Auteur (s) :
Fatoumata Sy,
Directrice de l’Unité de coordination du partenariat de Ouagadougou (UCPO), Madame Sy aborde la question du planning familial en Afrique de l’Ouest francophone
A propos du Partenariat de Ouagadougou :
Le Partenariat de Ouagadougou a été lancé à Ouagadougou en février 2011 au Burkina Faso par les 9 gouvernements des pays francophones de l’Afrique de l’Ouest et leurs partenaires techniques et financiers pour accélérer les progrès dans l’utilisation des services de planification familiale au Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée, Mali, Mauritanie, Niger, Sénégal et Togo. Le partenariat de Ouagadougou mise sur une meilleure coordination entre les bailleurs de fonds pour optimiser leurs soutiens aux pays et également sur une collaboration et coopération aux niveaux national et régional pour remédier au taux élevé des besoins non satisfaits en matière de planification familiale.
Plus d’informations sur le site web du Partenariat de Ouagadougou.
Source:
RFI, Emissions internationales
Date de publication
25 mars 2018
Extraits de l’interview :
La planification familiale est beaucoup plus soutenue par les pays (bailleurs de fonds) anglophones que les pays francophones. Les normes sociales constituent une très grande barrière en Afrique de l’Ouest francophone. Dans ces pays, les sociétés sont pro-natalistes et il y a souvent une interprétation particulière de la religion. En plus les enfants constituent une ressource pour la promotion de la femme parce qu’ils représentent une force de travail.
Dans le cadre du programme, des pays comme la Côte d’Ivoire et le Burkina avancent bien pendant que d’autres comme le Niger, le Mali et la Mauritanie sont à la traîne. Cela s’explique par un problème de volonté politique et de norme sociale. Les normes sociales en matière de contraception sont beaucoup plus lourdes dans un pays comme le Niger que dans un pays comme la Côte d’Ivoire. Toujours est-il que les leaders de nos pays ont compris que si on veut aller vers l’émergence économique et l’autonomisation de la femme, il faut absolument investir dans cela.
Dans le cadre du partenariat, nous avons une communauté de religieux (musulmans, chrétiens, religions traditionnelles africaines…) avec qui nous travaillons de manière participative et collaborative
Nous avons fait beaucoup de progrès mais dans ces progrès il y a des pays qui avancent plus que d’autres. Au delà des normes sociales, il y a un problème d’investissement. Il y a une volonté politique pour financer et aller un peu plus vers l’amélioration du programme et repositionner la planification familiale mais les investissements restent un problème.
Dans le cadre du partenariat, nous avons une communauté de religieux (musulmans, chrétiens, religions traditionnelles africaines…) avec qui nous travaillons de manière participative et collaborative. Ils ont développé des argumentaires partant des écrits religieux qui montrent que pour préserver la santé de la femme et de l’enfant, pour avoir des familles équilibrées, il faut absolument qu’on aille vers l’espacement des naissances.
On ne peut pas dire que tous les religieux sont pour la planification familiale mais ce que nous demandons aux religieux avec lesquels nous travaillons c’est de nous aider à parler de l’espacement des naissances pour le bien être de la femme, de la famille et de l’enfant. Aucune religion n’est contre cela. Nous demandons également aux religieux de nous aider à lutter contre les mariages précoces.
On ne peut pas dire que tous les religieux sont pour la planification familiale mais ce que nous demandons aux religieux avec lesquels nous travaillons c’est de nous aider à parler de l’espacement des naissances pour le bien être de la femme, de la famille et de l’enfant
Un pays comme la Côte d’Ivoire est à la tête du partenariat de Ouagadougou en termes de résultats et nous savons que c’est une femme qui est à la tête du ministère de la santé. Pendant très longtemps, le Sénégal était aussi à la tête du mouvement avec des progrès extraordinaires que le monde entier regardait et il y avait aussi une femme qui dirigeait ce ministère.
