Hodé Luphin
Le Bénin est un pays francophone d’Afrique de l’Ouest à faible revenu. Sa population était, en 2015, de 10,879 millions d’habitants. Le revenu annuel par habitant était de 517300 francs CFA et le taux de pauvreté de 36,2%. L’espérance de vie était de 59,51 ans. La population potentiellement active (15-64 ans) représentait 52,5% de la population. En 2012, la population urbaine était estimée à 45,7%.
Le système sanitaire au Bénin est pyramidal et à trois niveaux : le niveau périphérique représenté par les centres de santé communaux ou d’arrondissement, le niveau départemental représenté par les hôpitaux départementaux et le niveau national représenté par le Centre national hospitalier universitaire Hubert Koutoukou Maga (CNHU-HKM). Le CNHU-HKM a une capacité de 642 lits et dispose d’un service d’accueil des urgences, de deux salles de réanimations polyvalentes d’une capacité cumulée de 24 lits avec 12 respirateurs (soit 1 unité pour 1 million d’habitants) mais nous ne disposons pas de moniteur de surveillance de la pression intracrânienne.
L’insuffisance d’unités de réanimation est évidente avec un ratio de 1 unité pour 1 million d’habitants au Bénin, comme dans d’autres pays d’Afrique subsaharienne comme l’Ouganda, alors que ce ratio est de 89 unités pour 1 million d’habitants en Afrique du Sud, de 16 unités pour 1 million d’habitants au Sri Lanka et de 200 unités pour 1 million d’habitants aux États-Unis d’Amérique.
Le coût d’un scanner cérébral est de 80000 FCFA alors que le salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG) est de 40000 FCFA
Le Bénin comptait au début de l’année 2018 neuf neurochirurgiens en exercice dans le pays, soit un ratio de 1 pour 1 million d’habitants. Cinq de ces neurochirurgiens exerçaient à Cotonou, la principale ville du Bénin, dont deux dans le grand hôpital universitaire, le CNHU-HKM. En Afrique subsaharienne, ce ratio est en moyenne de 1 pour 3 millions d’habitants. Ce ratio est de 1 pour 200000 habitants dans les pays développés.
Pour illustrer les difficultés de prise en charge des patients, prenons l’exemple des traumatismes crâniens, un sujets sur le quel nous avons fait quelques travaux de recherche. Les traumatismes crâniens sont les affections traumatiques les plus fréquentes, concernant le tiers des malades reçus pour traumatisme. La grande majorité de ces traumatismes(90%) sont dus aux accidents de la circulation.
Le transport des patients vers la première structure d’accueil était assuré par les sapeurs pompiers dans 66,7% des cas, des motocyclistes dans 13,1% des cas, des véhicules personnels dans 9,8% des cas, des taxis de ville dans 2,4% des cas, des ambulances dans 1,3% des cas et par le service d’aide médicale d’urgence (SAMU) dans 0,3% des cas. Le transfert de l’hôpital d’accueil vers le CNHU-HKM, l’hôpital national de référence, a été assuré par des taxis dans 40,4% des cas, des ambulances médicalisées dans 21,3% des cas, des ambulances non médicalisées dans 13,5% des cas et les sapeurs pompiers dans 2,2% des cas.
Le coût de la prise en charge d’un traumatisé crânien varie entre 37375 FCFA et 1344920 FCFA par patient à la phase d’urgence avec une moyenne de 123500 FCFA pour les traumatisés légers et 342500 FCFA pour les traumatisés crâniens graves
La première difficulté est que toutes les prestations de soins devaient être payées par l’entourage des victimes, en dehors de l’hospitalisation, avant que les soins ne soient administrés. Le coût d’un scanner cérébral est de 80000 FCFA alors que le salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG) est de 40000 FCFA. Conséquence : le délai moyen de la prise en charge neurochirurgicale était de 120 ±152,32 heures, un temps souvent nécessaire à l’entourage du patient pour réunir la somme nécessaire alors qu’il est recommandé de traiter ces patients dans un délai de 24 heures.
Le coût de la prise en charge d’un traumatisé crânien varie entre 37375 FCFA et 1344920 FCFA par patient à la phase d’urgence avec une moyenne de 123500 FCFA pour les traumatisés légers et 342500 FCFA pour les traumatisés crâniens graves. Pour toutes ces raisons combinées, nous avons un taux de morbidité et de mortalité plus important.
La principale cause de survenue de ces traumatismes crâniens au Bénin (90% des traumatismes crâniens) réside dans les accidents de la circulation dont les motocyclistes sont les principales victimes (environ 70%). L’incidence des accidents de circulation en Afrique subsaharienne varie entre 150 et 170 cas pour 100000 habitants alors que l’incidence mondiale est de 106 cas pour 100000 habitants.
