Les femmes dans la société sénégalaise « Historiquement, la femme en Afrique a toujours occupé une place très importante, c’est factuel. Je crois que le Sénégal ne fait pas exception. On a eu des femmes extrêmement présentes, extrêmement combatives, même pendant l’histoire coloniale du Sénégal et avant. Les femmes se sont illustrées par leur combativité et aussi par leur capacité à pouvoir défendre leurs convictions et à défendre les intérêts de leur communauté. Nous avons toujours eu des femmes extrêmement fortes. C’est la première chose. La deuxième chose, c’est qu’au Sénégal, nos mamans, nos tantes, nos grands-mères sont « multitâches ». C’est-à-dire qu’à la fois, elles gèrent le foyer et l’éducation des enfants, travaillent bien souvent pour compléter le revenu de la maison et en même temps, elles doivent gérer la vie sociale qui est très dense et très présente dans notre communauté. Elles interviennent dans un très large spectre. Les femmes sénégalaises ont cela en particulier, elles sont très impliquées dans tout ce qu’elles font. Elles se donnent beaucoup pour réussir, non seulement personnellement, mais aussi pour faire réussir leur famille et leurs enfants. Sur le plan politique, le Sénégal se distingue aujourd’hui avec une loi sur la parité. Dans les instances comme l’Assemblée nationale, les femmes représentent 42% des députés. Malgré cette avancée, elles doivent être encore plus représentées dans toutes les instances de décision. Parce que tout simplement, c’est en y étant mieux représentées et en étant plus présentes dans toutes ces instances, que nous allons parvenir à faire avancer les choses, à faire avancer nos causes et à rendre juste ces instances plus représentatives de la société eu égard à notre proportion dans la population. » L’accès aux ressources financières « Aujourd’hui, force est de constater que lorsqu’on regarde les chiffres, les femmes ont du mal à avoir accès aux ressources financières pour la simple et bonne raison que souvent nous avons de faibles taux d’alphabétisation. Cela rend plus complexe le fait de pouvoir monter un dossier de financement et aller approcher les banques. Ce qui est dommage, parce que finalement, nous nous rendons compte que lorsque des prêts leur sont accordés, elles les remboursent souvent mieux et plus rapidement. Il existe des initiatives dans le domaine public, je pense notamment à la Délégation à l’entreprenariat rapide (DER), qui a vocation de financer les projets portés par des jeunes et par des femmes. Je pense que ces initiatives sont forcément à encourager. A l’échelle locale, la mairie de Dakar avait lancé un fonds dédié au financement des femmes. Ces initiatives doivent être mieux connues aussi des femmes elles-mêmes. Cela ne doit pas se limiter à la périphérie de Dakar. Il faut aller aussi à l’intérieur du pays. Il faut expliquer aux femmes quelles sont les démarches à suivre, quels sont les critères pour l’acquisition des financements. Il faut également les accompagner dans ce processus pour faire en sorte que non seulement cela bénéficie à un nombre important de femmes, mais aussi qu’on s’assure que les fonds qui leur seront alloués soient réellement efficaces dans l’accélération de l’activité économique. Il y a aussi, fort heureusement, des initiatives du secteur privé qui sont extrêmement encourageantes. Prenons l’exemple du Women’s Investment Club, où ce sont des femmes sénégalaises qui se sont réveillées, ont pris l’initiative de se mobiliser afin de financer par leurs propres ressources des projets d’autres femmes. Ces initiatives sont très utiles vu qu’elles sont portées par des femmes qui connaissent mieux nos réalités. Il est plus évident d’accompagner, de conseiller et de favoriser une meilleure structuration pour ces femmes soutenues financièrement. Les résultats sont très concrets. » Les obstacles à l’autonomisation économique des femmes « Au-delà de l’alphabétisation qui s’améliore, il y a aussi, je pense, le fait de devoir continuellement essayer de gérer plusieurs choses. Je disais que c’était un avantage, mais souvent aussi, cela peut être quelque chose qui peut limiter les femmes sur la possibilité d’avoir des ambitions. Je donne un exemple très concret. Quand une femme évolue dans une famille où on lui dit que tout est possible et que son frère, étant un garçon, doit aussi pouvoir se lever, débarrasser la table et aider aux tâches ménagères, une famille où elle voit sa mère elle-même être une entrepreneure, cela l’incitera à aller beaucoup plus loin et à être encore plus ambitieuse. En