EXTRAITS DE L’INTERVIEW
De grands progrès dans la libre circulation des personnes, des obstacles persistants dans celle des biens
Le fait que la CEDEAO soit une région où les citoyens peuvent voyager sans exiger de visa est une réussite énorme, et, comme vous le savez, sur le continent, c’est la seule région qui a atteint ce niveau. C’est une grande région, en fait la plus grande région de l’Afrique.
Bien sûr, nous devons continuer à travailler sur les barrages routiers et autres obstacles pour obtenir une libre circulation optimale des personnes mais également celle des biens et des services. Dans le domaine de la libre circulation des capitaux, beaucoup a été réalisé, en grande partie grâce à un certain nombre de banques qui ont maintenant des filiales à travers la région.
Si nous arrivons au point où vous pouvez prendre un train de Lagos pour aller à Abidjan, cela stimulera énormément le commerce car tout ce «personnel non autorisé», qui se tient sur la route pour empêcher la libre circulation, aura du mal à arrêter un train qui roule
Nous devons travailler davantage sur la circulation sur les routes et sur le dédouanement des marchandises, de sorte que si une personne veut importer quelque chose de la Guinée vers la Côte d’Ivoire, elle ne rencontre pas autant d’obstacles qu’actuellement. C’est lorsque nous arriverons à faciliter cette libre et rapide circulation des biens que nous pourrons vraiment parler d’une forte intégration du marché.
La faiblesse des infrastructures est un maillon faible du projet d’intégration en Afrique de l’Ouest. Les routes ne sont pas en très bon état. Il existe très peu de chemins de fer. Si nous arrivons au point où vous pouvez prendre un train de Lagos pour aller à Abidjan, cela stimulera énormément le commerce car tout ce «personnel non autorisé», qui se tient sur la route pour empêcher la libre circulation, aura du mal à arrêter un train qui roule.
Il devrait y avoir un plaidoyer fort pour lier l’Afrique de l’Ouest par voie ferroviaire. Ce serait moins coûteux sur le long terme, et ce serait un bon moyen de contourner tous ces obstacles routiers illégaux.
L’interconnexion des réseaux énergétiques est aussi importante. Nous avons d’énormes ressources énergétiques en Afrique de l’Ouest et nous devons exploiter cela et le distribuer dans toute la région pour stimuler et accélérer les échanges économiques. Nous devons procéder à une combinaison saine de toutes ces ressources.
CEDEAO ET UEMOA: éviter la superposition et travailler à l’intégration monétaire de la région
En ce qui concerne les questions d’intégration plus vastes, comme la création d’un marché unique, l’intégration économique, une union douanière, le développement des infrastructures régionales, je pense qu’il serait bon que les pays de l’espace ouest-africain alignent et orientent leurs efforts sur les programmes déjà développés et harmonisés entre la CEDEAO (http://bit.ly/2ePQQnJ) et l’UEMOA (Union économique et monétaire de l’Afrique de l’Ouest, composée de huit pays qui partagent la monnaie franc CFA http://bit.ly/2wUn62M).
Nous devons éviter le dédoublement des tâches car nos pays n’ont tout simplement pas les ressources nécessaires pour avoir deux plans différents pour l’intégration. Les mêmes règles s’appliquent lorsqu’il s’agit de construire une route de Dakar à N’Djamena qui sera profitable aux pays de l’UEMOA comme elle le sera pour les pays de la CEDEAO. Voyons comment procéder à une division du travail et qui va gérer cela. Pour ce qui est du développement du réseau ferroviaire, les espaces se chevauchent. Les équipes chargées de l’infrastructure devraient alors harmoniser leurs actions et décider de qui va s’occuper de quelle partie.
Dans le domaine de l’intégration monétaire, franchement, le jour où nous réaliserons une intégration monétaire en Afrique de l’Ouest, il n’y aura plus besoin de parler de deux organisations régionales. D’un point de vue général, la vision des dirigeants de la région est de travailler à avoir en fin de compte une monnaie commune, et, à ce moment-là, il y aura naturellement une fusion entre les deux organisations (CEDEAO ET UEMOA).
Il devrait y avoir un plaidoyer fort pour lier l’Afrique de l’Ouest par voie ferroviaire. Ce serait moins coûteux sur le long terme, et ce serait un bon moyen de contourner tous ces obstacles routiers illégaux
J’ai également en perspective toutes ces choses qui conduiront à la convergence des deux organisations et à un espace commun de l’Afrique de l’Ouest. Nous rencontrons les mêmes défis dans cet espace commun de l’Afrique de l’Ouest, les défis du développement, de la pauvreté, du faible commerce intra-régional, du faible développement des infrastructures régionales, de la paix et de la sécurité. Dans ce domaine justement, les pays d’Afrique de l’Ouest ont enregistré un bon bilan en montrant que les dirigeants, les individus, les organisations de la société civile etc., peuvent créer un espace où se développent la démocratie et les libertés fondamentales en même temps que l’établissement des règles claires de gouvernance, de responsabilité et des normes constitutionnellement acceptées pour l’élection des dirigeants et l’instauration de la gouvernance.
