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Centre autonome d’études et de renforcement des capacités pour le développement au Togo (CADERDT)
Le CADERDT a été créé à l’initiative du Gouvernement togolais avec l’appui de la Fondation pour le Renforcement des Capacités en Afrique (ACBF). Les activités du CADERDT sont essentiellement la recherche, la formation, le dialogue, le développement, la gestion et la dissémination des connaissances.
Les activités en matière de croissance-développement constituent le cœur de la mission du CADERDT
Date de publication: 2017
Source: Africa Portal
Resume
In developing countries (DCs), the unequal distribution of income and the preponderance of the informal economy make it easier to generate tax revenue by taxing transactions in goods and services than by taxing income. In fact, taxation on goods and services corresponds to indirect taxation and income taxation is direct. Studies have shown that in developing countries in general, and in Africa in particular, indirect taxes provide more than 70% of state revenue. In Togo, for example, the majority of revenue (71%) comes from indirect taxes (consumption taxes, customs duties, excise duties, Value Added Tax – VAT). In order to redress public accounts and improve economic activity, tax breaks are often used as a remedy and considered as the preferred fiscal policy instrument. With a poverty rate estimated at 55.1% in 2015 and a high cost of living, the Togolese Government has opted for a social policy to make growth more inclusive. This is how it amended certain articles of the General Tax Code (CGI) of the Finance Act, Management 2017. The new tax provisions adopted by the Government constitute the anchor point of this analysis, which raises the different effects that these measures could have on the living conditions of households and on the Togolese economy as a whole.
Introduction
Dans les Pays en Développement (PED), la répartition inégale des revenus et la prépondérance de l’économie informelle sont telles qu’il est plus facile de générer les recettes fiscales en taxant les transactions de biens et services qu’en taxant le revenu. En effet, la taxation sur les biens et services correspond à la fiscalité indirecte et celle sur le revenu est directe. Des études ont montré que dans les PED en généralet en Afrique en particulier, les taxes indirectes fournissent plus de 70% des recettes de l’Etat. Au Togo par exemple, la majorité des recettes (71%)2 proviennent des taxes indirectes (impôts sur la consommation, droits de douane, droits d’accise, Taxe sur la Valeur Ajoutée – TVA). Dans le but de redresser les comptes publics et d’améliorer l’activité économique, les allègements fiscaux sont souvent utilisés comme remède et considérés comme l’instrument de politique fiscale privilégié. Avec un taux de pauvreté estimé à 55,1% en 20153 et un coût de la vie élevé, le Gouvernement togolais a opté pour une politique axée sur le social afin de rendre la croissance plus inclusive. C’est ainsi qu’il a procédé à la modification de certains articles du code général des impôts (CGI) de la loi de finances, gestion 2017. Les nouvelles dispositions fiscales prises par le Gouvernement constituent le point d’ancrage de la présente analyse qui amène à relever les différents effets que ces mesures pourraient avoir sur les conditions de vie des ménages et sur l’économie togolaise dans son ensemble.
Analyse des effets des dispositions fiscales sur les ménages et sur l’économie togolaise
Au regard des raisons évoquées par le Gouvernement, pour la mise en place des nouvelles dispositions fiscales, les principales qui ont retenu l’attention et qui ont généralement le plus d’effet sur les ménages et sur l’économie sont celles relative à la baisse du taux de l’impôt sur les sociétés (IS), à l’introduction de taux réduits sur certains biens et services et à l’exonération de TVA sur le matériel informatique et les équipements de production d’énergie renouvelable
Introduction d’un taux réduit de TVA de 10% sur certains biens et services
A l’instar des autres pays de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA), hormis le Niger où la TVA est de 19%, ce taux est fixé au Togo à 18% selon la directive N°02/98/CM/UEMOA du 22 décembre 1998 portant harmonisation des législations des Etats membres en matière de TVA. S’agissant des pays à faible revenu, certains économistes estiment qu’il est particulièrement important que les autorités n’excluent pas les denrées alimentaires de la définition de leurs objectifs de politique économique. Au cours des dernières années, les prix des produits alimentaires au Togo ont considérablement augmenté. Ce qui a suscité auprès du Gouvernement, la volonté d’introduire un taux réduit de 10% pour certains biens et services. Cette mesure a donc été adoptée dans le but d’améliorer le pouvoir d’achat de la population, en particulier des plus vulnérables.