outre, il y a des a priori et des préjugés que nous observons un peu partout et qui ont le « cuir dur ». Il faut que nous soyons extrêmement vigilants sur ces points, car cela peut être un frein au développement économique, à l’initiative entrepreneuriale et aux activités des femmes sénégalaises. Nous devons être conscients et prendre le pari d’investir sur la promotion des femmes qui exercent dans des secteurs diversifiés, notamment dans des secteurs qui, à tort, sont perçus traditionnellement comme des métiers d’hommes. Je vois des femmes qui sont dans les domaines de l’aviation, de l’industrie pharmaceutique, je vois des femmes qui sont dans le secteur difficile des mines. Il faut que toutes ces femmes puissent prendre la parole et qu’elles expliquent leur parcours, qu’elles expliquent ce par quoi elles sont passées, qu’elles expliquent comment est-ce qu’elles ont réussi à contourner toutes ces difficultés. C’est très important parce qu’à la fois, cela va permettre d’inspirer d’autres femmes, mais cela va aussi permettre de changer la perception que nous avons des femmes. Il n’y a pas de métier d’hommes. Il y a des métiers qui sont portés par des hommes et des femmes, qui font preuve de volonté et qui sont soucieux de pouvoir développer leurs compétences et de faire un travail d’excellence, peu importe le secteur dans lequel ils se trouvent. Ces obstacles qui existent doivent aussi être combattus à l’échelle même de la famille. Cela commence dans le cercle familial. Il faut arrêter ces schémas où la femme est considérée comme étant exclusivement dédiée aux tâches ménagères. Je pense qu’aujourd’hui, les femmes sénégalaises sont de plus en plus conscientes qu’elles ont toute la place à devoir occuper. » L’importance pour notre société de parvenir à une autonomisation effective des femmes « Les femmes représentent au Sénégal plus de la moitié de la population, à l’échelle africaine c’est la même réalité. On ne peut pas vouloir une grande économie nationale et se développer, en se privant de 54% de sa population. Il faut impérativement compter sur la femme. Nous devons avancer avec elle et elles doivent occuper toutes les positions qui leur reviennent. Les femmes sénégalaises sont très actives, très dynamiques et pèsent sur la croissance et le développement économique de notre pays, donc nous ne pouvons pas ne pas avoir des femmes qui soient représentées à des niveaux décisionnels importants. Il faut que nous arrivons à encourager cela, notamment dans les grandes entreprises. Il faut que nous encourageons le fait qu’il y ait plus de femmes qui soient représentées au niveau des banques. Il nous faut avoir plus de femmes qui parviennent à s’investir à de hauts niveaux dans la politique. Encourageons les femmes qui s’investissent à des niveaux décisionnels importants dans le secteur public et dans le secteur privé, parce que c’est aussi la meilleure manière de pouvoir s’impliquer et faire valoir les intérêts, les causes et les droits des femmes. » L’accompagnement des femmes entrepreneures au-delà de l’aspect financier « Il y a toute une vague, une espèce de mode de l’entrepreneuriat où la question, c’est de dire notre problématique est l’accès au financement. L’argent n’est pas ce qu’il y a de plus compliqué à trouver. L’argent se trouve facilement quand les projets sont bien montés, bien structurés et quand les personnes qui sont à l’initiative de ces projets savent exactement là où elles veulent aller et qu’elles sont outillées intellectuellement, qu’elles ont suffisamment de bagage, soit pour mener à bien leur propre barque, soit pour s’entourer des personnes qui vont être en mesure de pouvoir les conseiller, les orienter et les aider finalement à structurer leur modèle économique. C’est la première chose. La deuxième chose, c’est qu’au-delà de pouvoir réussir à se financer, nous avons observé que les entrepreneurs, de manière générale, et les femmes en particulier, ont besoin d’être accompagnés, d’être conseillés. Il faut qu’elles aient un accès à l’information qui soit plus important et un accès aux données. Le fait de savoir, lorsqu’on considère un marché, de quoi ce marché est-il composé, quelles sont les vraies fenêtres d’opportunités, rend tout de suite l’activité et le projet beaucoup plus opérant et beaucoup plus efficace lorsqu’on arrive à la phase de la mise en œuvre. Donc, la structuration, l’accompagnement, le conseil, le renforcement de capacités sont importants. Nous sommes dans une culture qui est aussi très francophone, malheureusement. Et on se rend