Il existe une bonne collaboration entre l’UEMOA et la CEDEAO qui fait que lorsqu’il est question de problèmes de paix et de sécurité dans la région, la CEDEAO prend les devants et travaille en étroite collaboration avec l’UA (Union africaine), avec l’ONU et d’autres partenaires tels que l’UE (Union européenne).
Dr Mohamed Ibn Chambas a été le dernier secrétaire exécutif de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) de 2002 à 2005 et le premier président de la Commission de la CEDEAO de 2006 à 2009. Il a donc joué un rôle clé dans l’organisation à un moment charnière de son évolution, celui des réformes institutionnelles de 2006.
Né le 7 décembre 1950 au Ghana, Mohamed Ibn Chambas est un avocat, diplomate, politicien et universitaire du Ghana. Il est diplômé en sciences politiques de l’Université du Ghana, Legon (B.A. 1973) et de l’Université Cornell Ithaca, New York (M.A. 1977, Ph.D. (1980) et est titulaire d’un diplôme en droit de l’Université Case Western Reserve, à Cleveland, dans l’Ohio.
L’expérience du Dr Chambas sur la scène internationale et africaine est ancienne. Parmi les premiers postes politiques qu’il occupe au Ghana figure celui de vice-ministre des Affaires étrangères en 1987. Député de Bimbilla, au nord du pays, de 1993 à 1996, il devient vice-ministre de l’Education en charge de l’Enseignement supérieur en 2000. Sur la scène africaine, il devient membre du Groupe d’action ministériel du Commonwealth chargé de faciliter une transition démocratique et constitutionnelle au Nigéria, en Sierra Leone et en Gambie. Il joue ensuite un rôle important en tant que médiateur entre les parties de la première guerre civile au Libéria dans les années 1990 et plus tard lors de la guerre civile en Côte d’Ivoire au début des années 2000.
Après son départ de la CEDEAO, Mohamed Ibn Chambas est nommé secrétaire général du groupe ACP (Groupe des Etats d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique) en novembre 2009. En décembre 2012, il est nommé envoyé spécial conjoint de l’Union africaine et des Nations unies, pour le Darfour et chef de la mission de paix hybride UA/ONU au Darfour.
Depuis septembre 2014, Mohamed Ibn Chambas est le représentant spécial du Secrétaire général de l’ONU et chef du Bureau des Nations unies pour l’Afrique de l’Ouest (United Nations Office for West Africa, UNOWA), renommé Bureau des Nations unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel (UNOWAS).
Dans cette contribution au débat de WATHI sur les organisations régionales ouest-africaines, Dr Chambas s’exprime en tant que citoyen concerné par l’état et les perspectives de la région.
4 Commentaires. En écrire un nouveau
La CEDEAO se doit d’abord de travailler pour avoir une monnaie commune, avec cette monnaie vous auriez une banque ouest africaine qui pourrait à tout moment financé les différents projets d’intégration, si non ça serait difficile que les institutions internationales finance des tels projets pour motif qu’il n’y a pas de bonne expertise. Donc travaillons pour avoir une monnaie commune
Les projets ferroviaires nationaux sont bloques par la Banque Mondiale qui faute davoir d’expert ferroviaire digne de ce nom a poussé les etats africains vers les privatisations sauvages.Aujourd’hui le seul partenariat pouvant nous aider à lintegration ferroviaire c’est de se tourner vers la chine.Mais nos dirigeants en ont ils le courage et la clairvoyance ?Cest là tout le probleme.Sinon la construction dun chemin de fer de 1200 km est une niche d’emploi direct et indirect.
Les defis de l’Afrique vont au-dela des Infrastructures pour composer en tout quatre “I” : Investissements; Innovation technologique; Institutions.
L’integration a quatre formes essentielles en Afrique : 1) l’integration par la production; 2) l’integration par le marche; 3) l’integration par les regles et 4) l’integration par les institutions. Quelle est celle qui a le mieux reussi? A mon avis c’est celle par le marche avec un signe monetaire commun a travers l’UEMOA malgre les critiques. L’integration par la production a le moins bien reussi et ceci a cause des egoismes nationaux pour contrer l’etroitesse des marches interieurs liee a la faiblesse des populations et des revenus.
Ce grand intellectuel et digne fils africain a fini de camper le débat aprés avoir cerner évidemment la problématique du développement de l’Afrique.