Auteur (s) : Joseph Bohbot
Date de publication: 2017
Source: EchoGéo
La revue EchoGéo publie des travaux portant sur les thèmes des sociétés, de l’environnement et du développement avec le souci de mettre à la disposition d’un large public l’information scientifique produite par des géographes et d’autres spécialistes des sciences humaines et sociales.
Introduction
Plus de trente-cinq tonnes sortaient du sous-sol du Burkina Faso en 2014, un record pour ce pays qui figure parmi l’un des moins développés d’Afrique de l’Ouest. Cette richesse des sous-sols attire les investissements directs étrangers (IDE) de plusieurs compagnies minières internationales à l’instar du canadien Cluff Gold ou du russe Nord Gold. Ces investissements ont été largement encouragés par les politiques mises en place en Afrique, notamment à la demande des grandes institutions financières internationales comme la Banque mondiale depuis les années 1990. Ces dernières ont promu sur le continent des politiques d’investissements étrangers, en particulier dans le secteur minier (Campbell, 2004). Ces investissements sont corrélés au dynamisme des pays émergents depuis le début du second millénaire. Cette demande a conduit à une montée du cours des matières premières et particulièrement des métaux comme l’or. En janvier 2000, le métal jaune se négociait aux alentours de 10 000 dollars le kilogramme soit 300 dollars l’once environ. En juillet 2011, le kilogramme atteignait près de 60 000 dollars. Aujourd’hui, si les cours sont retombés (40 000 dollars pour un kilogramme d’or), ils restent suffisamment élevés pour maintenir une exploitation soutenue de l’or avec des résultats probants puisque l’or est le premier produit d’exportation du Burkina Faso depuis 2009. Précisons d’ailleurs que les filons burkinabè contiennent une faible teneur en minerai et sont donc peu rentables, seuls des cours élevés garantissent donc leur rentabilité.
Mais la richesse du sous-sol burkinabè n’attire pas seulement les grands groupes internationaux, la population locale compte aussi en tirer profit. Ainsi, de nombreux travailleurs nationaux et non nationaux venus des États voisins se sont lancés depuis une quinzaine d’années dans une véritable ruée vers l’or. Cette ruée se matérialiste dans des mines artisanales spontanées réparties sur tout le territoire burkinabè.
L’or : une ressource cruciale pour une économie fragile
Pour comprendre la fragilité de l’économie burkinabè, il convient de replacer cet État d’Afrique de l’Ouest dans son contexte. État parmi les moins développés de la planète (classé 185 sur 188 selon l’indice de développement humain (IDH) en 2015), le Burkina Faso a peu d’avantages naturels. Tout d’abord, l’absence d’accès à la mer est l’une des premières difficultés auquel est confronté le pays. Ajoutons que les deux tiers du territoire du Burkina Faso sont situés dans une zone semi-aride. Ces conditions n’empêchent pas l’agriculture d’être le premier pourvoyeur d’emplois puisque le secteur regroupe 80 % de la population active selon la Banque mondiale. L’agriculture est aussi une des premières sources de devises de l’État burkinabè grâce à l’exportation de coton. Mais l’agriculture est un secteur sous contrainte et sous tension en Afrique subsaharienne. La contrainte provient des conditions intrinsèques au climat burkinabè. La tension quant à elle, provient de la fluctuation des cours, notamment du coton, sur le marché mondial (Herrera & Ilboudo, 2012). Ces contraintes climatiques et économiques poussent la population à chercher des sources de revenus complémentaires. Dans un contexte de ressources et d’opportunités très limitées, l’or apparait comme un excellent recours.
