lien vers le document original
Le baromètre 2015 du cacao offre un aperçu des développements actuels en matière de durabilité dans le secteur du cacao et met en évidence les grandes problématiques qui ne sont pas suffisamment traitées actuellement. Avec pour volonté de stimuler le débat et de permettre aux parties prenantes de communiquer et de discuter de ces questions cruciales, les auteurs ont choisi de se concentrer sur l’Afrique de l’Ouest en raison de sa position dominante dans la production de cacao et des importants défis auxquels la région est confrontée.
Défis
Développements dans le secteur
Le rôle des gouvernements
Le débat sur le rôle des gouvernements dans la production durable du cacao ne cesse de s’intensifier. Les gouvernements des pays producteurs doivent jouer un rôle central afin d’améliorer la situation des cultivateurs. Ils doivent être transparents quant aux taxes perçues sur le cacao et investir une part importante de ces revenus dans les infrastructures techniques et sociales en milieu rural (dont les routes, l’électricité, l’éducation, l’eau et l’assainissement, les soins de santé) ou dans d’autres biens publics indispensables aux cultivateurs de cacao. Ils doivent réglementer les activités des entreprises dans leur pays, faciliter l’aide au développement et soutenir la société civile.
Les Principes directeurs de l’ONU relatifs aux entreprises et aux droits humains énoncent clairement qu’il est du devoir de l’Etat de lutter contre les violations des droits humains. Les gouvernements producteurs doivent donc assurer le bien-être social, environnemental et économique des cultivateurs, de leurs familles, et des communautés agricoles du cacao.
Avec des politiques anti-trust, les gouvernements des pays consommateurs doivent être fermes sur la concentration du pouvoir dans les usines de transformation relevant de leur juridiction. De plus, ils doivent soutenir les gouvernements des pays producteurs ou faciliter la création d’organisations bénéficiant de l’expertise nécessaire.
Initiatives privées
Pour tenter d’améliorer la collaboration pré-concurrentielle, la Fondation mondiale du cacao (WCF) a lancé CocoaAction, une stratégie de collaboration entre onze des plus grandes entreprises de chocolat et de cacao dans le monde avec pour objectif de former environ 300 000 cultivateurs d’ici à la fin de la décennie. CocoaAction mettra l’accent sur deux éléments essentiels : l’augmentation de la productivité des exploitations de cacao et l’amélioration de la situation des femmes et des enfants dans le secteur du cacao.
Les baromètres du cacao préconisent depuis plusieurs années une plus grande collaboration pré-concurrentielle ; CocoaAction est donc une initiative tout à fait bienvenue. Cependant, le nombre de cultivateurs que le plan cherche à atteindre ne représente qu’une fraction de l’ensemble des producteurs de cacao en Afrique de l’Ouest, dont la plupart sont déjà soutenus par des membres de CocoaAction dans leurs propres programmes. Sachant que les principaux acteurs de CocoaAction représentent une grande majorité du marché du chocolat dans le monde, les ambitions de l’initiative devraient être proportionnelles à la puissance de ses membres sur le marché.
En outre, l’accent mis sur la productivité et sur les « femmes et enfants » – ce qui est une bonne chose en soi – ne sera pas suffisant pour remédier à la pauvreté des cultivateurs de cacao. Les membres de CocoaAction et d’autres membres de la WCF sont particulièrement à même d’utiliser leur influence sur les questions telles que le régime foncier, les mécanismes de fixation des prix et la diversification des cultures.
Le fait que d’autres acteurs, tels que les gouvernements, la société civile et les entreprises plus petites du secteur du chocolat n’entrent en scène qu’à un stade avancé du processus constitue une autre source de préoccupation. Une approche multipartite serait également beaucoup plus souhaitable sur la question de la gouvernance.
Propriété foncière
Au cours des dernières décennies, la taille des exploitations de cacao a diminué, ce qui soulève la question de savoir s’il existe une taille en-dessous de laquelle la culture du cacao n’est plus économiquement viable. Des recherches supplémentaires doivent être réalisées à ce sujet. De même, de nombreux cultivateurs ont des droits fonciers instables, ce qui est notamment dû à l’augmentation des métayages et des sous-locations de parcelles. Le nombre de grands propriétaires fonciers qui ne cultivent pas directement le cacao est ainsi de plus en plus élevé.