Plus de quatre ménages sur dix (46,1%) estiment que la faiblesse des ressources financières est la principale cause de l’insécurité alimentaire. Une hausse du pouvoir d’achat se traduirait également par un meilleur niveau d’alimentation d’une frange importante de la population togolaise. De même, les taux réduits sur le matériel agricole viseraient à stimuler la modernisation du secteur et à accroitre sa productivité, mais avec la condition que cette baisse des taux se répercutent de façon proportionnelle sur les prix.
Cependant, des mesures visant à réduire la TVA sur les produits de 1ère nécessité stimuleraient fortement les importations, face à une production locale toujours embryonnaire. Ainsi, presque tous les produits (riz, huile, sucre, pâtes alimentaires, tissus etc.), souvent importés, seraient très compétitifs vis-à-vis de ceux produits localement. Cette production locale, insuffisante pour couvrir la demande, conjuguée à une baisse des taxes sur les produits de 1ère nécessité, pourrait à moyen terme, nuire aux industries locales si aucune mesure visant à les soutenir n’est prise. Cela contribuerait également à rendre la balance commerciale du Togo plus déficitaire et par conséquent, ralentirait la croissance économique.
Réduction du taux de l’impôt sur les sociétés (IS) de 29 à 28%
De façon théorique, les résultats les plus conservateurs de bon nombre d’auteurs ont montré qu’une baisse de 1% des impôts sur les sociétés (sur les bénéfices) entraine une hausse de 0,05% de l’emploi, un accroissement de 0,15% de la croissance et une hausse de 0,27% de l’investissement5 . Une baisse de l’IS aurait un effet immédiat sur les Petites et Moyennes Entreprises (PME), dont l’accroissement d’activité se répercuterait à court terme sur l’ensemble des entreprises. Ainsi, la baisse de l’IS de 29 à 28% aurait un effet sur l’embauche dans toutes les catégories d’entreprises. Les entreprises concernées, produisant et investissant davantage, génèreraient une hausse de l’activité des autres entreprises. Cela entrainerait un accroissement du taux d’emploi dans l’ensemble des entreprises, et induirait une distribution de salaires large, favoriserait la consommation et aboutirait à une demande globale plus forte.
Dans le cas contraire, une baisse de l’IS se traduirait à court terme par de faibles entrées fiscales. En effet, dans la majorité des PED, cette mesure ne se répercute pas sur le niveau de salaires réels qui devrait en principe augmenter dans le long terme. Et pour cause, les bénéfices issus de la diminution de charges fiscales ne sont pas forcément utilisés pour accroitre la productivité de l’entreprise et augmenter les salaires.
L’exonération de TVA sur les importations et la vente de matériels informatique et équipements de production des énergies renouvelables
S’agissant des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC), ils sont considérés comme un facteur indéniable de croissance et de développement et, leur promotion à travers la suppression des taxes seraient accompagnée d’un développement de plusieurs branches de l’économie. Il en est de même pour les équipements de production d’énergie renouvelable, avec des politiques inscrites dans une logique de développement durable.
Une exonération devrait aussi contribuer à réduire les coûts d’acquisition de matériels informatiques et réduire les risques de fraude. Toutefois, sur le marché des TIC, il serait dans certains cas, possible que les exonérations de taxes ne soient pas suivies de baisse des prix des produits de manière à compenser le manque à gagner de l’Etat en matière de recettes fiscales.
Benchmarking: analyse de l’expérience d’autres pays en matière d’allègements fiscaux
- Exonération sur certains biens et services
L’expérience des pays voisins a prouvé que les allègements fiscaux ne sont pas forcément suivis d’une baisse du même niveau des prix des produits concernés. Dans les faits, il n’existe pas de mécanisme efficace de contrôle des prix de sorte à maximiser le profit du consommateur final sous la contrainte de son revenu. Mais, depuis la directive 02/2009/CM/UEMOA du 27 mars 2009, l’UEMOA accepte un taux réduit entre 5 et 10% par rapport à une liste énumérative de biens et services. En effet, des exonérations des taxes sur les importations ont été pratiquées dans plusieurs pays africains, avec des résultats assez mitigés.
