Auteur(s): Amaury De Féligonde
Date de publication: 15 mai 2017
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La santé en Afrique a été plombée par des années de sous-investissement et de croissance démographique accélérée : l’Afrique sub-saharienne compte 1 médecin et 10 lits d’hôpital pour 10.000 habitants (l’OMS préconisant un ratio de 7 médecins et 30 lits d’hôpital).
La visite d’un hôpital en Afrique révèle souvent des réalités tragiques : patients non soignés faute de médicaments, soignants peu rémunérés et démotivés, état alarmant des infrastructures.
Indicateurs inquiétants
Les indicateurs reflètent ce drame : des dépenses de santé 10 fois inférieures à la moyenne mondiale, une espérance de vie inférieure de 14 ans à la moyenne mondiale pour un subsaharien et deux fois plus de risques de mourir à la naissance. Faute de choix, des milliers de patients se font soigner à l’étranger, occasionnant des sorties de devises massives. Face à cette situation dramatique, que faire ? Quelques pistes de réflexion peuvent être esquissées.
Premièrement, il faut de l’argent et de la méthode. Un nombre -encore restreint- d’États africains a fait des efforts conséquents pour atteindre l’objectif fixé à Abuja en 2001 (15% des dépenses publiques alloués à la santé). Les dépenses publiques par habitant sont passées de 70 à 160 dollars en quinze ans, et des systèmes de couverture santé ont été déployés avec succès, comme au Rwanda.
Dépenses à la charge des familles
Ces montants demeurent néanmoins dérisoires, vu le renchérissement des soins de santé -soigner un cancer coûte plusieurs milliers de dollars-. La majorité des dépenses demeure encore à la charge des familles, impliquant une grande inégalité dans l’accès aux soins. Au Niger et au Tchad, comme au Maroc, 63% des dépenses de santé sont privées (une proportion inverse à celle de la Suisse), et la majorité des patients atteints de maladies graves ne peuvent se soigner, faute de moyens.
Manque de personnels soignants
Des études estiment qu’au début des années 2000, 20.000 personnels soignants quittaient l’Afrique annuellement. 75 % des médecins formés au Mozambique exercent à l’étranger, tout comme 34 % des infirmières originaires du Zimbabwe. L’Île-de-France compte aujourd’hui plus de médecins béninois que le Bénin ! Certains pays ont réussi à endiguer, au moins partiellement, cette fuite des cerveaux (comme le Maroc ou l’Afrique du Sud) en proposant des outils de travail de qualité et des perspectives de carrière claires.
Vers de nouveaux modèles de santé
Troisièmement, il faut réinventer l’offre de soin, en l’adaptant aux besoins de l’Afrique et à ses ressources (qui demeureront limitées). Il s’agit de ne pas négliger les exigences de qualité des pays développés, tout en s’inspirant des nouveaux modèles de santé frugaux et innovants développés dans des pays pionniers comme l’Inde.
Ces nouveaux modèles se déploient déjà en Afrique. Les start-ups Vula Mobile (Afrique du Sud) ou Gifted Mom (Cameroun) permettent de mettre en contact des patients ruraux avec des spécialistes, via leur smartphone. La société Clinifit déploie en Afrique des cliniques « low-cost », alliant des techniques de construction en préfabriqué et des techniques médicales ambulatoires modernes. Le groupe Elsan souhaite également se développer en Afrique, en s’appuyant sur les médecins locaux pour monter des cliniques de qualité organisées en réseau, un concept encore largement inexistant en Afrique. Un modèle prisé par les fonds qui cherchent à s’impliquer dans la santé, à large échelle, à l’image de Abraaj, Satya Capital ou de la SFI.
La refondation du secteur africain de la santé est un défi monumental. Il appartient aux Etats d’investir massivement, avec discernement et méthode. Au secteur privé d’appuyer leur action, en inventant des solutions innovantes et adaptées au continent pour offrir aux citoyens (y compris les plus modestes) des soins de qualité à des prix acceptables. Tout cela dans un contexte de croissance démographique accélérée, d’explosion des maladies chroniques et de fortes contraintes budgétaires. Une opération complexe et de longue haleine, qui seule pourra sauver le secteur de la santé, un patient à traiter d’urgence…
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