De plus, en Côte d’Ivoire, le régime foncier est directement lié à la nationalité. Seuls les Ivoiriens sont autorisés à posséder des terres. Ainsi, de nombreux cultivateurs de cacao n’ont pas le droit de posséder la terre qu’ils travaillent, même si leur famille vit dans le pays depuis plusieurs générations. Cela entraîne toutes sortes de difficultés, dont des obstacles à l’obtention de crédits nécessaires à l’amélioration de la productivité, ainsi qu’à la possibilité de diversification des cultures.
En raison de leur petite taille, la plupart des exploitations de cacao ne peuvent pas subvenir aux besoins des ménages qui dépendent d’elles. Pour faire face aux problèmes fonciers, il serait bon que la taille générale des exploitations soit accrue pour assurer leur viabilité économique. Ceci ne doit toutefois pas se faire au détriment des personnes marginalisées. Une politique solide est donc nécessaire pour assurer une réforme agraire et un système de redistribution justes, prévoyant une stratégie de sortie et des services sociaux pour les personnes concernées, sans distinction de sexe, d’origine ethnique ni d’autres facteurs.
Inégalités hommes-femmes et pauvreté
Le cacao est produit en grande partie dans des sociétés traditionalistes dans lesquelles les femmes rencontrent de grandes difficultés pour obtenir des titres de propriété, et ce même lorsque leur mari décède et qu’elles reprennent l’exploitation en main. Sans titre de propriété, elles sont souvent exclues des systèmes d’épargne et de crédit, ainsi que des programmes de formation et de certification. Or les plantations de cacao sont de plus en plus gérées par des femmes, en raison notamment de la différence d’âge entre époux (conduisant à un grand nombre de veuves), du VIH/sida, des conflits sociaux et de l’exode rural plus marqué chez les hommes. Néanmoins, les femmes sont moins concernées par les interventions, sont moins impliquées dans les processus de prise de décision, sont moins informées des évolutions du marché et des moyens efficaces de gestion d’une exploitation, et ont encore moins de possibilités d’investir dans leur plantation que les hommes. Une femme qui aide son mari dans l’exploitation n’est pas considérée comme cacaocultrice (mais plutôt comme la conjointe d’un cacaoculteur). Par conséquent, la plupart de ces femmes ne participent pas aux réunions de groupes de cultivateurs.
Développement dans les pays producteurs
Ghana
Au cours des dernières années, il a été difficile pour le Cocobod de continuer à soutenir les cultivateurs, en raison notamment de la dépréciation du cedi ghanéen. Tandis que le prix de nombreux intrants et biens de consommation était en hausse, la part perçue par les agriculteurs sur le prix de marché mondial a diminué de façon significative au cours de la récolte 2013/14. En conséquence, de nombreux cultivateurs et négociants ont organisé une contrebande de cacao en Côte d’Ivoire. Le Cocobod a réagi avec une forte hausse des prix à l’exploitation pour la saison 2014/15 (de 3 392 cedis à 5 520 cedis (soit 1 630 $) par tonne). En outre, le Cocobod a promis de continuer à soutenir les cultivateurs à l’aide de semis et d’intrants subventionnés, programme qui a dû être partiellement interrompu l’année précédente en raison de problèmes financiers. Cependant, ces intrants subventionnés étaient souvent disponibles uniquement pour les grandes exploitations les plus accessibles.
