Amadou Lamine Ndiaye est le directeur de l’Environnement et du Développement durable de l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal (OMVS).
Entretien vidéo
Extraits de l’entretien
Que signifie l’OMVS ?
L’OMVS est l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal créée en 1972. Avant l’OMVS, les Etats membres s’étaient regroupés pour créer une structure un peu similaire qui s’appelait l’Organisation des Etats riverains du Sénégal (OERS). L’OERS a été créée en 1969 à Labé (Guinée) par quatre chefs d’Etat, respectivement Sékou Touré de la Guinée, Modibo Keïta du Mali, Léopold Sédar Senghor du Sénégal et Ould Daddah de la Mauritanie. Si vous allez sur le site de l’OERS en Guinée, vous verrez quatre arbres plantés à l’époque par les quatre chefs d’Etat pour symboliser l’intégration autour du fleuve par les quatre pays. Ces cases prévues pour loger les quatre chefs d’Etat sont encore à Labé sur le site de l’OERS.
A causes des problèmes politiques de l’époque, notamment entre le chef d’Etat guinéen et ses homologues qui avaient des orientations idéologiques un peu différentes, l’organisation a connu des difficultés au point où elle a été dissoute. C’est en 1972 qu’une nouvelle organisation appelée l’OMVS a été créée, mais cette fois-ci sans la Guinée mais avec le Mali, la Mauritanie et le Sénégal. En 2006, la Guinée a fait son retour dans l’organisation.
Les missions de l’OMVS ressemblent fortement aux missions de l’OERS. En 1972, les missions de l’organisation tournaient autour de l’eau. Les chefs de l’Etat avaient fait du fleuve Sénégal un fleuve international. Autrement dit, tous les Etats membres ont un accès libre au cours d’eau, sans restriction. La partie sénégalaise du fleuve n’appartient pas seulement au Sénégal. Le Sénégal ne peut pas l’utiliser sans se concerter avec les autres pays parce que, s’il n’en est pas ainsi, un Etat situé à l’amont peut faire des ouvrages et des aménagements qui retiennent l’eau et qui empêchent aux Etats situés en aval d’avoir de l’eau. En 1972 déjà, les pères fondateurs avaient une vision assez prospective de la gestion du fleuve et ils ont consacré son caractère international.
En 1972, rappelez-vous, on était dans un contexte de sécheresse, d’aridité dans les Etats membres de l’OMVS. C’est la fameuse vague des sécheresses des années 70. Parmi les missions fondamentales de l’OMVS, on retrouve cet objectif de lutter contre la désertification et l’aridité.
Un autre objectif est le développement économique et social des Etats membres. L’OMVS est aussi un organe d’intégration, mais à la différence de l’UEMOA (Union économique et monétaire ouest-africaine) qui promeut une intégration autour de la monnaie, l’OMVS est un organe d’intégration autour de l’eau. C’est l’eau qui nous réunit, c’est le fleuve Sénégal et ses activités qui tournent autour de l’agriculture irriguée, autour de l’énergie hydroélectrique, autour du transport fluvial et autour de l’eau potable. C’est pour cela que l’intégration à travers l’OMVS est une intégration faite autour de l’eau.
Pourquoi la Guinée a-t-elle rejoint l’OMVS après tant d’années à l’écart ?
C’était son environnement naturel. Cela a été un accident de l’histoire qu’elle soit sortie de l’organisation. Il n’est pas souhaitable de gérer le fleuve à trois. La situation actuelle est la normale. La Guinée est en amont ; si elle gère le fleuve d’une certaine façon, on peut avoir des difficultés pour avoir l’eau en aval. Un cours d’eau partagé, on le gère de façon solidaire. C’est pour cela que je pense que la situation qui a précédé le retour de la Guinée était un accident de l’histoire. L’accident a été réparé par les chefs d’Etat dont la vision a été assez grande pour créer l’OMVS et, des années plus tard, pour la reconstituer.
Source photo : WATHI