Au Mali, les exonérations ont porté sur le riz, avec la suppression de la TVA et des droits de douanes en 2008 et 2009. Ces mesures ont eu un effet sur les prix à la consommation du riz importé, peu d’impact sur celui du riz local et un effet stabilisateur sur le prix à la consommation des céréales sèches. Au Niger, la détaxation sur le riz et le sucre s’est soldée par un manque à gagner d’environ 12 milliards de FCFA en 2008, sans grand effet sur le niveau des prix. Au Burkina-Faso, de février à mars 2008, le Gouvernement a suspendu les droits de douane à l’importation du riz, du sel, des produits à base de lait, ainsi que la TVA sur le blé dur, mais l’inflation générale n’a pas pu être maitrisée.
- Baisse du taux de l’impôt sur les sociétés
Au Togo, tout comme dans les autres pays de l’UEMOA, le taux de l’IS a beaucoup évolué jusqu’à ce jour. Pour un pays comme le Burkina Faso, le taux de l’IS a diminué de 17,5 points en l’espace de 50 ans ; 20 points pour la Côte d’Ivoire en l’espace de 37 ans ; 20 points pour le Mali en l’espace de 54 ans et un peu moins pour le Togo, avec 12 points entre 2001 et 2017. D’après le rapport « l’historique des différents Codes Généraux des Impôts des Etats de l’UEMOA, et leurs modificatifs », cette baisse de l’IS observée dans l’Union ne s’est pas accompagnée d’une augmentation des recettes fiscales comme escompté, du fait que la fiscalité ne serait pas aussi déterminante qu’il y parait dans le niveau de l’investissement. Alors, une baisse de l’IS, devrait être minutieusement étudiée avant d’être effectuée pour aboutir à long terme, à l’amélioration du climat des affaires. Toutefois, il est primordial que cette mesure donne une incitation forte aux entrepreneurs à embaucher et à produire davantage.
- Exonération de taxe sur le matériel informatique et équipements de production d’énergie renouvelable
S’agissant de cette mesure, l’expérience la plus récente est celle du Bénin. Après 15 ans d’application, le pays a décidé dans sa nouvelle loi de finances, gestion 2017 de surseoir à cette mesure qui portait notamment sur le matériel informatique. L’exonération sur le maté- riel informatique, constitue en effet une dépense fiscale pour l’Etat, mais surtout un choix de la part des autorités de soutenir ce secteur. Ces mesures d’exonération également appliquées au Burkina-Faso visent toutes, le renforcement de l’économie numérique. Néanmoins, cela nécessite d’être mieux planifiées, avec des indicateurs préalablement définis à atteindre pour un horizon déterminé.
Conclusion et recommandations
Au regard des différentes répercussions que les mesures fiscales peuvent avoir sur les recettes fiscales et sur l’économie dans son ensemble, il est clair que l’Etat togolais a opté pour une hausse du pouvoir d’achat des ménages. Cependant, une frange d’économistes pense que ce choix de politique fiscale ne garantirait pas toujours de meilleures recettes fiscales pour l’Etat, mais contribuerait énormément à soulager le panier de dépenses des ménages à très faibles revenus. S’inspirant des expériences sous régionales et d’autres pays en matière d’allègements fiscaux, il ressort que les limites de l’utilisation de la TVA comme instrument de politique économique ne sont pas négligeables. Dans le but d’atteindre les objectifs fixés, il pourrait être suggéré à l’Etat togolais de :
- rendre plus efficace le contrôle et la fixation des prix des produits qui ont fait l’objet d’exonération et de réduction de la TVA afin que les prix traduisent réellement la baisse des taxes appliquées auxdits produits,
- limiter à l’avenir, les mesures d’exonération pour mettre davantage l’accent sur les subventions ciblées, vis-à-vis de secteurs porteurs dans le but d’éviter la fraude fiscale engendrée par des entreprises se cachant sous d’autres secteurs pour bénéficier des exonérations,
- mettre en place des filets de sécurité ciblés dont l’objectif est d’apporter une réponse pérenne à l’instabilité des prix alimentaires,
- inciter les entrepreneurs à investir le gain issu de la baisse de l’IS pour produire davantage et contribuer à réduire le chômage,
- définir des objectifs avec des indicateurs précis à atteindre pour le développement des TIC,
- apporter des subventions à la production locale, tout en respectant l’Accord sur les Subventions et les Mesures Compensatoires (Accord SMC) vu la compétitivité des produits importés,
- effectuer une compensation de l’exonération des taxes sur le matériel informatique en améliorant la traçabilité des revenus fiscaux auprès des sociétés de télécommunications, au regard du nombre d’utilisateurs ayant augmenté suite à la baisse des prix du matériel occasionné par de faibles taxes.
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