La Société d’études et de recherche en santé publique (SERSAP)
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La réforme des systèmes de santé est comprise comme étant des orientations définies et mises en œuvre dans le seul but d’améliorer les performances du système de santé. Cette amélioration de la performance des systèmes de santé cible deux niveaux : (i) les effets en termes d’amélioration de la couverture, de l’accès, de la qualité, de la sécurité dans l’offre de soins aux populations et (ii) les impacts en termes d’amélioration de l’état de santé des populations, de renforcement de l’équité d’accès aux soins, de pérennité des interventions etc.
Cependant, on note que l’initiation de certaines de ces réformes ne prend pas suffisamment en compte le contexte systémique dans lequel ces réformes doivent être mises en œuvre. Ce déficit conceptuel est illustré par le cas de la médicalisation de la première ligne au Burkina Faso.
Dans le contexte sanitaire du Burkina Faso, le système d’offre de soins est organisé en 4 échelons dont deux au niveau du système de santé de district (le centre de santé appelé centre de santé et de promotion sociale et l’hôpital de district appelé centre médical avec antenne chirurgicale). L’adoption de ce modèle d’offre de soins repose sur des choix précis : (i) n’avoir dans le district sanitaire que deux échelons de soins dans le but de réduire l’itinéraire thérapeutique des patients (ii) privilégier une concentration du personnel médical au niveau de l’hôpital de district et l’animation du réseau de centres de santé par des paramédicaux (iii) mettre l’accent sur la cohérence entre les différents échelons de soins en créant un gradient de compétences bien précis.
Cela permet que les relations techniques entre le centre de santé et l’hôpital de district soient clairement établies (iv) au-delà de la cohérence entre échelons de soins, ce choix permet aussi d’avoir une cohérence dans l’encadrement étant entendu que seule l’équipe cadre du district avec le personnel médical de l’hôpital assurent les fonctions d’encadrement technique de l’ensemble du dispositif.
La médicalisation de la première ligne est une décision prise par les autorités politiques et qui consiste à doter des chefs-lieux de commune par des centres médicaux c’est-à-dire des structures intermédiaires entre le centre de santé et l’hôpital de district. A la différence du centre de santé il y est affecté un médecin mais il n’existe pas de capacités chirurgicales comme dans l’hôpital de district. Cette mesure devra concerner plus de 200 localités et couvrir l’ensemble des districts actuellement fonctionnels.
Lorsque l’on considère le district comme un système cohérent avec des éléments interdépendants, on note la complexité que peut revêtir une telle réforme qui apparait a priori relativement simple à opérationnaliser : construire des locaux, les équiper et y affecter un médecin. En effet, la mise en place d’une structure médicale au sein du modèle ci-dessus décrit, soulève un certain nombre d’enjeux systémiques et l’on peut s’interroger sur leur prise en compte dans l’initiation de cette réforme. Cette prise en compte devrait se faire à travers une conceptualisation de cette réforme en termes de modèle à développer mais aussi en termes de mesures d’accompagnement pour continuer d’assurer l’équilibre du système.
Les principaux enjeux de système soulevés par cette réforme sont :
(i) dans le contexte actuel de transfert de compétences, le centre médical est une entité transférée aux communes et donc de ce fait devrait échapper au contrôle direct de l’équipe cadre de district qui n’assure qu’un rôle de tutelle ? Autrement dit, le médecin du centre médical n’est-il pas le principal artisan de la composante santé du plan communal de développement piloté par le conseil communal plutôt qu’un acteur du district sanitaire ?
(ii) dans la logique ci-dessus, le centre médical est-il un niveau de référence et d’encadrement pour les centres de santé de la commune dont il relève ? Et quel serait le dispositif de coordination avec les autres communes du district ainsi qu’avec l’équipe cadre du district ?
(iii) quel lien cohérent peut-on établir entre le centre médical et l’équipe cadre de district sanitaire ? Est-il membre de cette équipe ? Quel rôle lui est-il délégué ? Il faut noter par ailleurs que dans certains districts sanitaires existent plusieurs communes et donc plusieurs centres médicaux, comment assurer la coordination de l’ensemble de ce réseau en sachant que chaque commune dispose d’une autonomie plus effective que le district sanitaire.
Au-delà de ces dimensions systémiques que soulève cette initiative de réforme, se pose de nombreuses autres questions liées à sa pertinence, sa soutenabilité. En d’autres termes, quels sont les objectifs précis de cette réforme sur l’amélioration des effets et des impacts du système de santé de district ? Comment assurer une continuité et une permanence des prestations médicales en sachant que le médecin est tout seul et pourrait être non disponible pour diverses raisons ? Quel environnement de travail faut-il créer pour assurer une stabilité de ces médecins ? Ne va-t-on pas créer un délai supplémentaire en cas de référence ou d’évacuation en passant par le centre médical ? Etc.
Pour conclure, les systèmes de santé sont l’objet de nombreuses réformes afin de répondre aux évolutions constantes de l’environnement. Cependant, le cas de la médicalisation de la première ligne nous enseigne que ces réformes ne sont pas toujours mises en perspective avec la pensée systémique. Au-delà de la conception d’un modèle d’infrastructures et d’équipements, une telle réforme nécessite une conceptualisation qui non seulement, définit le projet de prestations envisagées pour plus d’effets et d’impact mais également cible les mesures à prendre pour assurer l’équilibre du système. La recherche peut aider à une meilleure rationalisation de la démarche.
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