Côte d’Ivoire
Le Conseil du Café-Cacao (CCC) poursuit également ses programmes visant à améliorer la situation des cultivateurs. Pour la nouvelle saison de récolte, le prix minimal a été porté de 750 francs CFA à 850 francs CFA le kilo (soit 1 487 $ par tonne). Le gouvernement ivoirien a revu la réglementation sur le secteur du cacao et tente de mieux réguler les projets des entreprises et des ONG tout en mettant en œuvre une réforme du système coopératif. En outre, il a modifié son système de vente aux enchères et de vente à terme, ce qui lui a valu des critiques de la part des acteurs de l’industrie qui ont accusé une baisse de bénéfices. Ces réformes combinées à une augmentation des prix sur le marché mondial ont conduit à une hausse de 40 % des prix à l’exploitation selon les experts du marché. Les cultivateurs ont investi plus de temps et d’intrants dans leurs exploitations. Les revenus plus élevés combinés aux nombreux programmes mis en œuvre dans le pays ont occasionné une récolte record lors de la saison 2013/14. Le programme 2QC (Quantité, Qualité, Croissance) est une tentative du gouvernement ivoirien de mettre en place une politique nationale du cacao conforme à l’Agenda mondial du cacao. Bien que la représentation des cultivateurs dans ce processus soit une source de préoccupations, les étapes initiales semblent encourageantes, et il semble que le gouvernement ivoirien commence effectivement à faire face aux défis de son économie cacaoyère.
Développements dans les pays consommateurs
Au cours des dix dernières années, les consommateurs ont pris de plus en plus conscience des questions entourant la production durable de cacao. Alimentée par de nombreuses campagnes, notamment axées sur le travail et la traite des enfants, la sensibilisation du public et des médias est désormais une des principales sources de motivation pour l’adoption de normes (plus contraignantes) et d’un système de certification dans l’industrie du chocolat. De telles campagnes risquent néanmoins de trop simplifier certaines des raisons sous-jacentes au travail et à la traite des enfants, tels que la pauvreté et le manque d’infrastructures, les solutions à ces problèmes demandant des approches multiples.
Les initiatives de responsabilité sociale volontaire des entreprises ne suffisent pas à empêcher les violations des droits humains et les atteintes à l’environnement. Certains des principaux défis à relever en matière de production durable de cacao nécessiteront une législation à la fois au niveau national et au niveau régional (comme l’UE). Le but d’une telle législation doit être d’assurer que les sociétés ayant leur siège dans ces pays soient obligées de respecter les droits humains et l’environnement dans le monde entier, non seulement au sein de l’entreprise, mais aussi sur l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement. Cela impliquerait l’instauration d’un processus de diligence raisonnable en matière de droits humains afin d’identifier, prévenir, limiter et rendre compte de la façon dont les impacts sur les droits humains sont traités. La diligence raisonnable demande ici une évaluation des risques, des mesures permettant de prévenir et de mettre un terme aux éventuelles violations des droits humains et aux atteintes à l’environnement, ainsi que des rapports complets sur les politiques en place et les mesures prises.
Un autre élément essentiel à prendre en compte est la cohérence des politiques commerciales, étrangères et de développement des pays consommateurs. Il n’est pas logique d’investir par l’intermédiaire de la coopération au développement, tandis que le commerce, en sa qualité de levier de développement, est entravé par des barrières.
Production de cacao certifié
Défis
L’introduction de la certification peut permettre une amélioration des conditions sociales et environnementales dans les exploitations. Néanmoins, plusieurs problèmes subsistent dans ce contexte : un mécontentement croissant à l’égard des primes et des prix, la crédibilité des audits, l’impact de la certification, et le niveau et le fonctionnement des organisations paysannes. En outre, la plupart des normes reflètent mal la réalité complexe des petits exploitants de cacao. La plupart de leurs exigences sont rédigées pour les grandes plantations. En raison de ces lacunes, et bien que les normes et la certification puissent aider un cultivateur à court terme, les normes ne semblent pas avoir réussi à relever le défi à long terme d’amélioration effective de la situation économique des producteurs de cacao. En outre, l’influence des organismes de normalisation est limitée ou inexistante sur de nombreux aspects, dont l’accès à la formation et aux manifestations, l’utilisation des terres et les conflits fonciers, les effets du changement climatique, le manque d’infrastructures locales, la volatilité des prix sur le marché mondial, le manque d’accès à des possibilités d’épargne et de crédit, la disponibilité des intrants agricoles et la diversification des cultures. Tous ces aspects sont d’une importance capitale pour l’amélioration des conditions de vie des cultivateurs de cacao.
