EXTRAITS DE L’INTERVIEW
Créer une monnaie commune, une étape de l’intégration régionale
En même temps que nous travaillons à la réalisation des critères de convergence qui conduiront à une monnaie commune, un autre défi majeur se pose, c’est la création des conditions qui vont accroître le commerce intra-régional.
Cela impliquerait que de plus en plus de biens et de services soient produits. Cela signifie surtout qu’il y aura plus d’emplois pour les gens. Et bien sûr, cela suppose que nous ayons investi dans les infrastructures pour faciliter le mouvement de ces biens et services dans toute la région.
Le débat sur une monnaie commune est important, nous devrions continuer à le poursuivre, mais il devrait être poursuivi parallèlement à l’intensification du volume des échanges commerciaux entre les pays d’Afrique de l’Ouest.
L’UA et les communautés économiques régionales: «trop de chevauchement»
La relation entre l’UA et les CER (Communautés économiques régionales) a toujours été problématique. Nous reconnaissons tous les principes de subsidiarité, de complémentarité et de division du travail, mais dans la pratique, il y a trop de chevauchement et, à mon humble avis, probablement trop de place prise par l’Union africaine.
Il devrait y avoir une bonne coordination entre les organisations et l’une des recommandations (du rapport Kagamé sur la réforme institutionnelle de l’UA), que j’appuierais fortement, est celle qui propose d’avoir deux sommets par an : un sommet pour tous les Etats membres et un second sommet qui devrait réunir la commission de l’UA et les présidents des CER. Cela mènerait à une discussion plus centrée sur ce que font les CER et comment l’UA peut avoir une valeur ajoutée, de sorte qu’il y ait une plus grande synergie, et que l’on puisse, à défaut d’éliminer, réduire au minimum le dédoublement des tâches. Renforçons les CER afin d’être en mesure d’atteindre les objectifs de l’intégration et de résoudre les problèmes de paix et de sécurité.
Le débat sur une monnaie commune est important, nous devrions continuer à le poursuivre, mais il devrait être poursuivi parallèlement à l’intensification du volume des échanges commerciaux entre les pays d’Afrique de l’Ouest
Il y aura des cas où une approche plus continentale sera nécessaire. Pour certaines crises majeures qui vont au-delà de la région, vous avez naturellement besoin d’un leadership continental pour faire face.
Laissons l’UA se concentrer sur les principales crises continentales, et permettons aux CER de s’occuper des autres crises qui surviennent au niveau régional. Les grands projets d’infrastructure devraient évidemment avoir une dimension régionale. Mais l’idée est de réaliser une interconnexion continentale de tous ces projets régionaux. Ayons une vision continentale mais agissons à l’échelle régionale.
Dr Mohamed Ibn Chambas a été le dernier secrétaire exécutif de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) de 2002 à 2005 et le premier président de la Commission de la CEDEAO de 2006 à 2009. Il a donc joué un rôle clé dans l’organisation à un moment charnière de son évolution, celui des réformes institutionnelles de 2006.
Né le 7 décembre 1950 au Ghana, Mohamed Ibn Chambas est un avocat, diplomate, politicien et universitaire du Ghana. Il est diplômé en sciences politiques de l’Université du Ghana, Legon (B.A. 1973) et de l’Université Cornell Ithaca, New York (M.A. 1977, Ph.D. (1980) et est titulaire d’un diplôme en droit de l’Université Case Western Reserve, à Cleveland, dans l’Ohio.
L’expérience du Dr Chambas sur la scène internationale et africaine est ancienne. Parmi les premiers postes politiques qu’il occupe au Ghana figure celui de vice-ministre des Affaires étrangères en 1987. Député de Bimbilla, au nord du pays, de 1993 à 1996, il devient vice-ministre de l’Education en charge de l’Enseignement supérieur en 2000. Sur la scène africaine, il devient membre du Groupe d’action ministériel du Commonwealth chargé de faciliter une transition démocratique et constitutionnelle au Nigéria, en Sierra Leone et en Gambie. Il joue ensuite un rôle important en tant que médiateur entre les parties de la première guerre civile au Libéria dans les années 1990 et plus tard lors de la guerre civile en Côte d’Ivoire au début des années 2000.
Après son départ de la CEDEAO, Mohamed Ibn Chambas est nommé secrétaire général du groupe ACP (Groupe des Etats d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique) en novembre 2009. En décembre 2012, il est nommé envoyé spécial conjoint de l’Union africaine et des Nations unies, pour le Darfour et chef de la mission de paix hybride UA/ONU au Darfour.
Depuis septembre 2014, Mohamed Ibn Chambas est le représentant spécial du Secrétaire général de l’ONU et chef du Bureau des Nations unies pour l’Afrique de l’Ouest (United Nations Office for West Africa, UNOWA), renommé Bureau des Nations unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel (UNOWAS).
Dans cette contribution au débat de WATHI sur les organisations régionales ouest-africaines, Dr Chambas s’exprime en tant que citoyen concerné par l’état et les perspectives de la région.