Il faut améliorer l’organisation du système sanitaire en généralisant l’assurance routière au motocyclistes et ce système de tiers payant permettrait de prendre en charge des patients victimes d’accidents de la circulation sans délai
Il ressort de nos enquêtes que des accidents ont lieu surtout les week-ends et les soirs entre 18 h et minuit (retour du travail avec la fatigue et baisse de la vigilance) et qu’un certain nombre d’accidents à moto sont dus au mauvais état des voies de circulation.
Il parait primordial de mettre l’accent sur la prévention. Ce qui a commencé à être fait au Bénin avec la loi sur l’obligation de port de casque pour les motocyclistes depuis août 2014. L’impact de cette mesure a été immédiat avec une réduction de 54% de la fréquence des admissions des victimes de traumatismes crâniens au CNHU-HKM de Cotonou. Les mesures préventives devraient s’intensifier et se généraliser sur toute l’étendue du territoire. Ces mesures passent par la sensibilisation au respect du code de la route, l’instauration du permis de conduire pour les motocyclistes, l’éclairage public et l’amélioration des voies de circulation.
Il faudrait généraliser l’assurance routière aux motocyclistes avec un système de tiers payant qui permettrait de prendre en charge des patients victimes d’accidents de la circulation sans délai. La mise en place d’une telle assurance appelle au sens de responsabilité de chaque individu. Si on arrive à trouver entre 500000 et 1 million de francs CFA pour acheter une moto et payer les frais de formalités de 11000 FCFA pour une plaque d’immatriculation, une assurance de 1000 FCFA par mois ne devrait pas poser un problème lorsqu’on en comprend le bien-fondé. Nous jouons aux victimes alors que, parfois, les solutions sont à notre portée.
Il parait primordial de mettre l’accent sur la prévention. Ce qui a commencé à être fait au Bénin avec la loi sur l’obligation de port de casque pour les motocyclistes depuis août 2014. L’impact de cette mesure a été immédiat avec une réduction de 54% de la fréquence des admissions des victimes de traumatismes crâniens au CNHU-HKM de Cotonou
La formation de plus de neurochirurgiens comme celle d’autres spécialistes, notamment les réanimateurs, s’avère également nécessaire de même que l’amélioration du plateau technique.
Une autre difficulté résulte de la législation pour ce qui est des malformations chez les enfants qui parfois ne sont pas compatibles avec la vie comme l’hydranencéphalie ou anencéphalie (enfant né sans cerveau). Au Bénin, une femme ne peut avorter que si sa vie est en danger, pas si celle de l’enfant est en danger. D’où la naissance d’enfants ayant des malformations incompatibles avec la vie et pour lesquels il n’y a aucune structure d’accompagnement et de soutien destinée aux parents.
Photo : beninrevele.com
Docteur Hodé Luphin est spécialiste en neurochirurgie au Centre national hospitalier universitaire Hubert Maga de Cotonou depuis juillet 2012. Il a été formé notamment à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar et à l’Université de Strasbourg en France.
Pour aller plus loin : références bibliographiques de l’article
- Adhikari NK, Fowler RA, Bhagwanjee S, Rubenfeld GD: Critical care and the global burden of critical illness in adults. The Lancet 2010, 376(9749):1339-1346.
- Dechambenoit G: Access to health care in sub-Saharan Africa. Surgical Neurology International 2016, 7.
- Hode L, Madougou S, Fatigba HO, Hounnou P, Ebassa K, Moevi AAH, Assouto P: The direct cost of treatment of Traumatic Brain Injury in a sub-Saharan African country (Benin). World neurosurgery 2017, 99:210-213.
- Hode L, Mewanou S, Deffon Y, Agbo-Panzo M, Ouangre A, Madougou S: Traitement chirurgical des traumatismes crânio-encéphaliques à Cotonou: problèmes, résultats et perspectives. Neurochirurgie 2018.
- Fatigba O, Padonou J: Epidemiology of traumatic brain injuries in Parakou (Benin). African Journal of Neurological Sciences 2010, 29(1).
- Odero W, Garner P, Zwi A: Road traffic injuries in developing countries: a comprehensive review of epidemiological studies. Tropical Medicine & International Health 1997, 2(5):445-460.
- I. Hode PA, S. Djossou, P. Hounnou, A. Hans Moevi: Impact de la loi portant sur l’obligation du port du casque à Cotonou sur les traumatismes crânio-encéphaliques. Médecine d’Afrique Noire 2017, 69(8-9):423-429.
- Ordonnance n°73-14 du 08 février 1973 instituant un code de déontologie médicale.
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C’est clair et très explicite.
Aussi faut il noter les traumatismes crâniens concernent souvent les jeunes et une des causes est aussi l’alcoolisme. La prévention passera aussi par l’alcool test qui est d’ailleurs déjà initié le 12juillet dernier au Bénin .Il faut aussi que l’état béninois continue de prendre plus à ♥ la santé des compatriotes. Que les campagnes de sensibilisation à la jeunesse continuent et vive le Bénin