Article de Mauriac Ahouangansi , doctorant-chercheur béninois publié en collaboration avec Libre Afrique (29 juin 2017)
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Le système de santé présente de nombreuses défaillances depuis plusieurs années. Manque de moyens et corruption laissent les Béninois dans le stress à la première maladie. En réponse à cela, le Président Talon propose d’ouvrir ce secteur sensible aux entreprises privées en réalisant des partenariats public-privé. Cette mesure inquiète. Etonnante inquiétude car dans le contexte il y a peu de risques à oser !
Dans l’objectif de donner un nouveau visage au système sanitaire du pays, la commission chargée des réformes dans le secteur de la santé, installée par le Président Patrice Talon au Bénin, a proposé une mise en concession du Centre National Hospitalier Universitaire Hubert Koutoukou Maga (CNHU-HKM). Cette décision qui a provoqué beaucoup de controverses et susciter des appels à la grève au nom du rejet de la marchandisation des soins de santé.
Le système sanitaire béninois est confronté à de nombreuses difficultés traduites par un taux de mortalité maternelle de 351 décès pour 100 000 naissances vivantes ; un taux de mortalité néonatale de 38‰ naissantes vivantes, selon les dernières données officielles datant de 2014. La gouvernance publique a montré ses limites notamment en ce qui concerne l’autonomisation des centres avec une dette de 7 milliards de l’Etat envers le CNHU-HKM. Une dette constituée majoritairement de prises en charge de fonctionnaires non remboursées par les pouvoirs publics.
L’insolvabilité du CNHU-HKM dont l’Etat est garant n’est que la partie émergente des difficultés du centre. Souvent désespérés, les patients sont victimes de rançonnement de la part de certains agents corrompus pour avoir un lit, un suivi régulier, ou tout autre service auquel ils ont normalement droit. La marchandisation des soins de santé tant redoutée existe donc déjà dans le secteur public et n’est pas le propre du privé. Elle est due à la faiblesse des quantité et qualité de services dans le secteur public. Au Bénin il y 08 personnels qualifiés contre 23 recommandés pour 10 000 habitants selon les critères de l’Organisation Mondiale de la Santé, et 5 lits pour 10 000 habitants contre 63 recommandés par la même organisation. Face à ce tableau, la mise en concession peut être une alternative.
En effet la concession est une délégation de pouvoir public convenue sur une durée et selon des termes bien définis. Il ne s’agit donc pas d’une privatisation en bonne et due forme du centre. L’opération s’inscrit ici dans le cadre d’un partenariat public privé et peut servir à « mobiliser les ressources ou pour garantir une gouvernance de qualité » selon la réponse du ministre de la santé au parlement.
En ce qui concerne la mobilisation des ressources, la gestion du centre par un privé est plus à même de rassurer les potentiels investisseurs. Rappelons que l’Etat est un débiteur insolvable envers ses propres structures et se trouve donc dans l’incapacité d’investir pour l’amélioration de la qualité des services. Alors même que le CNHU-HKM ne désemplit jamais avec souvent des malades traités à même le sol, ce centre est encore dans l’incapacité d’assumer de façon autonome ses charges.
La mise en concession pourrait donc être la solution à ce déficit chronique de moyens financiers. De même, le système sanitaire actuellement tributaire des disponibilités budgétaires nationales donc en forte dépendance vis-à-vis de la volonté politique et de la qualité de la gestion au sommet, pourrait s’en trouver dépolitisé. L’amélioration de la gouvernance, sera un bénéfice de la mise en concession car les médecins ne sont pas formés pour gérer des hôpitaux mais pour soigner. La gestion privée selon la forme choisie pourra donc apporter, le capital, le matériel sophistiqué, les infrastructures, la discipline dans la gestion, la recherche et innovation dans les centres publics. Et les médecins pourront se consacrer à exercer leur art.
Même si l’expérience de mise en concession d’hôpital public universitaire n’a pas encore été enregistrée dans la sous-région, plusieurs expériences de gestion privée d’hôpitaux ont eu lieu avec d’autres centres hospitaliers au Bénin, en l’occurrence l’hôpital de Mènontin dans la ville de Cotonou. Ces expériences ont montré qu’une meilleure organisation du top management peut entraîner une réduction du coût et une meilleure gestion du personnel.
Au regard des comportements peu orthodoxes de certains praticiens qui, au lieu d’être présents et professionnels dans les centres de santé publics, passent leur temps à organiser le détournement des patients, des médicaments et des réactifs vers leurs cliniques privées, la mise en concession pourrait réellement être une solution.
Par ailleurs le Bénin n’est pas le seul pays de la sous-région où un partenariat public privé est envisagé dans le domaine santé. Le Togo et le Burkina-Faso aussi seraient en phase d’expérimenter la gestion privée de certains hôpitaux publics. Le pari de la libéralisation du secteur de la santé a été réussi par des pays comme le Brésil ou l’Inde qui en récoltent aujourd’hui les fruits. L’adoption d’un partenariat public privé dans ces pays au début des années 2000 a amélioré la couverture sanitaire et le niveau d’investissement.
Toutefois, l’intégration des investisseurs privés dans le secteur de santé devrait être régulée pour éviter les abus des opportunistes éventuels. Cela passe d’abord par des audits indépendants et objectifs identifiant les dysfonctionnements dans l’organisation des établissements hospitaliers pour pouvoir y apporter les réponses idoines.
Ensuite, l’instauration d’un cadre juridique et d’un cahier des charges clair précisant les droits et les obligations des parties publique et privée afin de faciliter l’évaluation et la reddition des comptes. L’état de droit doit être respecté dans ce domaine car c’est la seule garantie pour le patient de ne pas être abusé et la meilleure incitation pour l’investisseur pour placer son capital.
Enfin, il faudrait assainir l’environnement des affaires afin de permettre une égalité des chances en matière d’investissement dans ce domaine. C’est la condition incontournable pour que ce marché ne se transforme pas en un «gâteau» partagé entre quelques privilégiés qui ne manqueront pas de perpétuer les pratiques anti-concurrentielles.
A l’image du CNHU-HKM plusieurs centres hospitaliers font face à d’énormes difficultés face auxquelles le partenariat public privé sous forme de concession peut réellement constituer une alternative. L’implication du privé dans le secteur de la santé, via l’apport de financement et de bonne gouvernance, permettra de rééquilibrer le rapport de force entre le patient et le prestataire. Une bonne nouvelle pour tous ceux qui crient à l’exploitation des patients.
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