Les revenus issus de la vente de l’or permettent de subvenir aux besoins des familles dans les cas où celles-ci ont accompagné les creuseurs ou d’acheter du matériel minier. Il arrive aussi que les gains soient très rapidement dépensés dans « des dépenses de prestige » ; achats d’alcool, de véhicules, de stupéfiants ou encore la fréquentation de prostituées (Somé, 2004). Cela empêche les mineurs de s’extraire de la misère. Quoi qu’il en soit, les revenus ainsi gagnés sont directement réinjectés dans l’économie de la cité minière ou des environs proches. Les villes de Gaoua et Pô, qui sont à proximité des gisements profitent aussi des gains issus des mines artisanales. On y trouve le matériel plus volumineux, indisponible dans les campements miniers, notamment les compresseurs qui permettent d’alimenter les marteaux piqueurs. C’est donc généralement toute une région qui profite des fruits du travail des orpailleurs. Dans un rapport de juillet 2013, le Comité national de Politique Economique (C.N.P.E) décrit « l’exploitation artisanale […] comme un mal nécessaire » pour les populations locales. Il est vrai que l’orpaillage offre une possibilité de revenus ne nécessitant aucune compétence particulière (offre bienvenue dans un Etat au système éducatif défaillant) à une population jeune et sans réelle perspective.
Un environnement durablement dégradé
L’orpaillage est à l’origine de nombreuses dégradations environnementales. Les principaux problèmes sont liés à la déforestation et la pollution des eaux et des sols. Les arbres sont coupés et les troncs utilisés à étayer les galeries. Les sols, quand ils ne sont pas directement touchés par l’exploitation minière, sont pollués durablement par le rejet de substances toxiques comme le mercure ou le cyanure. Il en va de même des nappes phréatiques situées à proximité des sites miniers et contaminées aux métaux lourds.
La dimension la plus visible est la dégradation des sols due à la progression de l’activité d’orpaillage au détriment de l’agriculture. Ce problème est souligné par Salif Kaboré, alors ministre des mines du Burkina Faso dans une conférence à l’IFRI : « les gisements d’or de faible teneur comme ceux généralement exploités au Burkina Faso, nécessitent le déplacement d’énormes quantités de déblais, difficiles à gérer après le traitement et coûteux à réhabiliter » (Kaboré, 2014). Ce constat, nous l’avons fait sur place, quelles que soient les techniques employées. Les orpailleurs rencontrés dans le département de Gaoua utilisent deux techniques distinctes. La première consiste à creuser la terre puis à passer avec un détecteur de métaux sur les déblais à la recherche d’or.
À la destruction des terres arables s’ajoute la pollution des sols : les terres agricoles sont polluées directement ou indirectement par les rejets toxiques des orpailleurs. Au Burkina Faso, contrairement aux images populaires, l’or ne se trouve pas sous forme de pépite, mais aggloméré aux roches (généralement du quartz). Cette particularité géologique nécessite plusieurs procédés fastidieux et polluants pour dissocier l’or de la pierre. Les orpailleurs sont d’abord contraints de réduire les roches en poussière par un concassage manuel (fréquemment effectué par les femmes ou les enfants) puis un broyage à l’aide d’une machine, rarement adaptée à cette activité puisqu’il s’agit souvent de moulins à farine classiques. La farine de roche est ensuite traitée à l’aide de cyanure (cyanuration) ou de mercure (amalgamation) pour en extraire l’or. Si les deux procédés sont dangereux du fait de la toxicité pour l’organisme de ces composés, la technique par amalgamation dégage de plus des vapeurs qui endommagent le système nerveux central, les poumons et les reins de ceux qui les respirent (Bensefa, 2011).
Des implications sociales très fortes
Tout d’abord la précarité des conditions de travail des orpailleurs génère une crise sanitaire majeure. S’il est très difficile d’avoir des chiffres, les décès liés aux éboulements, aux chutes ou aux noyades par inondation des galeries sont fréquents sur les sites d’orpaillages. À cela s’ajoutent les nombreuses pathologies issues de la pollution environnementale déclenchée par les techniques utilisées et l’absence de précautions. On constate une explosion des maladies cardio-vasculaires, maladies respiratoires, allergies, infertilité etc. et « près de 2/3 des travailleurs des mines artisanales présenteraient au moins 3 symptômes d’exposition chronique au mercure au Burkina Faso » (Lankoande et Maradan, 2013). Ces différentes contaminations diminuent d’une dizaine d’années l’espérance de vie d’un orpailleur, par rapport à la moyenne nationale burkinabè, qui descend donc à 45 ans.