compte qu’en comparant avec les anglophones, les femmes ont beaucoup moins de mal à présenter leurs projets. Elles ont moins de mal à s’exprimer, à prendre la parole en public et à défendre leurs projets d’entreprise. L’argent n’est pas ce qu’il y a de plus compliqué à trouver. L’argent se trouve facilement quand les projets sont bien montés, bien structurés et quand les personnes qui sont à l’initiative de ces projets savent exactement là où elles veulent aller et qu’elles sont outillées intellectuellement, qu’elles ont suffisamment de bagage, soit pour mener à bien leur propre barque, soit pour s’entourer des personnes qui vont être en mesure de pouvoir les conseiller, les orienter et les aider finalement à structurer leur modèle économique C’est moins le cas dans les pays et dans les zones francophones, parce qu’on a moins l’habitude de prendre la parole. Cette dimension du leadership, c’est un point sur lequel il faut aussi insister. Il faut des formations très opérationnelles, très techniques en fonction du secteur d’activité, du projet sur lequel la femme veut entreprendre. Il faut également des notions de développement personnel, de leadership sur lesquelles les acteurs qui s’impliquent et qui accompagnent les femmes doivent proposer un accompagnement de qualité. On ne peut pas juste se contenter de donner de l’argent. Il faut vraiment accompagner ces femmes entrepreneures. » Le message aux femmes « Ce qui me vient, c’est d’abord un extraordinaire et sincère bravo ! Bravo parce que je suis admirative et je suis extrêmement fière de voir des femmes aussi combatives, des femmes aussi résilientes qui, malgré le contexte qui est souvent difficile, parviennent à continuer à entreprendre avec la plus vibrante énergie. Je trouve cela extrêmement motivant. C’est une source de fierté et je crois que cela doit être encouragé. Le message que je voudrais adresser à nos plus jeunes sœurs, c’est d’oser. Il n’y a pas de moments où on ne peut pas réussir. On peut essayer, on peut échouer, mais même quand on échoue, on apprend. Je crois qu’il faut tirer les enseignements aussi de situations que l’on vit, il faut apprendre de l’expérience des autres. Il ne faut pas hésiter aussi à essayer de demander quand on ne sait pas, il faut savoir s’entourer. Les femmes doivent être encore et toujours plus combatives. Elles doivent oser entreprendre parce que la place, personne ne va nous la donner. On va la saisir, on va la prendre et on la prend avec talent. Aujourd’hui, nous avons ce souci et sommes dans cette démarche qui consiste à valoriser aussi le travail qui est porté par nos sœurs, par nos mères, par nos tantes. Je crois qu’il faut continuer à les encourager. Osez, osons !
Spécialiste en relations publiques, Seynabou Dia possède une connaissance approfondie de la communication des organisations. Forte de ses expériences professionnelles et marquée par l’ambition de valoriser les acteurs de la transformation économique du continent africain, elle fonde, dès 2011, sa première agence, Global Emergence, basée entre Washington DC et Paris.
De plus, Seynabou a participé à diverses initiatives clés à l’échelle internationale. Pendant deux ans, elle a été Responsable de la Communication d’un réseau de cadres africains et a joué un rôle actif dans l’organisation de grands événements au Bureau d’Information du Parlement Européen et à Science Po Paris.
Pendant quatre ans, elle a assumé la vice-présidence du Collectif Européen pour le Développement des pays d’Afrique, où elle a mis à profit sa compréhension et son expérience du développement durable et endogène pour faire avancer des projets éducatifs structurants.
Aujourd’hui, Seynabou dirige le cabinet de conseil en relations publiques, Global Mind consulting, qu’elle a créé en 2012. Dès lors, elle se donne comme ambition d’accompagner la communication des entreprises et organisations présentes sur le continent africain. Global Mind Consulting met également l’accent sur le soutien aux jeunes entrepreneurs et les initiatives qui favorisent l’autonomisation des femmes en Afrique. Elle a ainsi à cœur de s’impliquer de manière significative dans de nombreux efforts qui traitent ces problèmes.
Elle est Ambassadrice du réseau Women in Africa, qui se concentre sur la promotion du leadership féminin, élue Femme Entrepreneure de l’année 2017 lors du Hub Africa Awards à Casablanca et figure sur le classement des 40 femmes les plus inspirantes des métiers de la communication et des médias, en Afrique francophone et sa diaspora, en 2021 de Naole Média.