Nous avons aussi des hommes avec nous qui sont aussi des champions de la planification familiale, c’est le cas du ministre de la santé du Burkina Faso. Aujourd’hui le Burkina est devenu leader dans le partenariat de Ouagadougou en termes de planification familiale. Donc c’est pour dire que la femme pourrait avoir plus de sensibilité, comprendre mieux, faire avancer l’agenda plus rapidement que les hommes mais il ne faut pas généraliser car parmi les hommes leaders, nous avons aussi nos champions.
Aujourd’hui le Burkina est devenu leader dans le partenariat de Ouagadougou en termes de planification familiale
Un de nos combats dans le partenariat de Ouagadougou est d’amener les pays à investir davantage dans la planification familiale parce que 1 dollar investi dans la planification familiale c’est 4 dollars de moins investis dans les soins liés aux complications pendant les grossesses par exemple. Il faut que nos pays commencent à voir la planification familiale comme étant un investissement pour aller vers l’émergence économique. Au début du partenariat, on avait des taux de prévalence contraceptive de 8%, aujourd’hui on peut dire que l’ensemble des pays ont presque doublé leur taux de prévalence contraceptive. Cela montre qu’il n’est jamais tard pour bien faire.
Il est temps qu’il y ait une révolution non pas seulement sur la contraception mais sur le statut de la femme. Et c’est là que nous appelons toutes les forces vives y compris la société civile parce que si vous regardez le code de la famille dans l’ensemble de nos pays, l’âge pour le mariage est à partir de 18 ans mais ce n’est pas respecté. La loi est là mais c’est l’application qui fait défaut.
Au début du partenariat, on avait des taux de prévalence contraceptive de 8%, aujourd’hui on peut dire que l’ensemble des pays ont presque doublé leur taux de prévalence contraceptive. Cela montre qu’il n’est jamais tard pour bien faire
Il y a aujourd’hui des discussions sur l’intégration de modules d’éducation sexuelle dans les curricula de formation, déjà au niveau de l’école primaire pour arriver aussi au secondaire. Donc il y a des choses qui sont en train d’être initiées mais ça prendra certainement du temps parce que dans tous les systèmes scolaires, la révision des modules de formation ça prend tout un temps. En attendant, nous avons des programmes d’information et de communication avec les familles et les communautés pour pouvoir arriver à cela.
J’ai toujours dit que l’avortement c’est l’échec de la planification familiale. Mon combat c’est de faire en sorte que les filles et les femmes ne soient pas amener à avoir à faire ce choix. Dans la déclaration de Maputo, ce que la plupart des pays veulent faire c’est avoir l’accès à l’avortement sous certaines conditions en cas de viol, d’inceste ou quand la vie de la femme est en danger, mais cela ne passe pas encore dans nos politiques et dans nos stratégies. Cela est encore à l’étude et l’argument c’est la religion, on dit que la religion interdit toute forme d’avortement…
Aujourd’hui, un des grands problèmes aussi c’est de voir que dans nos pays nous n’avons pas les ressources humaines, nous n’avons pas assez de médecins, pas assez de sage-femmes ni d’infirmiers
Décembre dernier, nous avons eu notre réunion annuelle pour faire le point sur l’état d’avancement du partenariat de Ouagadougou et nous nous sommes rendus compte qu’entre 2015 et 2017, nous avons atteint à peu près 900 000 femmes additionnelles utilisatrices des méthodes modernes de contraception, ce qui fait que nous sommes à 41% de notre objectif qui est d’arriver à 2 200 000 femmes additionnelles entre 2016 et 2020.
Nous avons beaucoup de stratégies communautaires. Aujourd’hui, un des grands problèmes aussi c’est de voir que dans nos pays nous n’avons pas les ressources humaines, nous n’avons pas assez de médecins, pas assez de sage-femmes ni d’infirmiers. Pour pallier cela, nous faisons appel à des agents de santé communautaires qui sont issus de la communauté et formés pour mener des stratégies avancées. Nous travaillons aussi sur la chaîne d’approvisionnement du système de santé pour faire en sorte que les produits contraceptifs arrivent jusqu’au dernier kilomètre.
La contraception c’est un droit, il ne faut pas que ça soit juste pour une élite..
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