La consommation de drogue est un autre fléau des cités minières. Très utilisé, le Tramadol, un puissant antalgique permettrait de « dynamiser et augmenter l’endurance » des jeunes creuseurs. D’autres techniques aberrantes sont pratiquées du fait de la détresse sanitaire et des superstitions : boisson à base de ciment pour soigner les intoxications aux acides, relations sexuelles non protégées dans les galeries pour « amener la chance… ».
Ensuite la violence est récurrente. La découverte d’un gisement fait affluer des populations de tout le Burkina Faso mais aussi des États voisins : Mali, Niger, Togo et Bénin. Ce phénomène est décrit avec justesse par Tilo Grätz dans Les frontières de l’orpaillage en Afrique occidentale » (Grätz, 2004) lors de son étude de la mine de Bountwanou à l’est du Burkina Faso : « Ces lieux de « ruée vers l’or » sont caractérisés par un afflux important d’orpailleurs étrangers dont les règles et principes s’avèrent souvent incompatibles avec ceux des populations locales, engendrant […] une période d’appropriation, parfois violente, des ressources et de fortes tensions au sein des groupes migrants ». Ces afflux de populations ont provoqué des tensions avec les villageois riverains d’un site aurifère qui n’étaient pas intéressés par son exploitation ; ces tensions peuvent pousser les villageois à expulser les orpailleurs des terrains impliqués (Grätz, 2004).
Des solutions pour encadrer l’orpaillage artisanal
L’apprentissage de nouvelles techniques et pratiques par les orpailleurs sont les premières pistes mises en place pour réduire les risques sanitaires liés à l’extraction et l’exploitation artisanale de l’or.
Ces techniques ont déjà été mises au point et ont fait leurs preuves dans différents pays notamment en Amérique du Sud et en Asie (PNUE, 2012). Ces nouvelles pratiques sont mises en place soit par les États, soit par des ONG. C’est notamment le cas en Guyane depuis l’interdiction du mercure en 2004 (Oder, 2011).
Au Burkina Faso, du fait de la défaillance de l’État pour maitriser l’orpaillage, les ONG jouent un rôle important dans l’encadrement des activités d’extraction artisanale. Ainsi, l’ONG colombienne Alliance for Responsible Mining (ARM) accompagne les orpailleurs burkinabè qui souhaitent se former en coopératives ; une fois constituées, l’ARM forte de son expérience en Amérique du Sud pousse les mineurs informels à adopter un code du travail (notamment bannir le travail des enfants) et à réduire ou abandonner l’usage du mercure.… Toutes ces étapes s’inscrivent dans un processus global conduisant à l’obtention d’une certification équitable sous le label Fair Mined.
Citons aussi l’ONG Artisanal Gold Council, spécialisée dans la création d’innovations techniques permettant de réduire les rejets de mercure dans le processus d’extraction tout en améliorant la productivité des orpailleurs. La finalité est donc l’élimination totale du mercure du processus productif et la création de meilleures conditions de travail pour les mineurs. Ces solutions vont de la hotte aspirante permettant de capter les vapeurs de mercure et empêcher leur inhalation et la contamination de l’air, à un système complet de traitement sans mercure. Celui-ci permet de produire un minerai très concentré, ce qui limite voire rend inutile toute amalgamation par mercure. Dans un premier temps, le simple fait de recycler le mercure utilisé conduit à une baisse des pertes en mercure de 95 %. La technique permet également d’augmenter le pourcentage d’or dans les roches. Habituellement de 30 à 40 % avec les techniques classiques, ces méthodes innovantes permettent d’atteindre des taux de récupération avoisinant les 70 à 80 % (PNUE, 2012).
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