Revenu vital pour les petits exploitants du cacao
Il y a deux raisons fondamentales pour lesquelles les petits producteurs de cacao doivent gagner un revenu vital : l’impératif commercial d’assurer la viabilité à long terme de la chaîne d’approvisionnement en cacao, et l’impératif de valeur consistant à garantir le droit humain fondamental à un revenu décent. Ces deux éléments méritent une discussion plus approfondie.
Il est communément admis que, pour assurer l’approvisionnement futur en cacao, il est nécessaire de redonner à la culture du cacao son attractivité en tant que profession. La plupart des nombreux programmes de développement durable dans le cacao intègrent l’augmentation des rendements, et certains incluent la diversification des cultures. Aucun de ces programmes ne base cependant ses projets sur un calcul des besoins de base et du bénéfice net nécessaire pour les couvrir.
Une petite exploitation de cacao est similaire à toute entreprise. Le revenu d’un cultivateur est uniquement tributaire de quatre valeurs de base : coûts de production, quantités produites, prix à l’exploitation et qualité du produit. Cependant, pour un revenu vital, il convient d’ajouter les aspects suivants : besoins vitaux, nombre de personnes à charge, nombre d’employés ou de prestataires, production alimentaire (qui n’a pas besoin d’être achetée) et diversification des revenus. Toutes ces variables doivent être prises en compte pour parvenir à une méthode de calcul du revenu vital.
Prix
Pour s’assurer un revenu vital, les cultivateurs doivent travailler dur et de manière efficace, et offrir un bon produit. Cependant, même si l’on devait changer de façon significative les variables telles que le rendement ou la taille des exploitations, la possibilité pour un cacaoculteur d’échapper à la pauvreté est infime si le prix à l’exploitation reste aux niveaux qu’il connaît actuellement. Seule une augmentation significative de ce prix alliée à ces deux facteurs permettrait que les cultivateurs puissent espérer échapper à la pauvreté.
Echanges intersectoriels
Le secteur du cacao n’est pas le seul à chercher une méthode pour calculer un revenu ou un salaire vital. Le débat sur le salaire décent est engagé depuis des années dans l’industrie du textile et les premières données ont été recueillies à ce sujet dans divers pays.
Les producteurs et les négociants de produits tels que les bananes, le thé, les raisins, les fleurs et le coton cherchent également des méthodes pour calculer le niveau du salaire vital et, dans certaines régions où les produits sont cultivés par de petits exploitants, pour définir un revenu vital.
Certification
Les primes versées par les principaux organismes de normalisation ne permettent que de maigres avancées vers une solution au problème des prix. En moyenne, les avantages financiers de la certification, avant déduction des coûts, sont estimés à 150 à 200 $ par tonne, et ne permettent au mieux qu’une augmentation de 10 % du revenu d’un cacaoculteur, augmentation à laquelle il faut déduire les coûts d’adhésion, les frais d’audit, etc.
Les Wathinotes sont soit des résumés de publications sélectionnées par WATHI, conformes aux résumés originaux, soit des versions modifiées des résumés originaux, soit des extraits choisis par WATHI compte tenu de leur pertinence par rapport au thème du Débat. Lorsque les publications et leurs résumés ne sont disponibles qu’en français ou en anglais, WATHI se charge de la traduction des extraits choisis dans l’autre langue. Toutes les Wathinotes renvoient aux publications originales et intégrales qui ne sont pas hébergées par le site de WATHI, et sont destinées à promouvoir la lecture de ces documents, fruit du travail de recherche d’universitaires et d’experts.
The Wathinotes are either original abstracts of publications selected by WATHI, modified original summaries or publication quotes selected for their relevance for the theme of the Debate. When publications and abstracts are only available either in French or in English, the translation is done by WATHI. All the Wathinotes link to the original and integral publications that are not hosted on the WATHI website. WATHI participates to the promotion of these documents that have been written by university professors and experts.